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Aimé Césaire, le Bossuet des Antilles – de l’art oratoire à l’Assemblée nationale

” … les esprits amoureux de la rhétorique profonde” (Charles Baudelaire)

Conférence de René Hénane à l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier (12 avril 2010)

Extraits de discours repris du Journal officiel)[1]

(La séance s’ouvre avec la voix du député Aimé Césaire, à l’Assemblée nationale)  

Il m’eût paru inconvenant de précéder la voix d’Aimé Césaire.
Le poète nous a quittés. Nous sommes en communion avec sa mémoire.
Il est désormais « là où la mort est belle dans la main comme un oiseau saison de lait »

Je suis sensible à votre invitation et honoré d’avoir à évoquer, devant votre illustre audience, l’une des plus belles voix de notre temps.
se défendre du social par la création d’une zone d’incandescence… conquérir par la révolte la part franche où se susciter soi-même, intégral[2]
Je cite Aimé Césaire qui met d’emblée sa parole incandescente au service de l’engagement politique et il est difficile, voire impossible, de trouver dans le champ littéraire, un homme dont la conscience soit aussi puissamment ancrée dans l’Histoire et qui, dans l’accomplissement de son destin et celui de son peuple, mêle avec autant de rageuse conviction, l’éclat du verbe et l’ardeur de l’action.
Jamais, autant que dans ses discours officiels, l’expression « magie du verbe » – expression si souvent galvaudée, jusqu’à l’assèchement – n’a revêtu une telle présence dans l’action, jamais l’élan poétique n’a autant fait corps avec l’élan politique.
L’adage de Cicéron Nascuntur poetae, fiunt oratores – l’on naît poète et l’on devient orateur – s’applique au talent oratoire d’Aimé Césaire, talent qui brûle au feu du génie poétique.
Selon le biologiste la fonction crée l’organe ; avec Aimé Césaire, « la fonction crée le verbe, offensif, argumenté, engagé »[3]
Notons, en passant cette coïncidence, Césaire, comme Démosthène, était affligé d’un bégaiement, dont il s’est débarrassé par la suite.
Le style césairien possède un ton unique – outre le timbre haut perché et un léger zézaiement – qui donne une vibration singulière et reconnaissable à son verbe, vibration qui crée le mot-force et supprime toute frontière entre poésie, théâtre, discours politique.
Les discours d’Aimé Césaire à la tribune de l’Assemblée nationale s’inscrivent tous dans une stratégie d’opposition et sont tous bâtis sur le « socle du ressentiment » et du désenchantement, sentiments négatifs qui ont suscité un intense bouillonnement de fureur qui a culminé aux alentours des années 1950, années où les interventions d’Aimé Césaire furent très nombreuses (15 discours majeurs) et qui a donné naissance à l’impétueux pamphlet, le Discours sur le colonialisme.

Le Lyrisme du ressentiment apparaît déjà dans le Cahier du retour au pays natal (1939) et se poursuit dans l’oratorio dramatique Et les chiens se taisaient (1943) : Écoutons le cri du Rebelle :

Bien sûr qu’il va mourir le Rebelle. Oh, il n’y aura pas de drapeau même noir, pas de coup de canon, pas de cérémonial. Ce sera très simple quelque chose qui de l’ordre évident ne déplacera rien, mais qui fait que les coraux au fond de la mer, les oiseaux au fond du ciel, les étoiles au fond des yeux des femmes tressailliront le temps d’une larme ou d’un battement de paupière.
Architecte aux yeux bleus
je te défie
Je veux être celui qui refuse l’inacceptable
prends garde à toi architecte, car
si meurt le Rebelle ce ne sera pas sans avoir fait clair pour tous
que tu es le bâtisseur d’un monde de pestilence
…Architecte prends garde à toi

Tel est le ton des discours césairiens, à l’Assemblée nationale.
À l’immense espoir suscité par la loi de départementalisation du 19 mars 1946 dans les « vieilles colonies », la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion, succéda une longue période d’abattement et d’agitation politique dont les derniers feux ne sont pas encore éteints à ce jour, pénible période liée à la vaste déception et au sentiment de duperie éveillés par les résistances de la métropole à la mise en place et l’application pleines et entières, de toutes les mesures d’égalité devant la loi. C’est le règne de la mesurette, gouttelette qui essaie d’étouffer l’incendie qui couve :

– 26 avril 63 : L’histoire antillaise de ces dernières années, c’est l’histoire du culte du palliatif mineur quand ce n’est pas tout bêtement l’histoire du trompe- l’œil puéril.
Et Aimé Césaire poursuit, au cours d’un entretien : … Autrement dit, il a fallu arracher cette départementalisation et cette « assimilation » morceau par morceau.
Chaque application de la loi a été un combat presque humiliant.
La France était extrêmement réticente.
Et j’ai eu l’impression que nous avons fait un marché de dupes. J’ai pris acte de la départementalisation et, un beau jour, j’ai dit « Merde ! ». C’est tout. Tout le monde a compris.[4]

