Tribunes

L’État de Droit face à l’étatisation et l’affairisme

Des exigences requérant une régulation supérieure et multiforme des pouvoirs privés et publics apparaissent, au demeurant conformes à la jurisprudence de l’État de Droit, surtout en cette période connaissant un excès spéculatif non quelconque. Sauf que, à y regarder de plus près, n’y a-t-il pas aussi, là, l’indice paradoxal d’une étatisation et d’une approche affairiste de ce même État de Droit ?

N’y a-t-il pas eu en effet dans la crise dite des subprimes une volonté à la fois étatiste et affairiste de fermer les yeux sur la solvabilité de certaines demandes afin de stimuler artificiellement une croissance par ailleurs modélisée i.e. arc-boutée sur des anticipations mal maîtrisées de l’innovation financière ? Et cette dernière n’a-t-elle pas été encouragée par la pression simultanée des fonds de pension, de la dette publique, et des managers soucieux de maintenir un cash flow mis cependant à mal par la hausse continue des coûts ? Ce n’est pas le seul exemple.

Ainsi, pour se restreindre au cas français, le déficit d’initiative (et au fond de définition) de l’État de Droit explique sans doute pourquoi l’impératif de la formation n’est toujours pas rendu si aisément accessible aux salariés, en particulier ceux dont les emplois sont à terme automatisables ou à faible valeur ajoutée : l’étatisme (de tous bords) avec son clientélisme invétéré lui préfère en effet les augmentations artificielles du SMIC qui fixent au contraire les salariés dans ces emplois et fragilisent en même temps toute la hiérarchie des bas salaires, sans parler de l’augmentation des charges pour les PME, (ce qui fait d’ailleurs qu’atteint un certain niveau de chiffre d’affaires ces entreprises freinent leur activité, par exemple dans la restauration). Soulignons aussi la contradiction entre le fait de donner l’autonomie aux universités tout en leur imposant une réorganisation immédiate entre recherche et enseignement, (parce qu’il s’agit en réalité de soulager le déficit public), via cependant une très mince période relais (étendue désormais à deux ans en mars 2009, mais ce après plusieurs mois d’agitation) ; sans parler de cette fausse opposition entre littérature (La princesse de Clèves, le grec ancien) et masters pro alors qu’une péréquation peut fort bien permettre que les formations à haute valeur ajoutée payent les formations à haute valeur symbolique qui ajoutent au prestige et au rayonnement comme c’est le cas semble-t-il à Oxford, Princeton, Yale, Harvard, et… Polytechnique.

Un autre exemple ? Le poids des charges sociales sur les petites et moyennes entreprises (on l’a déjà indiqué plus haut) et aussi sur les entreprises en prise avec la concurrence mondiale a non seulement accentué la financiarisation des coûts, afin, certes, d’y pallier, mais aussi en vue d’échapper à la nécessaire modernisation des conditions de production, ce qui, en retour, ralenti les demandes de sous-traitance et encourage de plus en plus certaines délocalisations. Or, une ouverture, régulée, de la protection sociale à la concurrence, tout en étant élargie, à la façon des intermittents du spectacle, via la mutualisation des coûts propres aux soins lourds (mutualisation qui permettrait aussi la constitution de plates-formes assurantielles communes à l’international comme pour l’industrie automobile), cette réforme pourrait simultanément en faire baisser le coût et augmenter le pouvoir d’achat des plus modestes (1) ; de même, les aides à l’industrie automobile n’ont pas été soumises à l’impératif des innovations technologiques économes d’énergie et aux efforts de formation polyvalente, mais à la seule persistance coûte que coûte d’emplois ; or, un tel impératif aurait exprimé la fonction réellement régalienne ou précisément l’État de Droit perçu au sens aristotélicien de politie. (2) Sauf que son effectivité a toujours été étatiste en France avec ce caractère hautain faisant office d’honneur aristocratique que personnifia bien plus le césarisme napoléonien que le colbertisme de Louis XIV et qui s’appuie sur son frère ennemi, apparent, l’affairisme, (si bien décrit par Marx dans Les luttes de classes en France (3) malgré son côté réducteur qui lie ce que Weber appelait justement la soif d’acquérir (4) au capitalisme alors que cette soif vient de bien plus loin (5)), car il faut bien financer une dette de plus en plus colossale.

