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Poèmes du jour et de la nuit (2)

Il y a
des jours

je prends mon vélo
et vais acheter une boisson
à l’épicerie du cèdre

on y trouve plein
de boissons spéciales
puis je dis
bonne journée
et je repars
alors ce n’est plus vraiment mon chemin habituel

c’est une rue calme
avec de belles maisons entourées
de jardins
et j’avance vers le site
de l’université
ébloui
par le soleil
et la grandeur des arbres
le printemps commence en février
et les fleurs roses nommées azalées
portent la délicatesse de leur manière d’exister comme une ode à la fragilité des choses que l’on aime

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Si tu crois à ces horizons verts et humides
ces différents verts plus ou moins sombres
cette pluie fine
à la longue route grise presque noire
qui dessine son chemin comme rêveusement
à cet espace inconnu qui ressemble un peu
à un port un peu à un fort un peu à une zone de loisir

qu’                   aimes-tu à être ici ?

nous, nous aimons (éperdument) voir tous ces essaims d’oiseaux
qui jaillissent des buissons
nous faire pousser par les vagues sans violence
déjeuner de ce que nous trouvons

il y avait ce soir là, enfin cet autre soir où nous sommes partis
sur le grand pont le soleil qui se couchait exactement devant nous

il y avait de grands bassins de mer comme à l’intérieur des terres

ah la nuit         sur cette avenue aux maisons de milliardaires
que nous empruntions pour la première fois

– quelle nuit –
quelle était sa lourdeur pour lui donner tant de mystère…
et ce mystère tant de prestige à ce qui n’en méritait pas

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Ce sont des vœux       prononcés par

un autre
mon oreille est penchée                                 au bord de la fenêtre
un parfum                   sucré
rappelle les moments
cachés
dans les plis profonds                    du temps

je vois parler
des gens

la force de jouer
d’un instrument
tient                                                       à son instrument

la force de                                                                               penser
doit
perdre un moment sa pensée

il y a dans ton
rire
une douceur à laquelle
je ne sais répondre immédiatement

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Mort d’un poète

Je voyais sans cesse un tourbillon de feuilles devenir
tourbillon de fumée
La tempête disait : il y a des yeux partout
et chacun regarde comme il veut
Comme je marchais à vive allure pour ranger les yeux dans mon panier
je tombai à terre
Et la terre me disait : cesse de courir,
bois l’eau de la tempête

Au moment de partir mon regard s’est posé
sur une serviette de bain où une jeune fille rêvait
Mais il fallait partir

Sa serviette était étalée sur l’herbe
l’herbe était verte
et derrière quelques arbres
peut-être une forêt

Quelquefois cette scène se joue au bord d’une piscine
la piscine est celle d’un motel
et la jeune fille la nettoie avec une perche et un balai

Quelquefois la piscine est une ville vide
la jeune fille une maison délabrée
avec un tracteur à son côté

Ou la ville est une route bordée de terre rouge et de poubelles
la maison un chacal
qui cherche à manger

Le chacal ne parle pas
pas même aux autres chacals
il entend les moteurs et le fracas des choses déchiquetés
il n’entend pas de musique
sinon le vent

Quelquefois le chacal est un marchand de pierres
sa case enferme ses vices
dans une infinie solitude
qui s’oppose à l’étendue immense du désert

Les pierres sont vendues pour leur beauté
Pour acheter un chacal
il aurait fallu que d’en vendre quelqu’un ait eu l’idée

Le chacal vit toujours dehors
Le marchand de pierres enferme ses vices dans l’infinie solitude de sa case
Les pierres sont plus faciles à disposer sur des étagères que les chacals
C’est pourquoi les marchands de chacals sont si difficiles à trouver

A force de marcher comme un chacal je suis tombé
sur une pierre
mais je n’avais pas l’âme d’un marchand
alors je ne l’ai pas mise dans un panier

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Nous enfants
ou lourdeur d’une nuit
épaisse
cymbales parfums humidité