Il est vrai que les gouvernements successifs de la 4ème République ont manifesté une résistance systématique à mettre en œuvre les dispositions constitutionnelles liées au statut départemental des vieilles colonies. Certaines mesures, certains décrets étaient des violations flagrantes de la Constitution de 1946. Le suffrage universel ne fut mis en place qu’en 1956, soit dix ans après la promulgation de la loi.  Sachons aussi que les dernières mesures d’égalité sociale devant la loi ne furent mises en place qu’en 1996[5], soit cinquante ans après sa promulgation.
On comprend alors que ce texte explosif, Le Discours sur le colonialisme, soit le produit du ferment amer de la désillusion et du ressentiment dont les salves polémiques éclatent au visage d’un monde politique abasourdi.

Les discours d’Aimé Césaire ont profondément marqué l’art oratoire, à la tribune de l’Assemblée nationale, discours attendus, discours écoutés, ponctués par le rire des uns et la grimace des autres, les applaudissements, les remous que soulevait le souffle de l’éloquence, sous la pourpre et les ors de la République, devant les députés confondus par la virtuosité de ce Bossuet des Tropiques, Bossuet mâtiné de Jaurès. / Grand classicisme du discours césairien avec ses trois parties : l’exorde, la narration et la péroraison.

L’EXORDE : Discours de type démonstratif maniant aussi bien la louange que le blâme, l’émotion, les bons sentiments.
Exorde au style noble : (le plus redoutable) Le discours capte l’attention de l’auditoire : c’est la captatio benevolantiae des rhéteurs.
Les termes en sont bienveillants, attentifs, le discours ruisselle d’euphémismes, de bienséance et de litote – Vous noterez, dans les exemples suivants, l’abondance de référents positifs, gratifiants, valorisants, avalanche de compliments précédant le déferlement de la vague critique et le claquement des mots du discrédit et du stigmate.

– 30 juin 60 : M. le ministre, j’ai pris connaissance avec un vif intérêt du projet de loi programme… Il répondait à une nécessité…. Il était impatiemment attendu… Je vous félicite donc d’avoir lutté avec énergie… d’avoir œuvré pour qu’il vienne en discussion, comme promis(Le temps est au grand beau)
Je vous félicite aussi et vous remercie d’avoir fait un effort substantiel en faveur de ces territoires trop souvent ignorés…
Cette part faite à des compliments qui, venant de moi, n’ont rien de rituel, je ne vous cacherai pas mes réserves
(le temps se couvre !!!) et me permettrai de vous présenter quelques suggestions.
Pour aller à l’essentiel

je marquerai que  si je suis d’accord avec votre exposé des motifs, je suis beaucoup moins enthousiaste
(noter la prétérition ! on ne dit pas ce que l’on veut justement dire !) sur les articles de loi –
(La litote… en vérité, je suis très fâché !!! le temps se gâte !!!)
en bref je trouve que vous avez laissé passer l’occasion. Une politique, vous le savez mieux que moi, M. le ministre, ce ne sont pas seulement des déclarations d’intention ni même une énonciation de fins à atteindre, c’est aussi et, au moins autant, l’appropriation des moyens aux fins recherchées.
Or là réside la lacune
(en fait, cette loi ne vaut rien, elle est lacunaire !!!)
Pour mieux me faire comprendre, j’emploierai le langage de la scolastique et je dirai de votre projet que, si tout s’y trouve en puissance rien ne s’y trouve en acte, ce qui pour une loi est la définition même de l’imperfection (l’orage éclate enfin – la loi est stigmatisée)
Notons la fréquence de l’exorde ex abrupto, entrée brutale dans le vif du sujet : d’emblée le ton est donné.

– 10 juin 53 : « Mmes, Mrs, il est une fâcheuse tradition qui veut que les présidents du conseil désignés soient d’une singulière discrétion sur les problèmes de l’Union française »

– 15.10.65 : « M. le ministre, je saisis l’occasion du vote de ce budget – je devrais dire de ce petit rite budgétaire et maintenant quasi nocturne – pour vous exprimer, non moins rituellement, mon désaccord »