Un affairisme soutenu en partie par ces libéraux libertaires dits libertariens (6). En effet pour ceux-ci la sanction des tricheurs s’effectuerait mécaniquement par le couperet indolore du marché, alors que pour les néoléninistes (le NPA par exemple) il suffirait mécaniquement (et violemment il est vrai) de supprimer la propriété pour en finir une fois pour toutes avec le capitalisme.

Ce double aspect mécanique, (à ne pas mettre sur le même plan cependant : les libertariens n’ont pas plusieurs dizaines de millions de crimes sur la conscience à la différence des ancêtres du NPA, amnésique en la matière (7)), est partagé par les étatistes.

Il s’agit en effet pour eux de substituer à la responsabilité individuelle la prise en charge sinon totale du moins progressive (i.e. progressiste) de l’effort d’être puisque, selon les divers républicanismes (8) en vogue, la dite volonté générale incarnée en l’État serait supposée plus instruite, plus éclairée, et donc plus logique que la raison individuelle, celle de ce sens commun (9) si conservateur, réactionnaire, si déprécié par l’élitisme intellectuel et politique à la fois étatiste, sous couvert de républicanisme, et en même temps féru de ce relativisme bon ton qui expose de façon conventionnelle le devoir être, i.e. confondant relativité formelle des comportements selon les traditions (qui se renouvellent par ailleurs) et nécessité morphologique de la loi morale qui permet précisément que la diversité ne soit pas opposée à l’unité. (10)

Pourtant, au niveau sociétal, l’étatisme au pouvoir s’appuie, dans les faits, sur ce relativisme (ou « postmodernisme ») répandu dans les médias et la culture depuis 1968 parce que ce dernier a réussi à faire accroire qu’il incarnait l’esprit mutationnel des années 60 (11) enclin au mondialisme du brassage culturel de l’universalisation des droits dits « humains », (libération de la femme oblige), et de toutes les « différences » ; or, le relativisme en est plutôt le versant nihiliste et négativiste (12), tandis que certains de ses avatars veulent utiliser cette nouvelle énergie pour ressourcer en sous-main l’Idée léniniste (13) de la destruction de l’État de Droit et non pas seulement de l’État en tant qu’outil, projet par exemple toujours d’actualité pour MM. Badiou et Besancenot. (14) L’étatisme d’aujourd’hui n’a cependant que faire de telles subtilités : il parle de puissance à puissance (15), ce qui n’est guère étonnant depuis Machiavel et Hobbes. Certes, l’étatisme et le relativisme sont en désaccord sur le rôle, voire même la nécessité, en soi, de l’État de droit, mais préservent ce point commun de partager l’idée abstraite du primat du logicisme sur la jungle des intérêts modelant les passions humaines (16), i.e. du primat de l’Idée telle qu’elle doit décliner comme (le) réel, quand bien même ne renverrait-elle précisément qu’à une cité de papier comme le reprochait déjà Aristote à Platon.

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Ainsi, affairistes libertariens, néo-léninistes postmodernes, étatistes césaristes, bien qu’en désaccord, bien sûr, sur le rôle de l’État de Droit, prônent que la déresponsabilisation morale individuelle prise en charge par le droit privé pour les libertariens, par le droit public pour les étatistes et le « droit » révolutionnaire pour les néo-léninistes, se doit d’être quasi absolue i.e. régie soit par le juridisme permanent, soit par le principe de précaution et le retour de la sanction en particulier envers la jeunesse en rupture de ban ; ce qui déplaît cependant au néoléninisme qui en a fait l’essentiel de sa base sociale avec l’agit prop permanente dans les lycées et universités, (agit prop qui se nourrit évidemment des erreurs de gestion de l’étatisme comme on le voit ces derniers temps). Sauf que l’étatisation des mœurs (qui fait suite à l’étatisation de la protection sociale au grand dam d’ailleurs des syndicats réformistes comme F.O), révèle une confusion des genres entre un nécessaire Service public qui mettrait en bien commun (common wealth…) des moyens indispensables au vivre ensemble, (ne serait-ce d’ailleurs par là une définition dynamique de l’État de droit ? (17)), et cette gestion étatiste de son administration au sens où elle centralise par le haut ce qu’elle déconcentre par le bas en multipliant interdits et caporalisation ; d’autant que la gestion du Bien Commun peut être pensée autrement, du moins si l’on ne veut ni de cette étatisation de l’État de droit ni de sa privatisation affairiste militant contre toute régulation, et ce afin que les libertés de penser, d’entreprendre et de se comporter permettent réellement l’accès à la bonne vie du plus grand nombre, (tout en évitant la dictature de la majorité). (18)

