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Poèmes de Ioan Hădărig traduits du roumain par Sonia Elvireanu

La maison de ma grand-mère avait deux fenêtres de verre poussiéreuses

par lesquelles la lumière accroissait

dans mon corps

comme une ombre

la lumière s’enfermait dans la maison de ma grand-mère

dehors les sentiments prenaient forme de lumière

dans ma chambre

ma fenêtre

a un oeil de verre

comme la lueur d’une goutte d’eau

ou de ciel

 

alors au-dessus de ma chambre

on a construit une autre pièce

avec d’immenses fenêtres

 

maintenant la lumière entre en moi à pas lourds

maintenant j’ai trois yeux de lumière.

 

***

 

le temps se dépose  sur les silences du clocher,

l’arbre suspend les bruits d’un tambour d’ailes de temps

au-dessus du village niché entre les eaux d’une rivière

à côté des vieillards assis sous le portique de l’église

 

mes vieillards sont croix d’air et d’eau

paroles recueillies dans la prière et dans les paumes calleuses de la source,

 

à côté de la fontaine les yeux des animaux semblent emmurés dans la tempe du ciel

épreuve.

 

***

 

à côté de la maison de ma grand-mère

dans la lumière cachée de la rue

le mûrier sculpté dans la poussière d’un jour

roulait ses branches mortes dans la prière

des voyageurs assoiffés

tristes et silencieux

expulsés du jardin d’un temps passé

là où nos corps jeunes se rencontraient avec le signe de l’amour

là les jeunes corps se cambraient telles les branches du vieux mûrier

comme leur criaient ceux d’au-delà de la colline –

dans la brûlure des premiers sentiments

et des premiers battements d’ailes,

incompréhensibles palpitations

des yeux sages

 

dans l’expulsion de l’animal du soir

et des mains et du corps

silence comme le repos du temps.

 

***

 

dans l’escalier en bois

le soleil avait mis en gage sa place dans une toile d’araignée

 

mon pas tremblant

nuitait

dans chaque clou de bois et d’air

de l’escalier

que je laissais en proie aux voyageurs

 

je grimpais sur l’escalier

d’eaux

comme sur le corps ensanglanté d’une plante carnivore

les yeux d’insecte rusée brillaient

à chaque toucher du soleil

 

le soleil d’eau

miroitait sa toile d’araignée dans la solitude du ciel

marchant bruyamment sur les étoiles.