LA NARRATION (le corps du discours) : Là, dans toute son ampleur, éclate le lyrisme du ressentiment structuré avec les accents de l’indignation, de la détestation jusqu’à l’invective et l’injure… dont nous aurons plusieurs exemples.
L’art de la démonstration, l’art de la persuasion et de la dialectique, sont portés à leur apogée, fondés essentiellement sur deux vertus, l’érudition et le sens de la rhétorique et du beau langage.
L’érudition de l’orateur Aimé Césaire est d’abord servie par une mémoire « coranique » pour reprendre l’expression de la regrettée Lilyan Kesteloot. Elle en appelle au poids de l’Histoire et aux grandes voix de ses autorités morales. Cet appel marque son argumentaire du sceau de l’universalité et permet à Aimé Césaire d’interpeller ses adversaires sur le thème : « Pourquoi agissez-vous ainsi quand l’Histoire vous contredit ? ».
L’enchaînement des faits historiques structure la trame du discours et lui imprime une marque de logique irréfutable sur laquelle l’interlocuteur n’a aucune prise : C’est ce que j’appelle l’étouffement par l’histoire ; l’interlocuteur est littéralement étouffé sous le poids d’arguments et de témoins historiques:

– Exemple : le 26 octobre 1966, Aimé Césaire évoque les difficultés créées par le Marché commun sur l’économie de la Martinique : Noter l’accumulation argumentaire :
« ébauchée par la Restauration, en 1814, établie par la IIe République, confirmée par l’Empire aux termes du décret-loi du 27 mars 1852, maintenue par les lois particulières en 1860, 1861, 1864, réaffirmée par la IIIe République comme une des conditions de la prospérité des îles à sucrela détaxe à distance a eu d’illustres parrains dont M. Thiers lui-même, qui, à la tribune du corps législatif en 1864, en donnait en ces termes, une justification qui me paraît encore valable… ».
Quelle argumentation peut-on opposer à cette salve de rappels des grandes voix de l’Histoire ?

Un autre jour, Aimé Césaire fait appel aux mânes de Montesquieu, son Esprit de lois et sa théorie des climats, avec Diderot, Schœlcher, les grandes âmes du Consulat, de l’Empire, de la Restauration.

– Juin 45 et 18 septembre 1946, voici l’Acte de San Francisco, l’article 73 de la Charte des Nations Unies et un vaste chaudron argumentaire où bouillonnent, pêle-mêle, ensemble Marx et son Capital, (tome 4, p. 206), Galliéni et sa lettre du 6 février 1899, Lyautey,Montaigne (Livre 3 des Essais) : « Qui mit jamais à tel prix, le service de la mercadence et de la trafique ? Tant de villes rasées, tant de nations éliminées, tant de millions de peuples passés au fil de l’épée… »
Et encore, le père Arnou, le pasteur Dennet, Arturo Labriola… Le Second Empire avec de Chazelles et Pelletier de Saint-Rémy. Citons encore Victor Duruy, Maginot, l’américain William Bullitt. etc.
Les citations littéraires abondent, apportant une touche de saisissement dans l’auditoire dont l’attention est ainsi rivée au discours.

Les grands noms de la littérature sont ainsi appelés à la rescousse et montent à l’assaut du Gouvernement :
– Pascal « Qu’il est difficile de proposer une chose au jugement d’un autre sans corrompre son jugement, par la manière de lui proposer » (3 décembre 1966)
– Mallarmé et son « horrible naissance »
– Baudelaire et son « new-look » (10 octobre1972)
– Hegel, le philosophe allemand
– Claudel dont l’un des personnages du Soulier de satin alimente savoureusement le sarcasme césairien (15 décembre 1982) :
Il s’agit-là d’une hypocrisie, Monsieur le ministre ! Comment, en effet, adapter sans modifier ? Cela me rappelle irrésistiblement le personnage du Soulier de satin de Claudel, le docteur don Léopold Auguste, lequel était un partisan farouche de la nouveauté, mais qui ajoutait aussitôt : « Je suis pour la nouveauté mais une nouveauté qui soit absolument conforme au passé.

LA PÉRORAISON : Enfin, le flamboiement majestueux de la péroraison, de l’épilogue où, dans l’éclat du souffle oratoire, apparaît la clé de voûte de la pensée césairienne, sur laquelle s’achèvent presque tous les discours d’Aimé Césaire, l’espoir de l’universelle fraternité.

L’intervention littéraire, la conclusion, parmi les plus remarquables, apparaît au cours de la séance du 26 octobre 1966, où Aimé Césaire articule entièrement son discours sur le thème des quatre vents de l’esprit de Victor Hugo :
« Je vis quatre vents passer », chante Victor Hugo. Je n’en vois pas quatre souffler sur les départements d’outre-mer, Monsieur le ministre ! J’en vois trois. Mais ils suffisent et sont passablement inquiétants.
Le premier, on s’en doute, c’est le mauvais coup de vent qui vient de souffler sur la Guadeloupe
[6]. Les pertes sont effroyables : toute la production bananière est anéantie…
J’en arrive à mon second coup de vent. Cette fois, il ne vient pas du Golfe du Mexique, il ne s’agit pas d’un cyclone tropical. C’est un vent qui nous vient de Belgique… le vent du Marché commun. Eh bien ! c’est cela que j’appelle le mauvais vent de Bruxelles, et c’est une grande espérance antillaise qu’il a emporté et balayé de son souffle…
Pour en finir avec ma carte des vents, je voudrais vous parler, monsieur le ministre, du troisième et dernier, qui menace votre œuvre et qui risque de mettre par terre un de ces jours, l’échafaudage toujours vacillant que votre politique tente laborieusement d’édifier dans les départements d’outre-mer. / Ce mauvais vent, c’est l’harmattan, qui souffle de Djibouti…
[7] 