Courons
comme des fusées

Calme des façades blanches
calme de la ville agitée
de la ville si longtemps agitée

activité grouillante fragilité de ce qui tient
depuis tant

longueur du tronc du palmier
douceur du soir
blancheur de la ville

ville couverte de saletés
ville-saleté
thé à la menthe

beauté d’une place sans mouvement
de la lune
lente
habitations au long cou
élégamment tordu
ou souple

entendons-nous
nous ne sommes ici que
passantes perceptions

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traquenard traque narval
t’as carnavalé tracas
ravalé un an en autocar
tocard t’as qu’à pas te
train cassé par la vallée
les attaquas pas
à cause du chili con carne
dans un rempart mal incarnat
parti au quart de traquaparâlé
sans contrepet ni encart ni
faute d’en parler au cas par
cas d’un tout venant l’opaque
a râpé l’oracle au raplapla
dorsale scalpée opale au plus mal
parquée dans le napalm plaqué
à force d’être inoccupée plan
qui perd sa palme au calme
du complet planté en drame
démembré de blâmes centré
en train de traficoter entre
les déesses d’eaux pales si
la mer s’étale en plaintes
arcboutées

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Faveur faveur
faveur d’ornithorynques
longs colibris
saveur de blessures toute ouvertes
saveur de moments assoupis

descente dans le temps
portes laissées encore presque entrouvertes
d’autres temps
portes des hypothèses laissées
des espaces non visités
des portes non poussées
endroits laissés en suspens
princesses de bois dormant
virtualités rêvées
éteintes

saveur des lieux évanouis
promesse d’hippocampes
hippocampes à la recherche de parapluies
parapluies partis en fumée
enfumée par la nuit
la ville dort
dans la nuit
jeter mon corps
dans un feu sans fumée

promesse d’entente tacite
désirs de vieux perroquets
d’îles flamboyantes
larmes d’antillanité
larves d’antiquités
larynx anthracite

noyades
balades faites sous les noyers
fêtes pendant de longues nuits d’été
après-midis ennuyées
défaut d’être
monde enfermé
polarisation polaroid
pulvérisation filiforme
strombinoscope
argence lucidifiée
couleur

couleur du désert
des espaces
des compositions de terre et de végétal
de minéral et d’air
de lumière d’eau et de bruit
distance danse avec le feu
vitesse
perte des yeux dans leurs
vues
écharpe d’eau boueuse
vieille industrie perdue en pleine
végétation
vieilles amours trouvées
au hasard
singeries d’une amoureuse
armures d’une armée de zèbres
amoureux du givre

armures zébrées
enfants trouvés dans les mains d’une
enfante
enfantée par le vent
qui passe entre les zébrures
des armées
brumes

brune
comme la pensée
la terre
s’enfante
par l’eau
transparente
les rayons
du soleil

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Bonheur et vertige d’une route
bonheur du paysage dodeliné
bon’ heur de vibrer     juste
pour l’éclat du vert
bonheur           d’être
ruisseau boueux

paitre
marcher à flanc de colline
en dévers
cligner des yeux
attendre
ne jamais                     être libre

entente
rien n’est comme je l’imagine
tourelle cris ventre
pente coupure hémoglobine
feuille chance idée
calme raide
sentes santes

le paysage stable
et composition mouvante
l’eau qui se déverse
la boue les pierres les branches
que la beauté est immense
soit immense
et aussi fragile ou sans défense
qu’une feuille

délicat simple

moment

mon
âme
s’est posée
sur elle

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Voyages à l’horizontal

Quand l’immense
ou quand bouleversé par l’unité
un songe

Souvent les promesses s’étirent en longueur
les meilleures camaraderies s’estompent
ou bien
il faut savoir deviner les choses
cela revient à ne pas vouloir en parler

Moi je reste fidèle à ma contrée
à condition de ne jamais y aller
pour ainsi dire jamais

Il y a des endroits où sortir par les rues la nuit
ce n’est rien
ce sont ces endroits qu’il faut fuir

Si quelqu’un vous sert la main
par une sorte de longue habitude
il faut se méfier
comme on se méfie d’une vieille eau de toilette

Un jour étant étendu dans l’herbe ou sur une plage
un homme qui vient s’allonger là habituellement
a une pensée merveilleuse
peut-être

Mais qu’entend-on par habituellement ?

