Les pièces mettant en valeur les femmes célèbres sont à la mode. On se souvient peut-être de l’Olympe de Gouges d’Annie Vergne, créée en 2018 (1) : il y en eut au moins une autre depuis. Et au dernier festival d’Avignon deux Simone Veil se faisaient concurrence. À côté de ces pièces consacrant une personnalité exceptionnelle, d’autres mettent en lumière plusieurs femmes célèbres ou qui le devraient. Récemment, Marie Alba a présenté au public martiniquais sa pièce Femmes combattantes, femmes influentes, une pièce qui, après Olympe de Gouges, l’éclaireuse, racontait les destins contrastés de la Mulâtresse Solitude, Lumina Sophie (deux héroïnes antillaises), Harriet Tubman, Voltairine de Cleyre et Benoîte Groult (2).
Aujourd’hui c’est le tandem Michel Debré – Valérie Bochenek qui illustre sur les scènes de théâtre une dizaine des femmes ayant contribué au progrès du féminisme, soit Olympe de Gouges – décidément incontournable – et quelques autres bien connues comme Georges Sand, Marie Curie (première femme prix Nobel) et sa fille Hélène Jolliot-Curie, Colette, Marguerite Yourcenar première femme élue à l’Académie française. Les autres, bien moins connues, sont aussi des « premières : la première bachelière, Julie-Victoire Daubé, la première avocate, Jeanne Chauvin, la première médecin, Madeleine Brès. La pièce montre très bien comment toutes durent batailler pour parvenir à des positions qui leur étaient spontanément refusées.
Les pièces qui célèbrent des personnalités pour mettre en valeur une juste cause sont guettées par deux écueils : l’hagiographie et le didactisme. Il est un peu plus facile de leur échapper quand on ne s’intéresse qu’à une seule figure, ce qui laisse le loisir de construire une personnalité contrastée et de l’insérer dans une intrigue. Lorsque, comme dans Ces femmes qui ont réveillé la France, une dizaine de personnes sont passées en revue, on est forcé de simplifier et la défense de la cause – féministe en l’occurrence – devient l’argument principal sinon unique de la pièce. On regrette à cet égard que la présentation de Georges Sand et de Colette, les personnalités les plus « scandaleuses » du lot, ne soit pas plus incisive.
Ministre de l’Intérieur, président de l’Assemblée nationale, président du Conseil constitutionnel, on ne pourrait rêver carrière plus brillante pour le fils de Michel Debré, aussi admire-t-on qu’il couronne le tout, après plusieurs romans, par une pièce de théâtre dont il est de surcroît l’interprète avec sa co-autrice. On ne s’improvise pas comédien, mais J.-L. Debré a l’habitude des tribunes et au moins s’exprime-t-il clairement. Quant à sa camarade, Valérie Bochenek, si sa diction, par contraste, n’est pas toujours parfaite, on admire ses talents de mime et l’humour de son jeu.
Ce duo est complété par un pianiste, Christophe Dies, qu’on aimerait entendre plus longuement. Outre son piano, le décor se borne à quelques bustes de Marianne et à un bureau. Les portraits des femmes sont projetés sur un écran avec quelques documents, le tout malheureusement peu visible lors de la première à Aix, un défaut auquel il devrait être facile de remédier.
Au Théâtre du Jeu de paume, Aix-en-Provence, du 6 au 10 décembre 2022
(1) Selim Lander, « D’une héroïne à son contraire : Olympe de Gouges et Mademoiselle Julie », https://mondesfrancophones.com/scenes/dune-heroine-a-son-contraire-olympe-de-gouges-et-mademoiselle-julie/
(2) Roland Sabra, « Femmes combattantes, femmes influentes » : avant tout des femmes debout !, https://www.madinin-art.net/femmes-combattantes-femmes-influentes-avant-tout-des-femmes-debout/