 18 septembre 46 : « Le jour où ces peuples auront le sentiment que cet espoir a été bafoué une fois de plus, ce jour-là, et ce jour-là seulement, la situation sera grave, parce que, ce jour-là, le temps et les désillusions auront accumulé « des amas d’âmes sèches prêtes à l’incendie ».
À cet incendie, permettez-nous de préférer la grande lueur qui monte du brasier que vous avez vous-mêmes allumé en 1789 et qui n’a jamais cessé depuis d’obséder l’horizon des peuples, parce qu’on leur apportait à tous, quelle que fût leur race ou leur couleur, non seulement le salut d’un peuple libre, mais encore le grand message de la fraternité.

Les petites phrases qui tuent : Véritables flèches oratoires qui clouent l’interlocuteur, trouvailles de langage, images insolites qui font sursauter l’audience et mettent les rieurs de son côté :
C’est « l’assimilation, la feuille de vigne qui cache les parties honteuses du colonialisme ».
C’est la diatribe contre Olivier Stirn : « stirnisme néo-conquistadorisme », du nom du secrétaire d’État aux DOM-TOM, Olivier Stirn, intervention qui est une merveille d’ironie rhétorique (13 novembre 1975) :
…à travers tous ces chiffres, tous ces dénombrements, tous ces commentaires il se dégage une doctrine qu’avec votre permission j’appellerai le « stirnisme »
Qu’est-ce donc que le « stirnisme ?… Monsieur le secrétaire d’État, je dirai, parodiant Molière, que vous êtes un « départementaliseur à toutes mains » … (rires)
J’ai entendu cet après-midi des orateurs se lancer à la tête des épithètes historiques et homériques. On s’est qualifié de girondins, de jacobins, mais, dussé-je vous décevoir, votre texte, monsieur le ministre, n’est ni jacobin ni girondin, il est thermidorien, ce qui est beaucoup moins recommandable.

– Nous relevons aussi la création de nouveaux concepts : le génocide par substitution et le génocide par persuasion.
L’art de la rhétorique est poussé au plus haut niveau, au service d’une argumentation fondée sur des faits irréfutables qui mettent à mal l’interlocuteur en soulignant la contradiction, voire l’incohérence et l’absurdité de ses propos.

Césaire interrompit sèchement le discours de René Pléven, ministre de la défense nationale, et en quelques mots, tailla en pièces son argumentation, car le malheureux ministre fit de Félix Éboué un citoyen des Antilles alors qu’il était Guyanais (15 mars 1950) :
M. René Pléven, ministre de la défense nationale, s’adressant à Aimé Césaire : « Je voudrais dire que j’ai connu un autre Antillais que vous, M. Césaire. Cet Antillais, je l’ai connu intimement. Il s’appelait Félix Éboué. Il ne parlait pas ainsi de la France. »
Que n’avait-il pas dit ? Aimé Césaire bondit de son siège :
Je demande la parole… M. le ministre de la défense nationale a cru bon de faire appel au témoignage de Félix Éboué. Éboué n’était pas Antillais, mais Guyanais. Je pense que le meilleur moyen de rendre hommage à Félix Éboué, Monsieur le ministre, est d’essayer de d’améliorer la condition de vie du peuple auquel il appartenait. »

La dialectique césairienne de l’argument et du contre-argument fait merveille, mettant en pièces, avec une démonstration irréfutable, l’argument du contradicteur.

– Exemple (15 mars 1950) Aimé Césaire montre l’incongruité d’un projet qui engage les Antilles dans un pacte de défense militaire, alors que les besoins urgents sont de tout autre nature :
Je parle ici au nom d’un pays qui, depuis quatre ans, a été érigé en département français ; d’un pays où, depuis quatre ans, on refuse au peuple toutes les garanties liées à la condition de français ; un pays où les écoles sont en ruines, les hôpitaux misérables…
Et voici qu’aujourd’hui nos Excellences acceptent d’en parler, mais c’est pour l’inclure dans un pacte qui signifie pour nos peuples la ruine et l’esclavage.
Aujourd’hui, on vient nous parler de nous rendre bénéficiaires de je ne sais quel programme d’aide militaire.
Nous demandons du pain et l’on nous offre des armes !
 (C’est du Mirabeau !)

