Utopie
Le globe de feu descend lentement
émaillant de rouge la joue-rivière
puis il disparaît en silence
Mon être s’unit à un bloc d’eau silencieux
une partie s’envole vers sud-est
l’autre – fatiguée, paraisseuse cherche à se reposer
elle reste ainsi pendant des années
même les larmes ne la trouvent pas
et elle promet, bien qu’elle soit gardée par les arcades,
qu’un beau jour, elle reviendra
Avant le crépuscule
tour abandonée
dans le vieux buisson de la sécheresse
au-dessus un nuage gris
flotte doucement
le temps court lentement sur un navire
sur le velours du lac tourbillonnant
alentours des feux éteints
les éclats de soucis épars
sur le rivage
le pollen des illusions errantes
Énigme
Dans notre chambre l’herbe s’élève jusqu’au cou
Son brin plein de vitalité perce
les murs jusqu’au plafon
Au milieu du plancher j’ai creusé d’épaisses fontaines
La cuisine, la chambre est devenue pâturage
À qui sont les secrets de ces signes ?
Folle promenade
il s’est arrêté devant le temple
il avançait sur le vert sauvage de la cour.
il s’attardait lentement sous le feuillage des acacias
mangeant l’herbe éternelle
dans les doux scintillements des chimères
il pleurait doucement-doucement
derrière le bâtiment – qui entrait en putréfaction –
il formait lentement un cercle
qui a culminé
vilaine observation : il n’y en avait que cinq
Roses
Ta beauté est une branche de pommier
dans un vase usé, rosâtre
l’aile vibrante d’abeille bourdonne autour
la rougeur de l’aube te réveille, un coin se dessine
tintement de tramway, horrible bruit de la rue
Tincala
tincala
Ta beauté s’est effondrée
esprit rayonnant une lumière ultraviolette
tintement de verre, pénombre qui flotte
voile brun chassant la tente
tintement de tramway, horrible bruit de la rue
Tincala
tincala
Ta beauté vit, ressuscite, illumine
souple bride qui palpite dans les veines
ta bougie frêle est tombée dans la poussière
à l’orée des bois roses
tintement de tramway, horrible bruit de la rue
Tincala
tincala
Les anges ne sont pas venus chez toi
Le grand jour
lorsqu’on a orné de lierre
la mélancolie,
j’ai appelé les gens
pour nous colorer le matin de la fête
mais tu ne l’as pas désiré
tu as attendu les anges
du septième ciel
pour caresser de leurs ailes
ton front fatigué
et les anges
ne sont pas venus chez toi
tu es restée seule, condamnée
à un peu de confus
désespoir
un seul
séraphin romain est venu
il te regardait
longuement
dessinant
à côté de la majuscule L
ton premier X
Lancement de livre
auquel l’auteur
n’est pas disposé
à assister
sous quelque forme que ce soit
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Extraits du recueil Pastorales traduits du roumain en français par Sonia Elvireanu
Szabina Perle Régeczy est une poétesse hongroise contemporaine, traductrice, journaliste, membre de l’Union des Écrivains de
Roumanie. Depuis son début poétique à 16 ans, elle publie plusieurs recueils de poèmes, d’articles et de traductions couronnés par plusieurs prix.