Il y a dans votre manière de parler ou sur cette route où nous roulons
des morceaux de mon passé que j’avais pris l’habitude
de ne plus rencontrer

Ah finirez-vous par occire l’immensité à force de tout parcourir
en laissant votre bave couler ?
ou en retrouvant partout d’anciens morceaux de coquille ?

Un jour une femme était
arrêtée au feu rouge sur une bicyclette
sa robe si je m’en souvenais
bref cette jeune femme je l’aimais

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Transaction immatérielle avec des puissances qui portent espoir
qui portent espoir avec des puissances immatérielle transaction

Immobilité du temps donnée par le passage du cours d’eau dans la ville
donnée par le passage du cours d’eau immobilité dans la ville du temps
du temps par le passage dans la ville du cours d’eau immobilité donnée

mettre des pieds de cochon dans un cœur d’artichaut
un sourire dans une tasse de café

passer trois fois devant les regards moqueurs puisqu’il y a des choses dont il faut savoir se moquer
puisqu’il y a des choses devant les regards moqueurs dont il faut savoir se moquer passer trois fois
des choses dont trois fois il faut savoir se moquer puisqu’il y a les regards moqueurs passer devant

ô mon dieu mon bras ô mon dieu ma tête mes freins mes hormones
on perd sûrement son enthousiasme pour les canards comme on le perd pour les écureuils
le perd-on complètement jamais ?

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Do ré do
do
do        ré                     do
Quttinirpaaq
au dos
cil
docile
au dos d’une parque

oscille

un radieux radeau

doré

Quttinirpaaq

au raz de l’eau
qui ne quitte
pas
les eaux
du parc

un rat
d’eau
aux cils
ciélés

ne repacke
pas
tu
n’iras pas
au parc

Quttinirpaaq

tu                    ne ressuscite-                                      ras                   pas
par les eaux
tu n’iras pas
         à Pâques

ni à une autre époque
de son côté
si elle est
ciélée
l’eau
du

Quttinirpaaq

tu
ne pourras pas la
laper
à
plaisir
tu n’auras que
l’opacité

Haut
Canada
pas accosté
Ô
toi
toit
(du monde) étoilé

comme ta terre est
plate
comme la raie manta
ta montagne en v
ou vé-                         rit-                                                                              able
je vais

vétuste
méduse

mais tu te tais

Quttinirpaaq

vent
glace
etc.

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De mille étoiles miel et toile abreuve l’hébreu

toi qui veux rêver
ouvre les yeux
quand tu dors

toi qui veux rêver
passe tes mains
dans des cheveux d’or

de mille voyages se voit élimer l’écorce des corsaires

dans tes cheveux vaporeux qui flottent
le temps s’est-il arrêté ?

Entre lui et lui
un lien par cet autre
il importe de savoir qui les a fait connaître

combien de fleurs
butinées
pour une tranche de nougat ?

Les tables de multiplication ne sont pas compliquées
j’attends encore qu’on m’explique ces autres nombres
qui ne se multiplient pas

en allant chercher quelque chose de précis
on tombe sur autre chose
entre les choses qu’on n’a pas cherchées
se forme une nouvelle trame

un guide pour les nombres magiques
le grimpeur peut mettre ses doigts     dans la peau d’éléphant

longtemps j’aurais gagné à me coucher de bonne heure
mais à la mauvaise heure
si je ne fais pas un pli
tout est d’autant plus plissé

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Disdain disconnects disgrace

comme les cellules tombent
tombant tombée retombée la nuit

en plein jour le regard simple
amoureux d’un cyclope
regardant par dessus la montagne
une jeune femme endormie

châle chaleur enchale les épluchures de la nuit
comme nègre neige graine
règne pénultième ennui

dessin d’un talisman
déscinde l’amoncèlement
menuiseries d’explosion
expoitrina sa couleur cheval
démence (affleurée)
bricole

mince anse omet
obédience âme oncelle
d’ici plutôt ensommé
dense harde pâle once sel

débordement enfle flasque
parcelle (parce qu’elle) craque
aux mille lieux des morfes
où soulèvent la plaine torve
une fumée d’espagne