Le tribun, fervent rhétoriqueur, enferme l’interlocuteur dans un redoutable piège dialectique, opposant deux attitudes, deux solutions qu’il condamne pour en imposer une troisième conforme à ses vues. Ce qui laisse l’interlocuteur pantois, ne trouvant qu’une misérable réponse, hors du sujet. En voici deux exemples :

– 11 juillet 49 : « Si vous me permettez de m’élever à quelques considérations générales, laissez-moi vous dire qu’en pays colonisé, c’est presque toujours le sentiment de l’injustice qui détermine l’éveil des nationalismes indigènes. C’est là le drame. Quand nous voulons nous assimiler, nous intégrer, vous nous rejetez, vous nous repoussez. Quand les populations coloniales veulent se libérer, vous les mitraillez.
M. Jules Moch : les paroles que vous prononcez sont abominables.

– 22 novembre 1956 (Discours à la maison du Sport) :
« Eh bien, je vous le demande, dans ces conditions, quel travail parlementaire pouvais-je faire, pris entre un gouvernement pour qui j’étais un député communiste et un groupe communiste qui me considérait comme un traître en puissance »

En fait, dans les deux exemples, la volonté d’Aimé Césaire est d’imposer une troisième voie, la voie de l’autonomie, hors de l’absolutisme gouvernemental et hors de l’emprise communiste. Il est aisé de relever dans les discours tous les procédés oratoires de la grande rhétorique : le dilemme, le piège argumentaire, la théâtralisation, la satire, l’ironie et le sarcasme. Arrêtons-nous sur l’ironie et le sarcasme : L’ironie, le sarcasme :

– 18 septembre 46 : « … Après tout, si l’on avait mis à enseigner la démocratie aux indigènes, le même zèle qu’on a apporté à leur apprendre l’école du soldat ou le tir à la mitrailleuse, il ne serait pas plus courtelinesque de parler de démocratie africaine que de parler de tirailleurs sénégalais. Je préfère apaiser les inquiétudes de ceux qui craignent que le vin de la démocratie ne soit trop fort pour nos têtes exotiques, en leur disant simplement que quelque paradoxal que cela puisse sembler, la démocratie existait en Afrique et en Asie à une époque où l’Europe dont la France gémissait encore sous le joug des absolutismes royaux »

– 21 nov. 1959 : « J’ai lu dans ce rapport que la pêche était l’un des piliers sur lesquels reposait l’économie d’outre-mer. Autrefois, M. le ministre, on parlait de mamelles, aujourd’hui, il s’agit de piliers. Eh bien ! j’accepte la métaphore ! »

– 29 sept.82 : loi sur assimilation, intégration. Je suis comme d’habitude émerveillé par la virtuosité juridique de M. Foyer. Son discours constitue un beau morceau d’éloquence – quelle fougue – il constitue aussi à mes yeux, un florilège de sophismes.
J’ai cru reconnaître, pêle-mêle, la pétition de principe, le paralogisme, la fausse induction, la fausse déduction – et j’en passe. J’ai même subodoré un des arguments les plus fameux de l’éristique[8] antique.

Notons la richesse du vocabulaire et le balancement harmonieux de la phrase : les contraintes d’une culture mêlée dans ses origines mais singulière dans ses linéaments (15 novembre 1978) – aide dévoyée qui inspire aux populations moins de gratitude que le goût amer de l’impuissance et de la frustration (10 juin 1980) – Les marécages stagnants de l’aliénation, les blandices[9] de l’assistance(29 septembre 1982).

Citations latines, pérégrinismes, locutions étrangères : La prodigieuse érudition littéraire apparaît aussi avec les citations gréco-latines, les pérégrinismes bibliques, coraniques

– 22 janvier 63 : « nomen numen », le mot est puissance, expression venant du titre d’un poème de Victor Hugo, nomen numen lumen, des Contemplations.

– 2 déc. 66 : « proton pseudos », le premier mensonge – exemple d’érudition césairienne. L’expression vient d’Aristote et se réfère aux syllogismes faux du fait de la fausseté des prémisses. / – caput mortuum (14 juin 1962)

– formule étonnante, cette tête de mort lancée par le député Césaire : « … on fera ce que l’on pourra pour 70.000 habitants d’entre ces habitants. Quant aux 30.000 autres, c’est un caput mortuum pour lequel il n’y a pas de solution… » (14 juin 1962).
D’abord le caput mortuum est terme de chimie ancienne désignant un pigment tellurique rare, couleur violet grisâtre, brunâtre, cadavérique qui fut autrefois obtenu par broiement de corps momifiés, des fragments de momies égyptiennes. L’expression est d’origine alchimique pour désigner les résidus terreux et insipides des restes d’un corps soumis à distillation. Ces résidus sont comme une tête dont on aurait ôté l’esprit. En langage parlementaire, le caput mortuum désigne les projets de lois qui avortent : La taxe carbone est un caput mortuum césairien – aucun député n’a eu l’idée de prononcer ce mot.

