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« Tropiques » suivi de « Miserere » : un recueil de Michel Herland

C’était à Nouméa, au bord du lagon, dans un piano-bar.

Chaque mercredi soir s’y tenait une séance de notre club de lecture, où le micro était ouvert à toutes les voix désireuses de faire vibrer un texte, à tous les horizons de la littérature, et singulièrement de la poésie.

Nous n’y avons sans doute pas lu les premières pages de Salambô, dans cette atmosphère feutrée, si peu compassée, où les voix des intervenants inclinaient moins à convoquer le tonitruant Gustave, qu’une foule d’écrivains plus confidentiels du monde entier.

J’y vis Michel Herland pour la première fois ; sa discrétion courtoise, cordiale, généreuse, dissimulait mal l’intérêt formidable qu’il portait à la littérature, et plus précisément à la poésie, et qui a fondé en toute simplicité, et renforcé au fil du temps, notre amitié.

Aujourd’hui, présentés d’emblée en une édition bilingue, où la langue roumaine en regard, chaude de sa latinité, ne pourra que les servir suavement, ce sont des poèmes essentiellement érotiques qu’il nous offre.

Les voici donc sous vos yeux, livrés avec une sorte de désinvolture contrainte, provocante parfois, jusqu’à l’obscène ou l’argotique, dont une contraction syntaxique, par endroits, semble venir rectifier l’abandon. L’exaspération du désir y est volontiers d’une leste crudité, mais également distancée d’accents courtois, comme des clins d’œil adressés à un fin amor oublié, ou des retours à une équité de registres, comme des rappels surannés que tout amour est aussi une distance, une mesure extensible du temps, un égard pris pour l’autre.

Ainsi, devant la « Lagune d’écrasé soleil », l’érotique, glissé dans l’exotique par sa lettre distinctive même, y fait de ludiques oscillations du tu au vous, aussi bien que de pudiques écarts au elle de l’idéal atteint comme du dépit amoureux toujours craint.

Dans des strophes tentées par le sonnet, les vers sont souvent frappés, formellement durcis, et craquant sous la dent ; ailleurs au contraire les voilà mâchonnés, ensalivés en quelque manducation prosodique (quand l’élision du e muet par exemple, à la césure ou dans les hémistiches, se heurte à la coque de la consonne qui suit), et le lecteur peut les entendre alors comme autant d’espiègles phrasés.  L’humour et la dérision, tour à tour, se frôlent, se frottent.

On devine qu’il s’agit là, en quelque sorte, dans ces textes se jouant d’eux-mêmes, de compenser un peu, en sous-main, la tenace et touchante nostalgie qu’on y sent monter de l’amour.

Le spleen, ou selon le mot roumain, le dor (tout aussi difficile à traduire en français, dit-on, que le spleen baudelairien) est là en tant qu’épaisseur tangible, en tant que double peau sous la caresse. Michel Herland confirme bien qu’en matière d’amour, les poèmes qui nous touchent sont, par une agréable réciprocité, autant à lire qu’à toucher.

Plus loin, mais à peine, si brutalement à proximité, ce sont les misères du monde, les révulsantes notations du sordide, les énumérations de la douleur, du désespoir.

Parce que, si rien n’est plus fragile, plus déchirable que la peau, plus éphémère que la caresse, rien ne semble aussi plus durablement encrassé en l’homme que la violence triste de sa condition.

 

Michel Herland, Tropiques suivi de Miserere – Tropice urmat de Miserere, édition bilingue, traduction en roumain de Sonia Elvireanu, Iasi, Ars Longa, 2020, 134 p.

 

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PS / Tropiques suivi de Miserere – Tropice urmat de Miserere, est en vente chez l’auteur au prix de 10 € + frais de port. Ecrire à l’adresse suivante :

herland-livres@laposte.net

Le recueil Haïkus – Martinique (poèmes et photographies), Fort-de-France, K-Editions, 128 p. est également disponible chez l’auteur au prix de 15 € + frais de port. Ecrire à la même adresse.

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A la Martinique, ces deux ouvrages peuvent aussi être acquis à la librairie Le Papillon bleu à Fort-de-France.

Instants / instantanés : les « Haïkus Martinique » de Michel Herland