Créations

Sonia Elvireanu, poétesse élégiaque

L’infini s’effiloche
dans les flammes des orangers

Les lecteurs de Mondesfrancophones ont pu découvrir récemment quelques poèmes tirés du dernier recueil de Sonia Elvireanu, Le Souffle du ciel. Essayiste, romancière, poétesse, cette professeure de l’université d’Alba Iulia est l’auteure de plusieurs recueils publiés en Roumanie, le plus souvent directement en français. Elle traduit également des poètes français en roumain et des poètes roumains en français.

Le Souffle du ciel est son deuxième recueil publié en France après Le Silence d’entre les neiges, l’année dernière, déjà chez L’Harmattan (1). Il contient cent-vingt poèmes, pour la plupart bref, dont on sent qu’ils sont le jaillissement d’un instant. Une sensation fugitive qu’il fallait fixer.

Moi, sous la pluie,
un cygne sur les eaux

la rosée des gouttes
me baigne et me caresse,

leur clarté
éveille le chant

qui m’enveloppe.
(Le baptême de l’eau)

Si l’eau revient souvent :

des ciels d’eaux ondoyant
dans les paupières d’une pensée

(Et les tilleuls),

la nature, plus généralement, est constamment présente :

le vert nacré des peupliers
frémit dans mon âme

(Le regard des peupliers),

des plantes, des animaux aussi :

le matin coule dans l’œil du cheval noir
(L’élégie des chevaux blancs),

ou un simple caillou :

la pierre sur laquelle je marche
colle sa douleur à ma
semelle
(Poussière empoisonnée).

S. Elvireanu affectionne les images surréalistes :

des nénuphars fleurissent dans mes cheveux
(Regards de nénuphars)

sur les eaux, les os en dérive
se rejoignent en pont
et chantent sur la mer
(Isis).

Une rare mention d’un objet fait de la main de l’homme :

la fumée de la cigarette s’élève en silence,
un rond de cigarette allumée
attend que la nuit se dissipe
(Un rond de cigarette)

L’amour se manifeste ici sous la forme mélancolique propre à l’élégie :

j’ai crié ton nom, tu n’étais nulle part,
des feuilles et des cailloux partout,

Je me suis heurtée à un arbre,
je l’ai embrassé égarée, 

tu n’étais nulle part,
des feuilles et des cailloux partout

(Epouvante).

Les mystères de l’amour :

je croyais connaître l’homme
collé à mes reins une vie entière,

Les caresses de l’été sous les pommiers,
l’argile se faisant source dans nos paumes
(Zéphyr soyeux).

Pour la poétesse
l’homme est le Ciel, la femme, la Terre,
l’homme, l’aigle d’azur, la femme, celle d’argile
(L’arc-en-ciel).

Le constat d’une vie qui passe sans qu’on n’y comprenne rien :

les fils de la vie s’enroulent en quenouille, leur indifférence nous déchire
(La lumière qui s’éteint),

la nostalgie :

Crois-tu que nous serons
un beau jour
des violons en déclin

ou peut-être rien que
des murmures de clavecin,
écrasés par les pleurs

(Peut-on faire autrement),

une sorte de bonheur, malgré tout :

il nous reste quelque part un sourire, un regret, un soupir,
des neiges gelées sur la branche

(Il nous reste le silence).

La poésie de S. Elvireanu : une chanson douce qui nous touche au cœur.

 

Sonia Elvireanu : Le Souffle du ciel, Paris, L’Harmattan, 2019, 162 p. Ce recueil réunit les poèmes récompensés par le prix Naji Naaman de créativité (Liban) et le prix Monde francophone décerné par l’Académie littéraire et poétique de Provence.

 

 

(1) Et sa traduction, chez le même éditeur, du poète roumain Marian Drăghici sous le titre Lumière, doucement.