fons et caput : la source et la tête ; « … que devient la loi du 10 août 1871 – fons et caput – qui accorde un statut spécial à Paris… avec une assemblée unique à double vocation… » (29 septembre 1982). Formule latine : la source et la tête ; désigne le fondement et la légitimité d’une institution.

finis historiae (ici finit l’histoire, séance du 2 décembre 1966)

dum cadat eluses ratione acervi mentis (Horace, épître 2 du Livre II, Jusqu’à ce qu’il succombe sous l’argument du tas de blé qui s’écroule, (29 septembre 1982)

– un mot écrit en grec, dans le texte, energetès (15 novembre 1978)

– la sourate 49 du Coran, évoquée dans le cadre de la consultation des populations musulmanes de la Côte française des Somalis, les Afars et les Issas : Oh, les gens ! Nous vous avons été créés d’un homme et d’une femme et nous vous avons été désignés en nation et tribus pour que vous vous entre-connaissiez. (2 décembre 1966) – c’est exact, je l’ai vérifié.

Le langage familier : « Le projet gouvernemental est manichéen : c’est un projet « ou bien… ou bien ». En langage grave, on peut le résumer ainsi : « Ou bien vous dites : j’accepte de faire partie de la République une indivisible », et, dans ce cas, on s’occupe de vous, ou bien vous faites la forte tête et on vous jette dans les ténèbres extérieures avec les malédictions d’usage. » Ce qui donne, dans un langage plus familier : « Ou bien tu fais ce que je te dis, tu restes à la maison et tu ne manqueras de rien, ou bien tu discutes, et alors tu prends tes cliques et tes claques et tu fiches le camp chez ta mère. »

L’invective : 3 mars 1950 : « Si vous ne votez pas vous montrerez par là que vous êtes les fils dégénérés d’ancêtres prestigieux »

– 15 mars 1950 : Léon-Gontran Damas se range à l’avis du gouvernement, contre Césaire qui le considère comme un « fayot »
– Léon-Gontran Damas : l’hommage de M. le ministre de la défense nationale va droit au cœur des Guyanais et des Antillais.
– M Pourtalet : voilà la brosse à reluire ! Qui vous a payé, vous ?
– Léon-Gontran Damas : il n’y a pas de brosse à reluire qui tienne !
– Aimé Césaire : Renégat ! »

– 15 mars 1950 : altercation avec Maurice Bayrou :
– Césaire : vous vous ingéniez à faire de l’Union française, non pas une union mais une prison des peuples.
– M. Paul Caron : Vous êtes bien content qu’il y ait l’union française !
– M. Marcel Poimbœuf :  Que seriez-vous sans la France ?
– Aimé Césaire : Un homme à qui on n’aurait pas essayé de prendre sa liberté !
– M.Paul Theeten : c’est ridicule !
– M. Paul Caron: Vous êtes un insulteur de la patrie. Quelle ingratitude !
– M. Maurice Bayrou : Monsieur Césaire, Vous avez été bien heureux qu’on vous apprenne à lire ! /
– Aimé Césaire : Ce n’est pas vous, M. Bayrou qui m’avez appris à lire. Si j’ai appris à lire, c’est grâce au sacrifice de milliers de Martiniquais qui ont saigné leurs veines pour que leurs fils aient de l’instruction et pour qu’ils puissent les défendre un jour.

Passons maintenant à un autre registre, L’indignation, la fureur.
– 
5 octobre 1961 :  Alourdissement du climat social en Martinique.
« Votre défense et illustration du régime départemental dans les Antilles et la Guyane, c’est la défense par la répression policière et l’illustration par la matraque… 
Voilà dans quels excès de ridicule tombe un gouvernement qui veut frapper à tout prix !
Monsieur le Premier ministre, cela est inadmissible, c’est de l’arbitraire, c’est aussi de la sottise ; si vous voulez, c’est la sottise de l’arbitraire car enfin, vous n’ignorez pas qu’il n’y a aucun texte qui vous autorise à faire cela…
Un dernier mot, monsieur le ministre, et c’est pour vous enlever vos illusions si vous en avez, sur le succès de vos entreprises liberticides. Cette conclusion, parce que je la veux forte, je l’emprunterai à Victor Hugo : « J’ai toujours été, sous tous les régimes, pour la liberté, contre la compression. Pourquoi ? C’est que la liberté réglée par la loi produit l’ordre, et que la compression produit l’explosion. Voilà pourquoi je ne veux pas de compression et que je veux la liberté ». Monsieur le ministre, méditez ces paroles pendant qu’il est encore temps et redoutez l’explosion d’un peuple bafoué dans ses droits et contrarié dans ses espérances

L’affaire du préfet Trouillé : M. Pierre Trouillé se signala par des actes répressifs caractérisés lors de la tuerie du Carbet (commune du Nord de la Martinique), le 4 mars 1948, jour où des ouvriers agricoles en grève furent fusillés : on compta trois morts et trois blessés.
Aimé Césaire, ne supportant pas les agissements du préfet intervint auprès du Président de la République, Vincent Auriol, réclamant son remplacement
“ Jamais on n’a eu dans notre île une telle impression d’incapacité administrative et jamais, de fait, administration ne fut à la fois, plus insolente et visiblement inapte à résoudre les grands problèmes économiques et humains que confronte notre pays… Quant à l’arbitraire, il ne connaît plus de bornes.

