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L’armorial de Paris

Alain Dusser, Promenade biographique et héraldique à travers Paris, 3 vol., Paris, Éditions Christian, 2016, tome I, A à H, 401 p. et tome II, J à Z, 444 p., 30 € chacun, tome III, 83 p., 20 €.

Voilà un ouvrage, un ensemble de trois volumes, que les lecteurs de mondesfrancophones ne découvriront pas sans surprise. Ce n’est pas tous les jours, en effet, qu’on voit paraître une telle somme d’érudition portant sur une science, l’héraldique, plutôt désuète. L’auteur est un ancien officier supérieur de l’armée française, de noble roture, qui voit dans l’héraldique autant une incitation à exercer ses talents de peintre qu’un truchement pour revisiter l’histoire de France.

Il existe déjà des dictionnaires des rues de Paris, dont le Dictionnaire historique de Jacques Hillairet auquel A. Dusser rend hommage dans son introduction. Mais aucun dictionnaire qui soit centré sur la biographie de la personne qui a donné son nom à telle ou telle rue en même temps que sur son blason. Celui-ci peut être aussi bien hérité que choisi par cette personne elle-même, comme tel fut le cas pour les blasons datant du Second Empire. Pour réaliser son œuvre, A. Dusser a fait appel aux armoriaux disponibles. L’image n’y figure pas toujours. Parfois demeure seule la description littérale du blason, dans cette langue particulière, qui, selon le Littré, «  se lie à l’histoire et à l’archéologie, se lie aussi à l’étude du français à cause du nombre de mots anciens et de vieilles formes qu’elle a conservés ». Notre auteur possédant parfaitement ce vocabulaire pour le moins ésotérique, ses représentations en couleur des blasons ne tolèrent aucune fantaisie, même lorsque le modèle fait défaut. Ajoutons que son pinceau est aussi sûr que son crayon.

Arnaud

Les deux premiers tomes, suivant l’ordre alphabétique des rues, consacrent une ou deux pages à chaque personnage éponyme, avec son portrait (reproduction ou photographie pour les plus récents) et son blason, en noir et blanc, accompagné de la description héraldique. Suit la biographie du personnage. Les reproductions des blasons en couleur sont toutes regroupées dans le troisième tome, à raison de neuf par pages.

Belsunce

708 rues sont répertoriées, de l’Abbé Grégoire (1750-1831), apôtre de l’antiesclavagisme,  à Xaintrailles (˷1400­-1461), compagnon de Jeanne d’Arc et maréchal de France. On ne saurait citer tous les grands personnages qui ont donné leur nom aux rues de la capitale mais deux exemples suffiront pour se faire une première idée de la « langue du blason » évoquée par le Littré. Soit pour commencer les armoiries d’Arnaud d’Andilly (1612-1694), l’un des messieurs de Port-Royal : « d’azur à chevron d’argent, accompagné en chef de deux palmes du même et en pointe d’une montagne montante, aussi d’argent » (I, p. 51). Peut-on rêver meilleure adéquation avec le saint homme, qui fut tout d’élévation spirituelle ? Et comment ne pas faire le même constat à propos de celles de Belsunce (ou Belzunce) de Castelmoron (1671-1755), évêque de Marseille et pourfendeur, lui, du jansénisme, à la personnalité opposée à celle d’Arnaud : « d’argent à l’hydre de sinople, dont une des têtes est coupée et tient encore un peu au col avec quelques gouttes de sang qui coulent de la blessure » (I, p. 103) ?

Voilà en tout cas un ouvrage insolite qui a sa place toute trouvée tant dans les bibliothèques érudites que dans celles des amoureux de Paris férus d’histoire.