En effet, l’on peut fort bien considérer que tel service public puisse être rendu par une structure privée à partir du moment où le cahier des charges propre à tel ou tel droit serait respecté comme le font l’enseignement privé et certaines entreprises travaillant pour le compte de la santé publique et de la défense. Sauf que l’on est aujourd’hui bien loin du compte : la crise financière de l’été 2008 n’aurait-il pas démontré, clame le « on », la « faillite du libéralisme » ? Pourtant, c’est bien l’excès d’interventionnisme étatiste, articulé aux conservatismes corporatistes et affairistes, qui en ont été les initiateurs.

Sauf que ce dernier est confondu avec « le » libéralisme, (comme s’il n’y avait d’ailleurs qu’une seule conception du socialisme…), ce qui donne désormais des ailes aux républicanismes, jacobins, néo-césaristes, qui, munis de cette fausse analyse quant aux impérities du « marché », multiplient les appels aux restrictions des libertés allant de la vitesse automobile aux open bar en passant par une lecture restrictive du principe de précaution ; l’on accentue en réalité sous un couvert paternaliste (celui de l’État nounou pour paraphraser le titre d’un récent essai) la dérive morale et politique de l’État de droit substituant dorénavant et principalement la sanction à l’éducation morale et politique du citoyen, elle-même confiée comble de l’absurde au relativisme, tandis que seul émerge l’interdiction de ce qu’il ne faut pas faire, ou droit négatif, ce qui n’est d’ailleurs pas pour déplaire à certains libertariens… Autrement dit, le droit positif ou la loi n’est pas établie en vue de désigner la sanction comme dernier recours, mais de restreindre encore plus les conditions de possibilité de sa compréhension en tant que respect de la loi morale ou la nécessité, morphologique, du bien vivre ensemble et non pas seulement une nécessité conventionnaliste (19) ; d’où d’ailleurs l’ascension informelle du comportement dit altermondialiste associant, lui, morale et politique en prônant par exemple frugalité, relativisme communautariste, et désobéissance civile.

La surmultiplication d’interdits compense en réalité un manque effectif de persuasion afin que le comportement individuel puisse en effet se policer. Or, le problème n’est pas tant de phraser sur le primat de l’œuf ou de la poule, et donc d’opposer répression et prévention, ou, moins trivialement, de se demander si l’éducation le raisonnement et de bonnes conditions de vie suffisent pour limiter le débordement des passions humaines, l’un des problèmes en la matière consiste, semble-t-il, en ce que l’enseignement de la maîtrise de soi, (en pleine techno-urbanité avivant contradictoirement narcissisme et désir de lien social au sein d’une complexification des relations humaines au canevas moins calqué sur les seules traditions), se cantonne au seul rappel des droits fondamentaux ; ce qui revient seulement, répétons-le, à indiquer formellement les interdits, au lieu d’expliquer leur nécessité dans tous les actes des travaux et des jours, i.e. le fait de poser aussi la question du qualitatif, autrement dit y compris dans les relations humaines ou, précisément, les mœurs. D’ailleurs, cette recherche du qualitatif ou développement (et non plus seulement déploiement (20)) est pourtant devenue une praxis que l’on semble de plus en plus exiger dans les domaines environnementaux et économiques ; du moins lorsque ces champs ne basculent pas eux aussi dans le giron de l’idéologie. Seulement, là non plus, rien ou si peu n’a été fait dans le domaine de l’éducation, l’entreprise est souvent diabolisée, et la lutte contre la pollution, les déchets, le gaspillage se cantonne à une prise de conscience abstraite de l’influence négative à terme du CO2 sur les gaz à effet de serre. (21) L’étatisation pense certes y remédier avec l’idéologie du principe de précaution et donc l’emploi de la sanction puisque visiblement la persuasion via les centaines de tonnes de papier informatif n’arrive pas à équilibrer le binôme prévention/répression.