Aimé Césaire cloua au pilori le Préfet Trouillé avec un poème vengeur intitulé Dans les boues de l’avenir… :
Dans les boues de l’avenir
nous avançons notre chemin
préfet bâtonnet de virus
nous avançons sur le chemin
préfet ronge tes ongles lèche ce sang
nous avançons sur le chemin
gendarme crève l’œil animal de ton fusil
nous avançons sur le chemin
sacristain vieille punaise n’écrase plus dans l’air
l’œuf avarié de tes cloches
nous avançons sur le chemin
préfet dans le rire du vent
dans les yeux des enfants
on voit trembler tes mains de sang
nous avançons sur le chemin
germez fruits germez et pavoisez soleils
à travers les rayures mille et une
au ciel comme sur la terre notre volonté
bourreaux dans les nuits de l’avenir
nous avançons notre chemin 

En conclusion, Aimé Césaire, visionnaire : Discours de distribution des prix, jeunes filles du Pensionnat colonial, juillet 45. Aimé Césaire parle en prophète et évoque les grands mouvements socio-économiques et les grands désastres de notre temps : la parité hommes-femmes, la mondialisation et les conflits ravageurs contemporains, les cataclysmes destructeurs de notre terre et de nos cités.
Je lisais récemment le très beau discours de l’un des vôtres, le Pr. François Bernard MICHEL, lors de sa réception à l’Académie des Beaux-Arts. Ce discours s’achève sur une citation de l’Électre de Giraudoux avec une vision aurorale d’espérance. Je cite :
« Comment cela s’appelle-t-il, demande la Femme Narsès, quand le jour se lève comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est ravagé et pillé… ?
Demande, répond Electre, au mendiant, il le sait.
Cela, femme Narsès, a un très beau nom, dit le mendiant, cela s’appelle l’aurore. »

– exactement la même vision de l’aurore d’espérance sur laquelle s’achève le discours de Césaire devant les jeunes filles du Pensionnat colonial – bel exemple de communion des consciences.… cette idée juste… la femme est moins soumise à la tyrannie de la logique parce qu’elle est plus fidèle au cosmos ; qu’elle a moins de méthode parce qu’elle a plus de nostalgie ; que la femme (mémoire de l’espèce) a conservé, intact, le souvenir des merveilleux saisissements qui ont marqué les premières expériences de l’humanité, du temps que le soleil était jeune et que la terre était molle, et qu’à tout prendre, ce qu’on appelle l’ « irréalisme » de la femme n’est que la volonté de rendre à la pensée sa force démentielle, bien sûr, sa force aberrante, je le concède, mais aussi sa force de propulsion, de création et de renouvellement…
…Et maintenant, Mesdemoiselles, vous comprenez que je n’avais pas tort de dire tout à l’heure que nous avons partie liée ; que nous sommes passibles de la même justice, qu’au tribunal du monde nous sommes redevables des mêmes responsabilités, et que dans la grande embauche de l’œuvre universelle, nous sommes redevables des mêmes qualifications.
Eh bien, Mesdemoiselles, c’est pour cela que j’ai accepté de prendre la parole devant vous, pour vous dire une chose infiniment grave, une chose qu’il vous appartient à vous plus qu’à tout autre d’entendre : que nous avons sur les bras une civilisation à refaire.
Et je me souviens que vers les années 1930, un homme, un poète, Paul Valéry avait poussé un cri d’alarme et qu’il avait prononcé la phrase restée célèbre depuis : « Nous autres civilisations nous savons que nous sommes mortelles »

