Grâce à une politique de formation très active, avec des écoles d’art disséminées dans les provinces, dont les meilleurs éléments se retrouvent ensuite à l’Institut Supérieur des Arts de La Havane, Cuba est une pépinière de plasticiens de grand talent. Aussi n’était-ce que justice, de la part de la Fondation Clément, que de faire connaître quelques-uns d’entre eux à son public. C’est chose faite avec l’exposition Buena Vista – art contemporain de Cuba qui présente les œuvres de dix-huit créateurs en mettant l’accent sur leur diversité, de l’abstraction à la vidéo d’animation. Notons que certains d’entre eux (Abel Barroso, Sandra Ramos, Lazaro Saavedra, Toirac) étaient déjà regroupés lors de la 12e Biennale d’art contemporain de la Havane, en mai-juin 2015, dans l’exposition intitulée El pendulo de Foucault[i] et qu’Abel Barroso avait en outre été le sujet d’une exposition individuelle à la Fondation Clément au tout début 2015.
Les artistes les plus emblématiques de l’art cubain présents au François sont sans doute Kcho, Mendive et Poblet. Une sculpture du premier, né en 1970, un agencement de petites barques en bois, ouvre l’exposition. Au-delà de l’esthétique, la barque omniprésente chez Kcho (sous forme d’installations, de sculptures, de peintures) se veut référence directe à l’exil de tant de Cubains fuyant le régime castriste et, sinon la misère, la pauvreté. Manuel Mendive, né en 1944, qui fait figure d’ancêtre dans cette sélection, est l’artiste le plus ancré dans la tradition cubaine, organisant des performances collectives qui allient le body painting, la musique, la déambulation de type carnavalesque et les rituels yorubas[ii]. Présentes dans l’exposition, deux de ses sculptures en tissu et une peinture où apparaissent des figures de la santeria. Quant à Mabel Poblet, née en 1986, la benjamine du groupe, elle expose un travail très méticuleux, « City Scape », un grand tondo fabriqué avec des bouts de photographies disposés en relief, ainsi qu’une installation en forme de rideau dans la même matière.
D’Abel Barroso, né en 1977, on retrouve les jeux de construction en bois et des reproductions dérisoires (également en bois) des objets technologiques, comme l’ordinateur branché sur internet dont les Cubains sont trop souvent privés.
Sans vouloir présenter une revue exhaustive, il serait dommage de ne pas signaler particulièrement des artistes comme Michel Perez Pollo, né en 1981, pour la pureté du dessin, José Angel Toirac, né en 1966, pour l’humour caustique, Belkis Ayon, 1967-1999, maîtresse de l’estampe décédée prématurément, Reynerio Tamayo, né en 1968, pour sa vitalité très pop (voir l’affiche), ou encore Sandra Ramos pour ses vidéos empreintes d’une poésie enfantine.
Buena Vista – art contemporain cubain, Fondation Clément, Le François, Martinique, du 28 septembre au 18 novembre 2018.
Ajoutons que l’exposition Décolonisons le raffinement consacrée au plasticien haïtien Edouard Duval-Carrié se poursuit, toujours à la Fondation Clément, jusqu’au 17 octobre.
[i] Cf. Hélène Sirven, « Impressions de voyage : réception de l’exposition dans le contexte insulaire cubain », Recherches en Esthétique, n° 21, 2016.
[ii] On a pu parler à propos de ses interventions dans la rue d’une « action régénérative » [qui] replonge la population dans le monde syncrétique où l’ancestralité africaine et la quotidienneté caribéenne entrent en synchronisation ». Patricia Donatien, « Mendive : les pouvoirs de l’action artistique rituelle », Recherches en Esthétique, n° 23, 2018 (numéro consacré à « Art et action »).