Ainsi, la sanction joue désormais seule le rôle dynamique. Mais est-ce si étonnant ? La prévention a été réduite au seul rappel à l’ordre, celui de la seule convention on l’a dit, confondant consensus institutionnel et éducation ; par exemple cette charte contre l’obésité, nécessaire, mais non suffisante pour éviter que les enfants-rois soient livrés à eux-mêmes des heures durant sur les canapés ; d’où d’ailleurs la réaction inverse visant à envoyer les plus récalcitrants dans des camps de redressement nouveau genre ou encore de les dresser dans des rites religieux contraignants. Et que penser de ces nombreux témoignages faisant état d’effets mimétiques parmi ces bandes d’ados qui se forcent mutuellement à atteindre le delirium tremens à quatorze ans ? Croit-on qu’une interdiction de la vente d’alcool doublée d’un rappel hygiénique sur papier glacé ou support numérique suffiront pour redresser la barre d’une certaine jeunesse ? Celle-ci imite au fond la dérive comportementale portée au pinacle par ces médias investis de relativisme et pour qui la stabilité familiale et affective font office de dangereux indices réactionnaires alors que les spécialistes indiquent leur nécessité morphologique et non pas seulement conventionnelle pour l’équilibre psychique.

Le propos ici n’est pas de conjecturer sur les raisons plus financières qu’éthiques de telles sanctions tel que le poids comptable des accidents divers de santé pour l’étatisation de la protection sociale ; ni même de mettre l’accent sur cette mue formaliste et paradoxale de certains pionniers illuminés des années 60 aujourd’hui au pouvoir et qui se sont transformés en partisans transis d’entraves juridiques multiples ; il s’agira seulement d’observer que souvent le comportement de certains jeunes qui susciterait une telle sanction/substitution s’avère être plutôt l’indice de cette relativisation de plus en plus précoce des repères moraux permettant la construction de la bonne vie au profit d’une réduction de la vie mentale à une partie de son matériau physiologique comme l’excitation, le plaisir permanent, la rêverie perpétuelle ; or, ceci a un coût, déjà psychique, comme celui d’émousser l’ardeur au quotidien de l’avoir pour l’apparence de l’être ou, plus strictement dit, au profit de cette parfaite forme éphémère qui fait la fortune des magazines féminins et des crédits à la consommation.

Et voilà précisément le dilemme : malgré les apparences du contraire, nous assistons à une crise de l’État de droit que l’on croit résoudre par son étatisation ou sa réduction judiciarisée.

Pourtant, il ne semble pas que l’on résolve un comportement, comme un conflit (intime par exemple), en assénant qu’il suffirait d’en trouver « la » cause, toujours par ailleurs extérieure, pour en finir, surtout définitivement. Ainsi, lorsque The Economist fait sa une (22) pour mettre en doute la guerre contre la drogue, on voit bien que le problème est autrement plus complexe qu’une question de sanctions, car ce qui est en jeu c’est précisément le pourquoi de cette demande croissante et de plus en plus précoce en sensations fortes.