… parole terrible : « La civilisation est morte. »
… aussi loin que le regard, le sang, le désespoir, la mort… toutes les vertus humaines dévoyées, le courage ne se signalant que par l’homicide, l’intelligence se reconnaissant une seule propriété : celle d’être meurtrière, la foi et la passion reconnaissables au seul écho de la chute dans l’abîme, tout frappé, tout menacé, des villes qui s’effondrent sur leurs jarrets, assénées comme le bœuf sous la masse, des villes blessées, des villes géantes, des villages retournés en poussière, des villages dont le vent même ne sait plus le nom, des gens hagards avec des moissons silencieuses de cadavres, des famines, des pestes, et sur la face nue de la terre, les peuples cherchant on ne sait quel chemin sur les confins brumeux de la peur et de la folie.
Alors, Mesdemoiselles, je dis qu’il faut reconstruire la civilisation. Je dis que c’est la tâche grandiose qui s’impose à votre génération… Et si le hasard veut que ce soit à une assemblée féminine que je m’adresse tout particulièrement aujourd’hui, j’ose ajouter que je ne me plains pas de ce hasard, car ma conviction personnelle est que c’est toujours d’un excès de raison et jamais d’un excès d’imagination que les sociétés meurent.
Je dis qu’il faut refaire le monde…
Oui ou non, trouverons-nous la formule originale d’une société où ne soient permises l’aliénation de l’homme et son exploitation par son semblable ?
Oui ou non, trouverons-nous le secret d’une société humaine si merveilleusement déliée, si ingénieusement sensible, que la moindre injustice, la moindre parcelle de misère humaine y pèseront sur la conscience affinée de l’homme un poids insupportable ?
Oui ou non, trouverons-nous la formule d’une société telle qu’on y verra se résoudre autrement que de manière verbale, l’autonomie de l’ordre et de la liberté ?
Oui ou non, trouverons-nous le secret d’une morale qui ne sera pas une mutilation grossière et qui comme remède au désordre individuel, trouvera autre chose que la névrose et l’inquiétude ?
Oui ou non, découvrirons-nous le secret d’une société où le sens de la beauté ne sera pas le monopole de quelques artistes coupés du monde mais où, du plus riche au plus pauvre, du plus doué au moins instruit, la poésie selon le mot de Lautréamont, sera faite par tous, non par un ?
Oui ou non, inventerons-nous une forme telle de relations humaines que l’on pourra sans naïveté exiger de la morale internationale qu’elle se confonde avec les prescriptions de la morale inter-individuelle ?
Oui ou non, créerons-nous à l’homme une conscience si délicate que la guerre ne lui semblera pas seulement la nécessité cruelle d’un monde imparfait, mais une pensée inconcevable ?
Oui ou non, trouverons-nous le secret d’une société où la science de la matière cessera de séparer l’homme de l’univers, de séparer l’homme de lui-même et de son prochain, d’isoler l’homme pour mieux l’éteindre, mieux le détruire ?
… Mesdemoiselles… à vous voir réunies… je me sens plus confiant en l’avenir… La nuit a beau japper lugubrement à la face de la terre, demain brille déjà de ses bourgeons mal éclos…
Quelle est celle qui s’avance comme l’aurore qui se lève ?
Et je réponds : c’est l’Espérance.
Elle s’avance, légère, diaphane,
et son pied touche les mers, elle s’avance, elle court
mais déjà ce n’est plus l’aube,
c’est le feu pur de midi où brasillent les matériaux de l’ombre et l’architecture de la peur,
et voici sur la plaine, l’éblouissement comme au premier jour de la Terre.

Pour finir, je voudrais vous offrir le poème qu’Aimé Césaire a voulu voir gravé sur sa tombe, Calendrier lagunaire, poème dit par un comédien, mon ami Philippe Morier Genoud, accompagné au Marimba, par Laurent Mariusse, percussionniste du Conservatoire national de musique de Lyon. (Philippe Morier-Genoud récite en musique : Calendrier lagunaire.)

 

[1] Les citations d’Aimé Césaire sont en italiques

[2] Aimé Césaire, « maintenir la poésie », Tropiques, n° 8-9, Jean-Michel Place, 1978, p.7.

[3] Daniel Henri Pageaux, « Césaire orateur : un aspect de la parole césairienne », in Aimé Césaire, du singulier à l’universel, Œuvres et critiques, XIX.2, Gunter Narr, 1994, p.179.

[4] Entretien avec Frédéric Bobin, Le Monde du 12 avril 1994.

[5] « La loi Famille du 25 juillet 1994 marque un nouveau pas en avant dans le rapprochement entre le régime des DOM et celui de la métropole. Les différences qui subsistent encore entre les deux régimes provoquent la réunion des Assises locale de l’Égalité sociale active en octobre 1995 et celle des Assises nationales en février 1996. » Albert Platon, président de la Caisse d’allocations familiales de la Martinique, in : Supplément spécial France-Antilles, Cinquante ans de départementalisation, 19 mars 1996, p.28.

[6] Il s’agit du cyclone Inès, en 1966.

[7]  Voir la séance du 2 décembre 1966 : Organisation d’une consultation de la population de la Côte française des Somalis.

[8] Du grec eristikos, qui aime la controverse. En rhétorique, désigne l’art de la controverse, de la polémique.

[9] Blandices : du latin blanditiae, caresses, flatteries – désigne les charmes trompeurs et fallacieux.