Chroniques Créations

Le Bar de la plage – épisodes 147, 148 et 149

Episode 147

Invitation

Si à un moment de la prochaine saison, la vie vous paraît trop injuste, le monde trop moche, il se peut qu’un court séjour au bar de la plage puisse vous être bénéfique. En tout cas, d’un effet très supérieur à la lecture de toute la littérature de bien-être, d’épanouissement personnel, et autres prêches de gourous californiens, tendance boud-dhiste béat

Bien sûr pour y accéder, il faut présenter quelques dispositions favorables. Par exemple :

1/ Avoir lu au moins 10 épisodes des aventures de San-Antonio 2/ Ne pas être tenté d’enquiquiner les autres avec vos désespoirs ou vos emballements avant midi. 3/ et condition sine qua non, connaître par cœur les paroles originelles d’Imagine.

Une certaine familiarité avec les enchantements et sortilèges des grands fleuves d’Asie est un atout en particulier auprès du Colonel. Se renseigner à l’avance : une première vision du film de Pierre Schoendoerffer le Crabe tambour peut-être utile. Enfin la pratique d’un instrument de musique, par exemple piano façon Monty Alexander est vraiment une bonne chose. (rappeur s’abstenir)

Alors, tout ce qu’on qualifie (parfois un peu vite) de bonheur peu arriver, quelle que soit la météo.

Si ça vous dit, à tout à l’heure…

– Georges, more dry-martini for these new coming boys and girls…

Episode 148

(Horreurs de la perfection)

– Georges, un double dry-martini…si vous saviez comme cela fait du bien d’être de mauvaise humeur…

Il y a des moments où on a vraiment envie d’être désagréable, de travers, en rogne…

Bien entendu, dans la plupart des cas, une éducation disons classique à base de politesse sociale évite les débordements trop dommageables.
Et la raison de cet état d’âme… la perfection. Oui, la perfection. L’actualité du monde était quasiment muette (bon, ça on ne pouvait pas s’en plaindre) et le reste…

La mer était parfaite, en harmonie avec le moment, la saison, le cosmos, les oiseaux de mer étaient parfaits (enfin presque) la lumière était parfaite, bref un décor de parfaite carte postale. Vous connaissez pire…

Pas le moindre petit désordre, pas le moindre arpège en vrac, pas de mèches rebelles dans les cheveux des filles, pas le plus petit zigzag au milieu de cette interminable ligne droite qu’est l’implacable perfection. A souhaiter deux ou trois cauchemars, début de panique, indéchiffrables, personne ne sait vraiment de quoi il en retourne, sauf les psychanalystes farceurs viennois dont ils font la fortune et qui prétendent être au courant de l’affaire… Ou beaucoup mieux : les déchirures de guerre d’un solo de Charlie Parker, ou de tristesse de Coltrane

Fin de partie au lever du soleil.

Alors tout recommence.

Un espoir : cela ne pouvait pas durer comme ça pendant des siècles…peut-être même pas jusqu’à demain.

Episode 149

Le jour se leva

Le jour se leva. Le soleil se leva. Une légère houle se leva. On ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’il s’agissait bien d’un nouveau jour. Les obscurités inquiétantes de la nuit s’étaient dispersées. Rien n’était venu les remplacer. Ça allait.

Jean-Do, notre cyber-intelligent copain, montrait moins d’enthousiasme, on peut même dire qu’il était carrément opposé à mon pronostic. Il me parla de blues, de spleen (il venait sans doute de lire les poètes du XIXème siècle) ; les équations ultimes et les mathématiciennes qui leur ressemblaient, lui avaient laissé un goût bizarre. Il voulait dire, je crois, que là dedans il n’y avait rien de chaud, de bouleversant, de corps hésitant, de peau désirante… Bref, diagnostic : Jean-Do venait de tomber amoureux (quel terme idiot, comme s’il s’agissait d’une chute) d’une fille pataugeant dans l’eau croisée au début du jour.

Il lui avait dit :

– Bonjour, vous êtes bien jolie Mademoiselle.

Elle était brune, bronzée et allait dans un bikini rouge qui lui allait à merveille. Elle ne lui a pas dit qu’elle s’appelait Clara.

Il dit aussi : “Ce soir, on sera au bar de plage si vous n’avez rien d’autre à faire, vous pourriez nous rejoindre… Enfin m’y retrouver… ce serait bien… vers sept ou huit heures ou plus tard , ou plutôt… comme ça vous arrange, ce serait bien non… je veux dire vraiment bien”

Elle ne lui avait toujours pas dit qu’elle s’appelait Clara… comme dans le film Clara et les chics types avec Isabelle Adjani.

Jean-Do se mit à regarder sa montre toutes les demi-heures. Le temps ne voulait décidément pas se presser.

– Alex, huit heures du soir, c’est dans combien de temps ?
Jean-Do ne savait même plus faire une soustraction…

Vint Clara… A suivre