Il existe dans la campagne aixoise, près du lieudit La Molière, le Centre international des arts du mouvement (CIAM), lequel, comme le nom ne l’indique peut-être pas suffisamment, est une structure vouée à faire découvrir le cirque aux heureux habitants du pays d’Aix(-en-Provence). Le festival annuel, programmé à l’automne, était riche cette année de sept spectacles (dont l’un intitulé « Cabaret » présentant plusieurs numéros), joués plusieurs fois, plus des ateliers. Quelques mots sur les deux seules pièces auxquelles nous fûmes en mesure d’assister, la première en particulier qui a fait forte impression.
Urban et Orbitch par le « clown » Bobitsch.
Pour une fois l’appellation « arts du cirque » n’est pas une outrance comme il y en a tant dans le parler d’aujourd’hui. Elle souligne à juste titre que le cirque est devenu une forme d’expression plus complexe qu’il ne fut, où s’inventent des fictions s’adressant plus souvent aux adultes, ou tout autant, qu’aux enfants. Où, si les clowns sont naturellement portés à broder des histoires, ils n’en ont nullement l’exclusivité. Quant à Bobitch (de son vrai nom Boris Arquier), qui se présente bien pour sa part comme un clown, sa pièce Urban et Orbitch pourrait être tout autant classée sous les rubriques théâtre gestuel ou théâtre d’objet. Il s’agit en effet de raconter une ou plutôt des histoires en utilisant davantage les mimiques que les mots – même si la parole n’est pas bannie – et en s’appuyant sur quelques objets récurrents.
Non seulement la parole a sa place mais Bobitch se révèle un beatboxeur talentueux capable de faire parler des personnages divers. Il est secondé par un régisseur de telle sorte que le bruitage devient un point fort de son spectacle. Ce dernier, néanmoins, vaut également, sinon surtout, par l’art dont fait preuve Bobitsch afin de rendre crédible le protagoniste de ses histoires « urbaines » face aux défaillances d’un service d’urgence, ou lorsqu’il se trouve confronté à un videur de boite de nuit, un barman, un trafiquant de drogues, un sans-abri, des graffeurs… qu’il parvient également à faire exister devant nous.
Les objets, on l’a dit, sont également importants. Une chaise roulante, une sonnette, un vaporisateur buccal, une paire de lunettes, une souris en caoutchouc autant d’accessoires qui nous deviennent vite familiers.
Urban et Orbitch est bien loin des pantalonnades des clowns d’antan. On rit, certes, aux passages les plus délibérément comiques, mais cette pièce est avant tout une balade poétique dans un univers déglingué au réalisme sous-jacent. Où le « nouveau cirque » rejoint le meilleur du théâtre contemporain.
Hold on de Corinne Linder
On n’en dira pas autant de la pièce en réalité augmentée de Corinne Linder, acrobate à la corde et au ruban passée à la caméra à la suite d’un accident. Le public doté de lunettes de réalité virtuelle et assis sur des chaises tournantes est situé (virtuellement) au centre de la piste, tantôt en bas, tantôt en haut, ce qui offre des points de vue contrastés sur les exhibitions de cinq jeunes acrobates féminines. Dans sa note d’intention C. Linder déclare vouloir atteindre le public qui ne fréquente pas habituellement le cirque tout en montrant à un public plus habitué une nouvelle manière de vivre le cirque contemporain. Gageons qu’elle atteindra son premier objectif. Quant au second, les habitués du cirque en jugeront. En ce qui nous concerne, nous nous avouons déçu par les performances des cinq acrobates bien moins spectaculaires que ce que nous avons pu voir dans la réalité simplement réelle.