Chroniques Mondes européens

Le Mystère du Baby-foot du Bibent

 

 

Le baby-foot fut le seul sport pratiqué pendant les 2 années intenses de prépa au lycée Pierre de Fermat (1962/1964).

Pour pouvoir consacrer le maximum de temps aux études, j’avais complètement arrêté toute pratique sportive.

Mais il fallait quelquefois se défouler, et évacuer la tension, rien de mieux alors que quelques parties de baby-foot.

Dès que nous disposions de la moindre fenêtre de temps libre, prof absent, intervalle entre deux cours, pause entre midi et deux heures, nous foncions au Bibent, à 200 mètres du lycée, pour faire quelques parties à deux ou à quatre.

A force de jouer, nous avions atteint un bon niveau, et pouvions lancer des défis à d’autres équipes.

Les règles étaient simples, les roulettes, armes du faible, étaient prohibées, le premier à 10 buts marqués était déclaré vainqueur.

Compte tenu des horaires pratiqués, pause du midi, c’est surtout les élèves « externes » qui pouvaient y participer.

Et dans mes souvenirs, ces parties acharnées se déroulaient dans une arrière salle du Bibent, avec billards et baby-foot, où une consommation (café), permettait de jouer longtemps…Il y avait une certaine tolérance envers les étudiants qui amenaient une animation certaine.

Début octobre 2025, nous avons décidé de fêter nos 60 ans de mariage à Toulouse, lieu de cette cérémonie dans la célèbre Salle des Illustres au Capitole.

Le théâtre du Capitole occupe l’aile est du bâtiment, le reste étant occupé par la Mairie.

Rien de mieux donc que d’assister à un opéra dans ce fameux théâtre.

C’est ainsi que nous sommes allés voir Thaïs de Massenet, un spectacle somptueux (voir chronique dédiée).

Pour nous loger, nous avons loué un appartement, rue du Poids de l’Huile, à 50 mètres du Capitole et du Bibent, qui est devenu notre camp de base : cette brasserie classée monument historique offre certes de bons repas, mais aussi un fameux petit déjeuner, avec chocolatines et croissants.

J’eus donc la possibilité d’interroger le personnel sur la présence de la fameuse salle de jeux (dont les baby-foot).

A ma question, je vis des visages surpris et interrogatifs, « des baby-foot au Bibent, on n’a jamais ni connu, ni entendu parler de ça ».

Les faits remontant à plus de 60 ans, je compris qu’il n’y avait plus de témoins de cette époque.

A mon tour de m’interroger sur ma mémoire, dans une démarche « modianesque » :

« les baby-foot ont-ils bien existé à cet endroit ? Ou bien était-ce dans un café voisin, ma mémoire aurait-elle affecté au Bibent un café tout proche qui depuis aurait fermé ? »

Ma recherche n’est pas terminée …

Je reste dans l’expectative.

Bibent or not Bibent.

L’avantage de cette recherche mémorielle, c’est d’avoir redécouvert cette fameuse brasserie 60 ans plus tard, avec le privilège de pouvoir y consommer autre chose que le café de l’étudiant désargenté.

Tous les matins, nous y avons petit déjeuné, et organisé un repas familial un samedi soir.

En famille au Bibent

Un point d’histoire sur le Bibent nous permettra peut-être d’éclaircir notre recherche.

Le bâtiment du 5 place du Capitole a été construit en 1843, et le café Bibent a été ouvert en 1861 par Jean-Catherine Bibent. En occitan « bibent » peut signifier « ils boivent » ou « bien boire ».

Son décor en stuc est caractéristique de l’époque Napoléon III. L’édifice est inscrit en 1975 au titre des monuments historiques pour son décor intérieur.

En 1986, le café est agrandi sur 3 niveaux. Devenu brasserie, il perd sa clientèle d’étudiants et d’artistes. En même temps que son âme, le café perd un peu de son attrait.

C’est vraisemblablement à ce moment-là que furent retirés les baby-foot et les billards, qui ne correspondaient plus à la clientèle recherchée.

Je n’ai donc pas rêvé, il y avait bien dans les années 60/70 une salle de jeux où les étudiants étaient cordialement accueillis.

La salle de jeu fut transformée en salle de restaurant privatisable, avec une belle voûte et des murs en brique rouge (photo ci-après).

Après ces transformations pas forcément heureuses, il retrouvera son décor Belle Époque en 2011.

“C’est un retour aux sources pour moi. J’ai envie de faire revivre le Bibent. C’est un lieu magique, tout comme la place du Capitole l’est à Toulouse… Je vais faire une carte travaillée avec des produits du terroir, des plats simples, gastronomiques, de qualité et pas chers, comme la tête de veau ou le cassoulet ! Je veux que les Toulousains qui ont envie de sortir et de bien manger reviennent au Bibent”, s’enthousiasmait alors Christian Constant, aux commandes des cuisines de la brasserie, en juin 2011.

Café Bibent

Après diverses tribulations, le fonds de commerce a été repris par le Groupe La Dépêche du Midi associé au Groupe Esprit Pergo en janvier 2024 à la barre du Tribunal de Commerce de Montauban.

Curieusement, c’est en y écrivant des articles pour ce même journal, que Jean Jaurès, alors adjoint au maire de Toulouse, a fait entrer le Bibent dans l’histoire.

Ironie de cette même histoire, au même moment, trois étudiants serbes y concevaient les plans de l’assassinat de l’archiduc Louis Ferdinand d’Autriche à Sarajevo.

Pour revenir à la profession de foi du chef Christian Constant, nous pûmes déguster un excellent cassoulet réalisé dans la plus pure tradition toulousaine.

               

Cassoulet maison                           Millefeuille à la vanille

Et essayer des desserts originaux, dont un millefeuille à la vanille spécial Bibent.

Il faut citer aussi une autre spécialité en entrée, qui apparaît sur la carte sous la dénomination « l’incontournable œuf mimosa du Bibent » et en plat l’ineffable agneau de lait des Pyrénées.

Le tout sous l’autorité du chef actuel Yann Ghazal.

Malgré sa situation d’icone historique toulousaine, le Bibent reste à un niveau de prix abordable, donc familial.

Et pour terminer cette chronique, rien de mieux que la signature du Bibent.

ANIMÉ DEPUIS 1861

Sur la place du Capitole, dégustez un moment unique et une cuisine créative, au cœur de notre écrin Napoléon III. Icône historique, le Bibent respire et inspire la ville depuis 1861. De notre riche héritage renaît l’âme de la brasserie d’aujourd’hui.
Entrez, découvrez et savourez… tout ce qui vous enchante nous anime.

Étude passionnante de la Carte du Bibent.

A ma droite, mon petit-fils Timothé qui vient de publier son premier roman sur Wattpad « Les Receveurs- Le Don du Temps » sous le pseudo Zhurias.