Les interdits actuels à l’encontre du tabac, de la vitesse, de l’alcool, de la drogue, du téléchargement sur Internet, semblent être pavés de bonnes intentions et peuvent être justifiés, du moins pour une part, car la limitation de vitesse sur autoroute par exemple ne s’explique guère, surtout lorsque l’on sait que la fatigue et l’alcool sont les principaux facteurs d’accidents. De plus, l’explication qui est donnée s’agissant de comportements qui n’engagent pas la vie d’autrui, comme la drogue, l’alcool, le tabac (du moins hors lieu clos) s’interdit non seulement d’indiquer pourquoi il faut préserver la vie, mais ne brosse pas d’alternatives qui pourraient suppléer ou permettre sans danger ces états de conscience tant recherchés ; certes, cette retenue peut se comprendre dans le cadre de cette « neutralité de réserve » tant vantée, sauf qu’elle s’apparente là aussi à de la liberté négative : celle qui indique la sentence mais plus guère la bonne vie, alors qu’il est pourtant question de bonne gouvernance par ailleurs.

Avec l’étatisation de l’État de Droit et l’affairisme qui cherche à le limiter au maximum, le dit lien social est réduit au plus petit dénominateur commun, celui certes de la citoyenneté du vivre ensemble, mais restreint à ce qui le révèle, à savoir son seul aspect légal, i.e « libéré » des obligations de la légitimité, que le juridique ad hoc serait seul cependant à habiter ; par exemple, la peine de mort sera abolie et les sentences dites sur un ton sans culpabilité ; mais la responsabilité morale est de plus en plus évacuée ; sauf sur certains points qui deviennent les nouvelles normes à prétention universelle, mais ce au sens uniquement conventionnel et non pas également morphologique, d’où la porte ouverte à l’arbitraire idéologique qui écarte et classe de façon strictement binaire : réactionnaire ou progressiste. Par exemple, l’on affichera dans les dépliants expliquant le sida toutes sortes de positions et de rapports en posant comme convention qu’il est certes possible de passer de sexe en sexe, mais que la restriction consensuelle à atteindre comme agir communicationnel sera la convention de se protéger, faisant ainsi mine là de se retrancher derrière une neutralité axiologique alors qu’est « vendue » ou du moins transmise, en même temps, l’idée (queer) d’une indifférenciation de la question sexuelle posée comme pure construction ou convention ; sauf que rien ne démontre par exemple qu’un homosexuel se métamorphose en hétérosexuel par convention (et les bi ou trans ne font pas une majorité) alors que l’inverse s’avère être de plus en plus souvent posé en symbole de progrès par la Vulgate (23) ; d’ailleurs, poser la question devient de plus en plus suspect, (à la façon de la critique du communisme, montrée du doigt dans les « livres noirs » sur le « capitalisme ») ; or, un tel relativisme dans son exigence paradoxalement absolutiste a non seulement armé le nihilisme moral, et, par ricochet, l’affairisme de la soif d’acquérir, mais, également, a donné des arguments aux tenants d’un conservatisme intégriste intolérant qui étiquette de consumériste, impérialiste, post-colonialiste, raciste, toute nouvelle tradition et surtout toute cette universalisation laïque des valeurs qui prône la bonne gouvernance i.e la séparation non pas seulement conventionnelle, mais aussi morphologique des pouvoirs, au sens d’une constitution nécessaire pour le vivre ensemble, celle précisément de l’État de Droit.

Mais comment éviter que l’étatisme, le néo-léninisme, l’affairisme, l’intégrisme, continuent à s’acharner ainsi sur ce dernier ? En approfondissant semble-t-il la pertinence de son socle visant non pas à promettre l’impossible tel qu’émanciper l’Humanité de la souffrance, voire de la mort à terme, mais d’affiner déjà sa présence dans l’instance de tous les instants : quand chacun de ses membres s’y saisirait aussi comme stance ; ce qui, concrètement, signifierait de ne plus seulement aborder l’humain dans le cadre du paradigme organique des sciences de la matière, mais aussi dans celui du paradigme intentionnel qui analyse l’organisation mentale dans ses rétroactions avec son substrat physique. Ceci aurait par exemple pour conséquence de comprendre pourquoi les compensations existentielles se font si précoces et pressantes via des produits si instables, et donc de prendre en compte que les études de médecine ne seraient plus possibles sans des études psychologiques, ou encore que l’instruction civique implique aussi de comprendre ce que se représenter autrui veut dire ; peut-être faudrait-il introduire de la philosophie de la psychologie, de la sociologie non pas en lieu et place de la littérature mais à ses côtés ? Est-ce à l’État de Droit de s’occuper de cela ? Certainement, du moins lorsqu’il se vise aussi comme Service public.

