Scènes

Avignon 2019 – 2 « Femme sauvée par un tableau », « La Demande en mariage » et « L’Ours » (OFF)

Femme sauvée par un tableau de Claude-Inga Barbey et Doris Ittig

On ne connaît plus guère Félix Vallotton (Lausanne 1865, Paris 1925). Peintre suisse, rangé parmi les nabis, il a commis en particulier un certain nombre d’œuvres d’inspiration mythologique, lesquelles – sous forme de reproductions (1), évidemment – servent de support à une fantaisie drôle et émouvante imaginée par ses deux interprètes. Soit donc une animatrice culturelle qui fait visiter un exposition Vallotton. Elle commence à discourir dans le langage un tantinet savant de circonstance lorsqu’elle est interrompue par une dame elle-même à la recherche d’une autre dame, laquelle est  vêtue d’un manteau rouge (lequel manteau apparaîtra à la fin). L’intruse se montre très vite envahissante, commentant à sa façon – celle d’une personne nourrie aux émissions de télévision les plus populaires – les tableaux. L’animatrice n’en peut mais ; elle accepte ses interruptions, rebondissant à l’occasion pour poursuivre ses savantes explications. Tout cela est très drôle (instructif à la fois car on peut y apprendre des choses sur l’art de Vallotton et la mythologie) ; le rire tonitruant du monsieur placé derrière nous en faisait suffisamment foi.

Au fil de cette pièce on découvre le malheur de l’intruse, pourquoi elle cherche la dame au manteau rouge qui n’est autre que la maîtresse de son mari. Après… Il serait malvenu de raconter une fin qui nous fait passer du rire aux larmes tant les deux auteures/comédiennes s’entendent à changer de registre.

Un petit bijou de théâtre (45 min.), venu de Suisse, à ne pas rater.

(1) Sont donc ici représentés Andromède, Persée tuant le dragon, Orphée dépecé par les ménades plus le tableau d’une femme assise au livre.

La Demande en mariage et L’Ours de Tchekhov

Sophie Parel n’a pas froid aux yeux. Il suffit de la voir sur scène pour s’en convaincre. Elle présente en Avignon deux farces paysannes de Tchekhov dont la première, la Demande en mariage est souvent jouée mais que l’on revoit toujours avec le même plaisir. La demande, on le sait, a bien failli échouer et l’on n’augure rien de bon de la suite du mariage. Lomov et Natalia sont pourtant amoureux. Hélas, ils sont aussi vindicatifs et têtus l’un que l’autre. Et le papa de Natalia, Tchouboukov, est toujours prêt à mettre de l’huile sur le feu. Après qu’ils se soient âprement disputés quant à la propriété d’un bout de terre, les mérites respectifs de leurs chiens de chasse les remettent sur le sentier de la guerre. Tout cela est évidemment très drôle, nous sommes dans la comédie pure. Idem pour l’Ours, qui est également une demande en mariage mais jugée, celle-là, intempestive dès le départ. Smirnov, un créancier se présente chez une veuve pour recouvrer une créance et tombe raide amoureux. Il s’obstine à faire sa demande malgré les dénégations répétées d’Elena. Elle qui était noyée dans son chagrin au point de ne vouloir bouger ni pied ni patte, la voilà tout d’un coup qui se réveille pour chasser ce prétendant indésirable avec la dernière énergie, sauf que…

Le texte de Tchekhov est ce qu’il est : deux comédies sans prétention. La mise en scène de Sophie Parel (qui interprète les deux rôles féminins) pèche selon nous de pousser la farce un peu trop loin. Particulièrement dans la Demande où le pauvre comédien qui interprète Lomov (certes dit de santé fragile par Tchekhov) ne cesse de s’effondrer, si bien qu’on est en droit de se demander comment il peut retrouver au moment opportun la vigueur nécessaire pour se disputer. Ces pantomimes ralentissent l’action – inutilement à notre avis – et l’on finit, paradoxalement pour des pièces courtes, par trouver le temps un peu long.

Quant à l’Ours, Tchekhov avait prévu de faire jouer Lomov par un acteur jeune. Or S. Parel a choisi de le faire interpréter par le comédien qui joue le père dans la Demande, un rôle qui correspondait bien à son âge. Dans l’Ours, son âge empêche de rendre un tant soit peu crédible le retournement final.