Jusqu’ici les œuvres de la Collection Clément, qui se comptent par centaines, n’étaient exposées qu’en très petit nombre dans la « Case à Léo » ou au hasard des expositions consacrées à tel ou tel artiste. L’ouverture de la Pinacothèquei, magnifique bâtiment d’expositions de plus de 500 m² au sol, permet d’en présenter un choix bien plus large. Les œuvres visibles actuellement le sont jusqu’au 10 avril, après quoi elles laisseront la place à d’autres, et ainsi de suite, ce qui permettra de découvrir au fil du temps les richesses de cette collection. La sélection actuelle ne laisse pas de place au doute, Bernard Hayot est un grand collectionneur au goût très sûr. Aucun doute également quant au talent des artistes martiniquais et plus largement caribéens qu’il a fait entrer dans sa collection. Le visiteur se régalera de découvrir nombre de pièces remarquables. Découvrir ou redécouvrir puisque, comme déjà noté, certaines œuvres ont déjà été montrées dans le cadre des expositions consacrées à tel ou tel ou dans des expositions collectives.
Parallèlement, les visiteurs pourront continuer d’admirer les peintures délicates d’Yves Marie de Malleray et ce jusqu’au 26 marsii et de faire plus ample connaissance avec l’artiste Roberto Diagoiii puisque quelques-unes de ces œuvres figuraient déjà dans l’exposition Buena Vista en 2018. Ce plasticien Cubain peint, sculpte et bâtit des installations. Parmi ces dernières, on remarquera en particulier la pyramide de caissettes en bois brulé intitulée En Ciudad Quemada II (Dans la ville brûlée), qui se veut une dénonciation, comme nous l’apprend l’artiste, des atrocités causées par le mouvement Boko Haram au Nigeria. R. Diago se proclame en effet artiste engagé ; il souhaite attirer notre attention sur les violences faites aux Noirs. Ainsi entend-il, par exemple, représenter les chaînes des esclaves, lorsqu’il fait descendre des cordelettes blanches sur une toile peinte en noir (ou l’inverse). Des œuvres apparemment abstraites véhiculent ainsi chez lui un message politique. Il pratique, dit-il, « un art de lutte. C’est une façon de crier, de s’imposer face à l’injustice, de continuer à produire pour que les autres générations puissent vivre dans un monde meilleur. Et oui, je crois que c’est possible ». À chacun de voir ce qu’il pense de cette profession de foi, reprise dans le catalogue. Car toutes les œuvres ne sont pas aussi directement lisibles que Ciudad Quemada, laquelle confère immédiatement, il est vrai, une impression de catastrophe (sans qu’on pense pour autant à Boko Haram si l’on n’est pas prévenu)
Sur le panneau à l’entrée de l’exposition (voir la première illustration de cet article), on aperçoit R. Diago photographié derrière une sculpture faite de petites planchettes rectangulaires colorées. Ce matériau est utilisé pour plusieurs autres œuvres dont un spectaculaire tapis déroulé au centre de l’une des trois salles consacrées à l’artiste. Quant à la sculpture, elle se retrouve traitée en bronze sous la même forme mais avec un travail plus ou moins poussé sur le visage comme dans la pièce de la série Hombres libres reproduite ici (on aperçoit deux grands monochromes à l’arrière-plan).
R. Diago aime varier les genres. A côté de grandes toiles monochromes agrémentées simplement par de fines lignes horizontales ou verticales, il construit des tableaux de moindre dimension à l’aide de planches ou de bouts de plaques de métal. Il y a enfin chez lui des peintures qui hésitent entre l’abstrait et le figuratif. Par exemple Nosotros.
iLa Pinacothèque, Fondation Clément, Le François, Martinique
iiYves Marie de Malleray, Contemplations, 10 février-26 mars 2023
iiiRoberto Diago, Un arte para todos los tiempos, 10 mars-2 mai 2023