Ouidah : Port du Bénin, à l’ouest de Cotonou. Enclave portugaise jusqu’en 1961.
Manglier : Arbre du genre palétuvier (Rhizophora mangle) qui se développe dans la mangrove, ses rameaux plongeant vers le sol et l’eau et formant un lacis très dense et protecteur où pullulent poissons, crabes et coquillages.
Matineux : Archaïsme : qui a l’habitude de se lever tôt. Le terme matinal désigne ce qui se lève matin, par hasard et non par habitude. C’est donc à tort que les poètes surtout, emploient le mot matinal pour matineux ; c’est ainsi qu’ils disent le coq matinal, l’hirondelle matinale, etc. (Bescherelle)
Sans titre n°5
Ô retour, ô paupières merveilleuses et parmi mille choses
siluriennes, quand les gratte-ciels se couchent sur le
flanc comme de grands paquebots ou de femmes,
trier mon cœur âgé jailli du marais, une fleur à
chaque oreillette : il n’y aura plus de rois aveugles, mots
morts, désirs pourris, ivresses perdues aux sables. Une
absence de lambeaux jouant la carte des naissances
égales préface la voix enrouée des saisons : tendresse.
Glossaire titre 5 :
Silurien : Ce mot possède plusieurs sens. Géologie : Période archéologique paléozoïque. Nom dérivé des Silures, habitants d’une région de l’Angleterre où ces formations géologiques furent étudiées.
Zoologie : Le nom du poisson silure dérive du latin silurus (du grec silouros) « Le mot grec silouros indique la rapidité avec laquelle les silures peuvent agiter leur queue » (Cuvier et Lacépède) Le silure, poisson de rivière, encore appelé baleine d’eau douce, peut atteindre des tailles imposantes (2 mètres et 200 kilos)
Il faut noter le symbolisme de fécondité sexuelle qui s’attache à l’image du silure. Ce poisson sous la forme de sa petite espèce « est assimilé à la graine par excellence. Chez les Dogons c’est le silure qui est assimilé comme un fœtus : “la matrice de la femme est comme une seconde mare dans laquelle est mis le poisson ” et durant les derniers mois de la grossesse, l’enfant nage dans le corps de sa mère… la fécondation est le fait du silure qui se « met en boule » dans l’utérus de la mère, la « pêche de silure » étant comparée à l’acte sexuel, le mari appâtant avec son sexe » (Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Dunod, 1992, p.247.
Sans titre n°6 Ce fragment composé de 18 vers est inséré dans le poème Histoire de vivre (Tropiques, n°4, janvier 1942)
Mais qui m’a mené ici ? Quel crime ?
pèlerin… pèlerin… Lyddite cheddite pèlerin
des dynamites
je maudis l’impuissance qui m’immobilise
dans le réseau arachnéen des lignes de ma main
car dans les replis d’une cervelle béate se lovent
amoureusement trois dents d’ivoire et des yeux caressants
Des éclairs. Des feux. Et ce doux rire de la lumière.
Ma vie, elle aussi :
ce train qui s’élance avec la tranquille furie
des rivières pierreuses par les journées étincelantes.
Fosse aux ours ! fosse aux ours à l’heure sans faute
De l’acide carbonique
Un midi ténébreux. La tige éblouissante du silence
Les surfaces isolantes disparurent.
Fenêtres du marécage, fleurissez ah ! fleurissez
sur le coi de la nuit pour Suzanne Césaire
de papillons sonores
Nous gonflerons nos voiles océanes
vers l’élan retrouvé – perdu des pampas et des pierres
et nous chanterons aux basses eaux inépuisablement
la chanson de l’aurore
Lyddite : Chimie : Explosif à base de sel d’acide picrique – cheddite : Chimie : Explosif à base de perchlorate enrobé dans un support huileux.
