Scènes

Anquetil ressuscité par le théâtre

Anquetil tout seul une pièce de Roland Guenoun (adaptation et M.E.S.) d’après le livre de Paul Fournel.

Quel drôle de projet de vouloir raconter la vie de Jacques Anquetil sur une scène de théâtre ! On voit bien qu’un tel sujet est propre à séduire les adeptes de la « petite reine » (au moins les plus âgés – voir la fin de ce paragraphe) mais, que l’on sache, ces derniers ne fréquentent guère les théâtres. Alors s’agit-il d’une opération de politique culturelle, visant à séduire un public nouveau ? Le fait est que lors de la représentation à laquelle nous avons assisté, en Martinique, le patron du cyclisme de l’île était présent et a même prononcé un discours d’ouverture. Néanmoins, à considérer l’assistance, il y avait peu de têtes nouvelles et surtout bien peu de têtes de jeunes (cyclistes en l’occurrence) comme si le mythe Anquetil ne les concernait pas.

Coïncidence, la pièce était présentée en Martinique quelques semaines après la mort de Raymond Poulidor, une disparition abondamment commentée dans les gazettes qui nous avaient remis en mémoire la rivalité devenue une amitié entre Poulidor et Anquetil. Cette histoire est naturellement reprise dans la pièce qui rappelle par exemple que le premier – parce qu’il était le plus populaire (« Poupou ») – recevait une prime de départ plus élevée que le second lors des critériums ! La pièce rappelle également le mot d’Anquetil, qui se savait alors atteint du cancer qui allait l’emporter, à son désormais ami Poulidor (« éternel second » dans les courses) : « Cette fois encore tu ne seras pas le premier » (à mourir donc) …

De telles anecdotes, néanmoins, ne suffisent pas pour faire une pièce de théâtre. Aussi faut-il saluer Roland Guenoun qui a su lever nos réticences et créer un spectacle prenant qui rend bien compte de la personnalité et du talent hors norme de son héros, sans rien cacher de la souffrance du coureur cycliste, fût-il champion.

Le succès de la pièce repose sur une idée de mise en scène – mettre Anquetil sur son vélo face au public – et sur le choix d’un interprète, Matilia Malliarakis, non seulement totalement impliqué mais encore parfaitement crédible dans le rôle d’un coureur cycliste.

Il est accompagné par une comédienne, Clémentine Lebocey, une belle blonde platine qui joue les femmes qui comptèrent dans la vie d’Anquetil, à savoir sa compagne, la fille d’icelle devenue à son tour compagne d’Anquetil et la mère de sa fille, enfin cette fille, petite-fille donc de la première (la vie sentimentale d’Anquetil fut un peu compliquée !). Un troisième larron, Stéphane Olivié (sic) Bisson, complète la distribution. Il interprète divers personnages : un fan, Poulidor et des personnalités du cyclisme à cette époque (Antonin Magne, Geminiani : les anciens reconnaîtront).

Le texte alterne judicieusement les soliloques d’Anquetil sur son vélo avec les dialogues et les passages narratifs. Si tout ceci ne fait pas une pièce de théâtre au sens strict, cela fait en tout cas un récit théâtralisé réussi.

En tournée au théâtre municipal de Fort-de-France du 28 au 30 novembre 2019.