Quant à l’économique et au politique, disons que les bouleversements qui s’annoncent vont de plus en plus mettre en avant respectivement la question de la formation et de la participation aux instances de management, et la question du renforcement de ce sentiment d’appartenance qui fonde le serment citoyen ; ce qui peut impliquer de repenser les fonctions des institutions en France comme le Sénat et l’Assemblée Nationale afin qu’elles redeviennent plus au cœur des palpitations démocratiques au lieu de les abandonner à l’idéologie et à la rumeur. Ainsi, le Sénat peut-il mieux coordonner l’action des Régions, des Départements et des Communes en les incitant aussi à s’intéresser à l’Unité France en leur confiant des missions qui la renforcerait, tandis que l’Assemblée se chargerait plutôt de l’Europe et de l’International.

Réfléchir ainsi ne signifie pas vouloir étatiser ou judiciariser l’État de Droit, mais lui permettre de jouer enfin tout son rôle, celui de bien gouverner dans l’intérêt du plus grand nombre comme des plus méritants, i.e. ces parties morphologiquement complémentaires malgré et grâce au conflit qui aiguise chaque peuple, du moins si celui-ci cherche à perdurer comme celui-là.

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(1) http://www.salairecomplet.com/

(2) Jean Baechler en a renouvelé le concept dans de nombreux ouvrages, dont démocraties, Paris, éditions Calmann-Lévy, 1985.

(3) Paris, éditions La Table Ronde, 2001, p.24 : la défaite de juin 1848.

(4) L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Plon, 1964, pp. 14-15, et aussi note 1 pp.15-16. « (…) La « soif d’acquérir », la « recherche du profit », de l’argent, de la plus grande quantité d’argent possible, n’ont en eux-mêmes rien à voir avec le capitalisme. Garçons de cafés, médecins, cochers, artistes, cocottes, fonctionnaires vénaux, soldats, voleurs, croisés, piliers de tripots, mendiants, tous peuvent être possédés de cette même soif – comme ont pu l’être ou l’ont été des gens de conditions variées à toutes les époques et en tous lieux – partout où existent ou ont existé d’une façon quelconque les conditions objectives de cet état de choses. Dans les manuels d’histoire de la civilisation à l’usage des classes enfantines, on devrait enseigner à renoncer à cette image naïve. L’avidité d’un gain sans limites n’implique en rien le capitalisme, bien moins encore son « esprit ». (…). (Ce) qui fait le caractère spécifique du capitalisme – du moins de mon point de vue – (c’est) l’organisation rationnelle du travail (…) ».

(5) Oulahbib, Nature et politique, Paris, éditions l’Harmattan, 2008.

(6) Terme bien plus précis que celui de néolibéralisme parce le courant libertarien a toujours été en butte avec les autres tendances libérales qui ont toujours refusé par exemple sa conception étriquée de l’État de droit, allant jusqu’à la privatisation de l’instance juridictionnelle supposée punir les tricheurs, par exemple Bertrand Lemennicier http://lemennicier.bwm-mediasoft.com/displayArticle.php?articleId=114 On a vu aussi avec le cas anglais et californien (rail anglais et Enron) que privatiser l’instance de régulation était tout sauf la bonne solution pour préserver l’équité de traitement.

(7) Récemment, M. Besancenot clamait qu’il n’avait aucun cadavre dans le placard, oubliant la responsabilité de Trotski dans la répression sanglante des années 17-20, et celle de son propre mouvement lorsqu’il soutint les Khmers rouges, sans oublier tout récemment Mugabe au Zimbabwe.

(8) Alain Renaut, Républicanisme ou libéralisme, intervention, 2006 : http://pedagogie.ac-amiens.fr/philosophie/PAF/renaut-republicanisme.htm

(9) Raymond Boudon en a réhabilité la signification dans Renouveler la démocratie, Paris, éditions Odile Jacob, 2006.