Coi : qui se tient sans remuer, sans rien dire
Sans titre n°7 Ce fragment portera le nom de Tendresse, inséré dans le poème Les pur-sang
O Chimborazo violent
prendre aux cheveux la tête du soleil
36 flûtes n’insensibiliseront point les mains d’arbre à pain
de mon désir de ponts de cheveux sur l’abîme
de bras de pluie de miroirs de nuits
de chèvres aux yeux de fleurs remontant les abîmes sans rampe
de sang bien frais de voilures au fond du volcan des lentes termitières
Sans titre n°8 Fragment inséré dans le poème Histoire de vivre (Tropiques, n°4, janvier 1942)
Et les collines soulevèrent de leurs épaules grêles, de leurs épaules
sans paille, de leurs épaules d’eau jaune, de terre noire, de nénu-
phar torrentiel, la poitrine trois fois horrible du ciel tenace.
Au rond-point des Trois Flammes dans le sproum du désespoir,
des eaux se poignardèrent. L’eau n’était plus l’eau.
Le ciel n’était plus le ciel.
Et le ciel s’écroula…
Calcination
Poème source de 47 vers, découpé en deux parties, l’une, Reine du vent fondu… insérée dans le poème Le Grand Midi, mais n’existe pas dans la version Tombeau du Soleil. La seconde, … La fin ! Quelle sottise… insérée dans le poème Les pur-sang.
Reine du vent fondu
– au cœur des fortes paix –
gravier, brouhaha d’hier
reine du vent fondu mais tenace mémoire
c’est une épaule qui se gonfle
c’est une main qui se desserre
c’est une enfant qui tapote les joues de son sommeil
c’est une eau qui lèche ses babines d’eau
vers des fruits de noyés succulents,
gravier, brouhaha d’hier, reine du vent fondu…
Essaim dur. Guerriers ivres ô mandibules caïnites
éblouissements rampants, paradisiaques thaumalées
jets, croisements, brûlements et dépouillements
ô poulpe
crachats des rayonnements
pollen secrètement bavant les quatre points cardinaux
moi, moi, seul, flottille nolisée
m’agrippant à moi-même
dans l’effarade et l’effrayante gueulée vermiculaire
La fin ! Quelle sottise !
Mes pieds vont le vermineux cheminement !
Plante !
mes membres ligneux conduisent d’étranges sèves
Plante ! Plante !
Le vieil esprit de la terre passe…
Et je dis,
Et ma parole est paix
Et je dis et ma parole est terre
Et je dis
Et
La Joie
Eclate dans un soleil nouveau !
Et je dis :
Par de savantes herbes le temps glisse
Et la terre respira sous la gaze des brumes.
Et la Terre s’étira. Il y eut un craquement
A ses épaules nouées. Il y eut dans ses veines
un pétillement de feu
Son sommeil pelait comme un goyavier d’août
Sur de vierges îles assoiffées de lumière
Et la terre accroupie dans ses cheveux
d’eau vive
au fond de ses yeux attendit les
étoiles
« Dors ma cruauté » pensai-je
L’oreille collée au sol, j’entendis passer demain.
Chimborazo : Volcan des Andes de l’Équateur.
Sproum : Terme d’argot familier – désigne le scandale, l’esclandre, le bruit, le tapage, la colère, la révolte.
caïnite : Membres d’une secte agnostique apparue vers l’an 159 après J.C. siècle qui vénérait Caïn et les Sodomites. Ils possédaient un Évangile qu’ils attribuaient à Judas.
thaumalée : Zoologie : du grec thaumaleos, admirable. Oiseau encore appelé chrysolophe, faisan à collerette, élevé pour la beauté de son plumage. Désigne aussi un oiseau-mouche, porteur d’une aigrette dorée.
nolisée : de l’italien noleggiare, de nolo affrètement ; du latin naulum, frais de transport. Mot synonyme d’affrété, chartérisé.
effarade : État d’une personne effarée, rendue sauvage, effarouchée.