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« Le Chant de la mer à l’ombre du Héron cendré » de Sonia Elviranu

Sonia Elviranu, Le chant de la mer à l’ombre du héron cendré, L’Harmattan, 2020, 128 p., 14,50 €.

Après le Souffle du ciel, j’ai suivi Sonia Elvireanu dans son retour au pays d’avant les mots.
Le temps renversé dans ses bras, la vie et la mort.
Paysages bercés par le murmure de la mer, comme la vie du silence d’avant la naissance.

Dès le départ, la mer et les rêves nous enveloppent.

Au loin,
le héron cendré, …

Le ciel
glisse
sa lumière
dans ses ailes.

Le retour au silence, au désert, voit naître le premier jour.

Le lever du soleil ,
sur les tempes
du monde,
un souffle
de merveilles 

Au creux de la mer,
Le héron cendré accroche ses ailes 

L’ile de la rêveuse offre  la rencontre

un cygne solitaire se tait

Au bord de l’eau
j’apprivoise les lointains … J’écoute

La solitude,
… le brouillard …
la mer,
la nuit

Quelqu’un cherche sa voie.
Quelqu’un se cherche,
Apparemment, nous n’avons pas quitté ce temps renversé  d’avant la naissance.

Un cri dans la nuit
Un papillon jaune
tourne en rêve
dans le ciel

Au creux de la mer …
Le jour pend au soleil, la nuit à la lune, noue l’un à l’autre,
Comme pend la goutte de rosée à la feuille.

Fragile, le cordon littéral de l’un à l’autre, l’amour, l’Etre aimé !

La vie
que tu cherches

Au fil d’eau,
l’oubli …

Avec l’oscillation intérieure, le temps du  doute apparaît

Le cri muet
du corps ensablé 

 …  Je n’erre plus,
Au plus profond de mon nid,
je berce ma lumière 

Les mots ont la force de la renaissance secrète :

L’éclat
d’un fil
de lumière
dans le labyrinthe
de
la nuit »

L’écriture donne à imaginer l’univers poétique de l’auteur, qui vient de s’ouvrir,

…  loin des illusions
du monde
tel des fous,
dans les senteurs des champs,
enfants de la lumière,
nous galopons le ciel dans les bras

 Quand vient le temps des questionnements, la confiance est la plus forte.

Ce qui reste sans réponse a le droit d’exister.

 n’empoussière pas ta lumière,
que son éclat dans ta nuit
demeure,
tu finiras par comprendre son mystère 

La solitude ne l’effraie pas, elle demande :

Prie
pour moi,
que je ne sois pas
désert,
mais lointaine
oasis.

Ombre et lumière peuvent s’affronter, le poème résiste.

Au creux
de tes mains,
le ciel creuse
des sillons profonds,
délace la lumière du poème,
de ses voiles sombres.

Elle connaît les détours de l’ombre, sa main semble nous alerter :

Ne laisse pas l’ombre
te déchirer,
tiens-la serrée,
et pèse
ses marées.

Elle connaît le silence de la terre, et son langage :

Allégée
de
ses souffrances,
la terre fait fleurir
étrangement,
ses pommiers 

Lorsqu’elle évoque la nuit, elle voit des sources nouvelles à sa rencontre :

La nuit
dort
sur les paupières,
apportant
les rêves
d’autres rivages 

Ne chasse pas
les mots
qui ne peuvent pas
témoigner de la souffrance,
leurs traces resteront
dans le sable de l’être 

Ce qui semble impossible à dire de la souffrance, elle nous invite à en retenir les traces.

Il neige,
sur les regards
éteints,
par l’attente
là-bas,
au loin,
La Sibérie gelée
sombre dans l’oubli.

Ici, les mots du poète ne donnent pas seulement l’émotion, ils sauvent de l’OUBLI.

L’âme de Sonia Elvireanu ne craint pas de se projeter vers l’avenir :

…  l’aube glissera
sa clarté dans ton regard,
la nuit ne sera plus
qu’une ombre dans tes yeux.

De la douleur du combat, la lumière demeure victorieuse.

Vers toi
ô ciel
s’élève
ma prière
pitié
éternelle
à lui
à la mer
que j’emporte dans mon corps.

Sa prière si touchante, car tellement humaine et charnelle, s’adresse au ciel, à la mer, aux éléments.

La quête de la Voie, la Lumière, la Beauté, c’est un  murmure, en marge ou entre les lignes.

Les tristesses
de l’été
enterre-les
dans la colline …

La quête de l’Etre Aimé, poésie de l’effleurement, plus forte que l’absence, l’impalpable plus réel que la matérialité :

Tu passes
tel un souffle
à travers moi
tu me glisses
dans ton regard
je fais fleurir l’oléandre

Dans l’air brûlant
aucun souffle ne remue la solitude
j’écoute le silence
… la mélancolie sous ma fenêtre

Est-ce donc le long silence, qui prépare la Nature à toutes les naissances ?

Au ventre
de la montagne
parle
le silence
comme au désert

L’auteur nous invite à la beauté des paroles, à la lenteur du temps :

Ne dis jamais
adieu aux paroles
laisse-leur
le temps
de se reposer en toi
l’amour s’épanouit
dans
le silence 

Cette lenteur du silence, avec elle, devient berceau de l’amour

…  j’ai soulevé ton fardeau
tu grandis maintenant au creux de ma douceur
Ne reviens pas sur tes pas
suis ta Voie
on se trouvera au carrefour
dans le Souffle de la rencontre.

Avec la poète un mot peut porter à lui seul, l’acte qui sauve.

Un mot
se lève sur la mer
vers le ciel étoilé
plus brillant
que l’étoile, …

Chaque mot a le goût de Renaissance, grâce à la présence intérieure.

Ton ombre
silence et nuit
c’est ma maison 

Dans
l’infini
appuyé
à la lumière
tu la tournes
vers moi .

Bientôt, ce n’est plus « un mot » qui nous transporte dans les paysages de la poésie de Sonia, mais un flocon à peine perceptible.

… Sur la crête fleurie
des nuages de lumière
glissent en moi
comme un flocon léger et silencieux.    

un jour je serai
une algue ondoyée
par des poissons dorés
dans la lumière des profondeurs,
l’orage m’emportera au bord,
émeraude du sable 

Naître, Mourir, Renaître …

Est-ce la rencontre des mémoires ?

Est-ce votre écriture aux pouvoirs particuliers ?

A vous lire, mon regard, parfois perplexe, parfois émerveillé, est devenu plus vaste d’embrasser la sensibilité d’horizons nouveaux. La chair du cœur s’est trouvée bouleversée, de forces lumineuses et d’amour de la vie.

La vie toujours recommencée,
en mémoire à Paul Valéry, « la mer, la mer, toujours recommencée ».