(10) Voir sur ce point les propos de Christian Saint-Etienne, L’ambition de la liberté, Paris, éditions Economica, 1998, pp.63-et64, ainsi que ceux de Daniel J. Mahoney Alexandre Soljénitsyne, (avant-propos d’Alain Besançon), Paris, éditions Fayard/Commentaire, 2008, pp.70-71.

(11) Oulahbib, La philosophie cannibale, Paris, éditions La Table Ronde, 2006.

(12) Oulahbib, Éthique et épistémologie du nihilisme, Paris, éditions l’Harmattan, 2002.

(13) Cahiers philosophiques, traduction française Institut du marxisme-léninisme auprès du C. C. du P.C.U.S, Paris, Éditions Sociales, 1973, p. 159 : « (…) Le Begriff n’est pas encore la notion la plus haute ; encore plus haut est l’Idée = unité du Begriff et du réel (…) ». 

(14) Dans l’État et la Révolution, (Polémique avec les anarchistes. Paris, éditions sociales, 1946, p 59), Lénine souligne qu’il ne diffère pas des anarchistes dans le but à atteindre, mais dans les moyens d’y parvenir : « Nous ne sommes aucunement en désaccord avec les anarchistes quant à l’abolition de l’État comme but ».

(15) Observons aussi dans cette culture relativiste une communauté de vues entre l’anarchisme de la Représentation (également présente dans le Bleu de Klein et pas seulement dans les ersatz surréalistes de l’existentialisme sartrien) et l’anarchisme des mœurs où la figure du libertin fait désormais office de canevas bien ancré dans la République des Lettres.

(16) Jean Baechler, démocraties, op.cit., p.180.

(17) Cela illustrerait le concept de politie pensé aussi comme politeia au sens où Léo Strauss l’a conçu à partir d’Aristote, i.e. en tant que régime articulant un ordre, le politique, et une manière de combiner « l’idée d’un type de constitution et celle d’un style d’existence ou d’un mode de vie » comme le souligne Claude Lefort dans Essais sur le politique, (Paris, essais/points, Le Seuil, 1986, pp.8-9).

(18) En ce sens, il ne s’agit pas d’opposer Bentham et Tocqueville…

(19) Voir à ce propos les travaux de Chantal Delsol autour de la pensée de Michel Valley, bien éloignés du conventionnalisme d’un Habermas.

(20) Oulahbib, Méthode d’évaluation du développement humain, Paris, éditions l’Harmattan, 2005.

(21) Brigitte Van Vliet-Lanoé, spécialiste des sciences de la Terre, est bien plus nuancée à ce propos et met aussi en avant dans son livre majeur La planète des glaces (Paris, éditions Vuibert, 2005 : http://pages.globetrotter.net/yvon_dionne/vliet-lanoe.html ) le forçage solaire et la vapeur d’eau, en expliquant par exemple que les glaces du pôle Sud, essentielles, progressent, tandis que ce sont les vieilles glaces du pôle Nord qui fondent à la surface du fait de ce forçage solaire alors que de nouvelles glaces sont en gestation dans les profondeurs. Elle fait observer qu’Hannibal était venu assiéger Rome avec ses éléphants en traversant des Alpes déneigées… Elle souligne par ailleurs dans son ouvrage que la pression du CO2 est moins forte à l’heure actuelle qu’à d’autres époques (pp. 4-5). Un CO2 qui serait la conséquence d’une hausse de températures et non pas « la » cause…. Enfin, pour elle, les questions les plus cruciales sont plutôt l’aridification, la désertification, le problème de l’eau. Voir également : http://aldebx.wordpress.com/2009/02/09/et-si-nous-etions-reellement-en-fin-de-periode-interglaciaire/. Et aussi le site http://www.pensee-unique.fr/ .

(22) Semaine du 7-13 mars 2009.

(23) Henning Bech, When men meet: homosexuality and modernity, USA, University Of Chicago Press, 1997.