Vive la jeunesse quand l’envie d’exister très fort se conjugue avec la liberté de l’imagination et un travail acharné pour aboutir à une œuvre puissante et amusante. C’est le cas de cette pièce de deux jeunes danseurs chorégraphes, deux produits du conservatoire supérieur de danse de Madrid, l’une, Candelaria Antelo, venue de Buenos Aires et l’autre, Arthur Bernard Bazin, de Paris.
On ne sait quel qualificatif choisir pour caractériser leur pièce : inventive, drôle, athlétique, rigoureuse ? Tout cela à la foi en réalité. Que faut-il le plus admirer en effet chez ces deux artistes entre leur capacité à nous tenir en haleine de bout en bout, leur humour constant, la force physique qu’ils déploient dans leurs figures et la perfection de l’exécution ? Il est rare de voir tant de qualités réunies dans une chorégraphie complètement hors norme, chaplinesque où l’on voit deux amoureux qui ne cessent de se taper dessus, de s’empoigner dans des figures qui sont autant d’éclats de passion, de colère, de frustration.
Cela commence sur un air de blues par une danse serré collé dans la confusion des blondes chevelures de l’une et de l’autre. Il a revêtu un costume beige trop grand pour lui. Elle porte petite robe et boléro noirs. Il l’emporte, la laisse tomber, un cri. Accident prévu ou imprévu ? On se le demande un instant, bref car le pas de deux ne tarde pas à tourner au vinaigre…
Les deux danseurs s’attrapent, s’accrochent, se cognent, se lâchent, se rattrapent, s’enroulent l’un dans l’autre, ou sous l’autre, se grimpent dessus et tout cela sur un rythme si rapide qu’on ne peut qu’admirer – en plus – la forme physique exceptionnelle des deux danseurs et le réglage parfait de ce ballet hors norme. La musique se tait, remplacée par des onomatopées, des cris inarticulés, des murmures. Cela se termine par une scène de déshabillage, incomplet car une jambe du pantalon du danseur restera accrochée à sa cheville jusqu’à la fin.
Que dire de plus à propos de cette pièce puissamment originale, qui captive du début à la fin, sinon que son seul défaut est de s’achever trop tôt. Mais elle puise tellement dans les réserves physiques des danseurs qu’il ne paraît pas concevable qu’elle puisse se prolonger davantage.
En première partie, Katia Médici présentait à nouveau son solo évoquant la fin de la vie de la comtesse de Castiglione, sans changement notable par rapport à l’année dernière[i].
Je te Haime de et avec Candelaria Antelo et Arthur Bernard Bazin ; La Castiglione, chute d’une comtesse de et avec Katia Medici – Pavillon Noir, Aix-en-Provence, les 13, 14 et 15 octobre 2016.
[i] Sur cette pièce, voir notre article, in fine : http://mondesfr.wpengine.com/espaces/periples-des-arts/prestations-mitigees-danciens-danseurs-de-preljocaj/