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Poèmes d’un temps troublé – 2

Le carnaval avec un seul masque

 La ville est pleine de masques blancs,
sans costumes de carnaval,
des ombres étranges échappées de l’hôpital,

 un silence fluide les relie tel un fil de télégraphe,
elles glissent l’une près de l’autre
ne se cherchent plus, s’écartent,

le carnaval avec son unique masque
est muet,
il te prend à contre coeur en file indienne,

la ville est malade,
elle n’a ni bouche ni nez,
elle aussi est muette,

 un bandage blanc s’étend
sur son visage tel un champignon,
et les yeux ont des cernes blancs.       

8.04.2020

 

Fais fleurir ton arbre

 Le fleurissement des arbres
dans ton regard,

 ferme les yeux,
son éclat persiste sous les paupières,

 fais-le descendre
dans le corps,
fais fleurir ton arbre.

 3.04.2020

 

Le chant du silence de la rue

 C’est un monde suspendu
entre le silence et la panique,

 entre le sourire d’hier
et la menace d’aujourd’hui,

 entre la révolte et le rêve,
avec d’étranges souvenirs,

 et des histoires racontées en sourdine
pour se retrouver,

 avec la nostalgie des couleurs
et des odeurs éloignées,

 avec un paradis perdu,
avant d’être reconnu

 avec une colère sourde
accrochée aux fenêtres,

 avec le chant du silence
sans ombre offert à tous.

 5.04.2020

 

Chant bleu

 Le sable bleu de l’île
couvre mes traces,

 mon haleine soulève
un souffle au-dessus de l’océan,

 sur le brouillard des horizons
mon rivage chante comme une sirène.

 8.04.2020

 

L’autre rive

 De mon rivage je tente d’apercevoir l’autre côté
à travers le souffle bleuâtre du matin,

 la mer roule ses horizons troubles jusqu’à moi
avec les murmures étranges de là-bas,

 les deux rives bruissent telles des âmes jumelles
qui pleurent de n’être réunies sous le même ciel.

 7.04.2020

 

Comment sortirons-nous de ce trouble?

 Des bourgeons pressés de s’épanouir,
éclatent sous la neige

 de derrière les fenêtres,
des regards se penchent vers l’horizon fermé,

 et quand l’horizon enfin s’ouvrira
quel monde découvriront-ils ?

 comment se parleront les yeux, les lèvres, les mains solitaires,
quelle mémoire garderont-ils du temps troublé ?

 comment se retrouveront les âmes rongées par l’isolement
quand disparaîtra le froid de ce printemps ?

 2.04. 2020

 

 Illuminations

 C’est un printemps silencieux,
comme l’inquiète colombe
qui tourne dans le ciel,

 des neiges tardives
et des bourgeonnements
qui nous troublent le sang,

 et des ombres étranges, muettes,
le vacillement de la paille
allumée sur les eaux,

 un champ désert,
aux labours
abandonnés,

 enfin les arbres,
leur silence
comme un appel.

 30.03.2020

 

Matin étrange

 Derrière les fenêtres,
on regarde un mur,

 on discute avec le béton d’en face
pour tout paysage
dans la vapeur du café du matin,

 ou avec le mur de pierres
du voisin
pour seul horizon,

 on ne s’attarde plus
à  faire un brin de causette
par-dessus la palissade,

 chacun est forteresse,
ou île,
enfermé,

 d’autres ont plus de chance
ils échangent avec quelques brins d’herbe
au flanc d’une colline,

 avec des bourgeons
qui verdissent
perlés par la pluie,

 goutte à goutte,
on boit son café
goûtant l’amertume,

 on médite,
tout orgueil
vaincu par la solitude,

 ah ! forsythia, ton or
me grise comme le vin
que je ne boit plus,

 je te consacre aux murs
de la forteresse
qui me retient prisonnière

 à ses fenêtres ne fleurit
nul rameau,
promesse de fruits murs

 22.03.2020