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Pour une autoscopie de l’honneur dans la coopération France-Afrique

INTRODUCTION

Champ d’études nouvelles dans la grande discipline qu’est l’histoire, l’histoire des mentalités encore appelée nouvelle histoire se propose d’apporter un souffle nouveau : « (étudier) l’évolution des représentations mentales des individus et des sociétés ». (Microsoft corporation : 2007)  Rompant ainsi avec l’histoire politique- celle des traités, des batailles et des conquêtes-, elle inscrit l’homme comme acteur de l’histoire et la vie quotidienne comme racontable dans un récit historique. Consciente de ce que les mentalités des hommes et des peuples changent au fil du temps, elle entend libérer la thématique du récit historique pour inventer  de nouvelles formes de l’histoire : histoire de l’art, histoire de la vie familiale, histoire de la sexualité, histoire de la politesse, histoire de la mort, histoire de l’honneur… L’honneur, entendu, au sens individuel, comme démonstrations de respect que suivent, courage, vertu et talent, a pris dans une collectivité et au regard des comparatistes littéraires toute une autre acception renvoyant beaucoup plus à un statut commun. En France, il n’a certes pas connoté, les mêmes images à travers les époques : l’honneur dans la France d’hier est complètement coupé de l’honneur dans la France contemporaine, est constitutif de sa politique étrangère et est « …mobilisé pour la défense des idéologies de l’identité nationale… » (Gautheron, 1991 : 12).Ce qui influence les relations d’avec les nations de son pré carré.  Mais avant de chercher à savoir comment la coopération France –Afrique s’opère, il nous conviendrait de faire un rappel sur le concept même, de donner les différents types d’honneur, de dire s’il est un fait acquis ou dérivé, de spécifier les valeurs de l’honneur dans le monde francophone, en fait de scruter son autoscopie. Notre étude s’appuiera sur l’ouvrage de Marie Gautheron,   L’Honneur, image de soi ou don de soi : un idéal équivoque , paru aux éditions Autrement en 1991, dans la série Morales n° 3 et sur quelques autres textes de notre culture littéraire à l’ère où l’individu est menacé d’une surcharge d’information.

I- RAPPEL SUR LA NOTION DE L’HONNEUR

I-1- Définition

Il n’est pas très aisé de définir le concept de l’honneur, ceci pour la raison selon laquelle c’est un concept qui admet à lui seul plusieurs acceptions. Ainsi par exemple dans le dictionnaire universel, 4ème édition de 2002, revu et corrigé à la page 586, nous pouvons distinguer ou dénombrer six définitions du concept. A propos de cette difficulté à définir l’honneur, Bossuet dans Oraison du 24 Mars 1666 affirmait : « l’honneur fait tous les jours tant de bien et tant de mal dans le monde qu’il est assez mal aisé de définir  quel estime on en doit faire. » Ceci rejoint tout simplement les difficultés à définir le concept d’honneur que chacun prend d’ailleurs pour en faire sien et lui donner la définition ou le sens qui lui plaît. Dès lors, on se demande comment est-on arrivé à ce que l’honneur, comme le dit Bossuet, soit source de bonheur ou de malheur. Il serait donc judicieux de s’appesantir sur les origines de ce concept.

I-2- Origine de l’honneur

Notons d’entrée de jeu que l’honneur tel que la première définition du dictionnaire universel nous dit est « une disposition morale incitant à agir de manière à obtenir l’estime des autres en conservant le respect. » Ceci dit en d’autres termes que l’honneur est une affaire personnelle, qui naît dans l’esprit de chacun et chacun à son niveau le conçoit à sa convenance. C’est ainsi que Julian Pitt-Rivers parlant de « la maladie de l’honneur » (Gautheron,1991 :20) affirmera « l’honneur est purement individuel car il dépend de la volonté de chacun » autrement dit, « l’honneur a son origine dans le cœur de chacun, il est senti avant d’être conçu. Alors, il n’existera qu’une seule notion de l’honneur pour chacun et ce sera la sienne. »(op.cit. p.21)

Ainsi par exemple au Moyen- Age pour prouver son honneur, celui qui se réclamait de cela devait se battre contre son ennemi ou son agresseur, cela devant les témoins et plus précisément le roi ou une autorité royale. Ceci fut le cas de Jarnac contre la Châtaigneraie en 1547 devant Henri II.

A la renaissance, ce concept individuel eut une autre orientation et connut l’entrée de la jurisprudence. A cette époque, celui qui se sentait lésé dans son honneur se livrait à un duel au risque de perdre sa vie ainsi, c’est « le premier sang » qui rendait satisfaction aux deux combattants et c’est à Théophile Gautier de dire : « la lessive de l’honneur ne se coule qu’avec du sang. » Dans le cid de Corneille, Rodrigue ira jusqu’à tuer le père de sa bien aimée Chimène au motif qu’une rivalité de cour a conduit Don Gormas, père de Chimène, à soufleter Don Diègue, père de Rodrigue. Rodrigue doit venger son père sous peine de ternir son image devant Chimène et de perdre l’honneur.

Ayant ainsi parlé de la définition et de l’origine de l’honneur que peut-on penser des types d’honneurs ?

II- LES DIFFERENTS TYPES D’HONNEURS

II-1 L’honneur comme devoir civique et  chauvinisme.

Il s’agit, à priori, de ceux là qui se disent ou se réclament appartenant à tel ou tel autre pays et qui font tout leur possible pour prouver leur amour qui parfois est un amour hors du commun pour leur pays. Ainsi par exemple au Moyen-Age les chansons des gestes françaises plus précisément La chanson de Roland (neuvième siècle) nous parle d’un preux chevalier (Roland) qui meurt pour son pays, la France revenant d’Espagne et trahi par Ganelon. Au Cameroun par exemple, avant les indépendances, les figures comme Um Nyobé, Félix Moumié, Samuel Wanko… vont mourir pour l’amour du pays. Lumumba a subi le même sort au Congo. Dès lors, on comprend très facilement que « l’honneur sacré de la patrie » demande de se battre pour celle-ci. Il faut même « se battre en son nom et à tout prix ».

Lors des compétitions sportives comme la coupe du monde de football, chaque représentant des pays se bat, se donne à fond pour satisfaire la patrie dont il est originaire. On pourrait aussi parler des militaires ou soldats qui vont au front afin de défendre et de porter très haut l’étendard du pays d’origine et Marie Gautheron dira « l’honneur habite nos clichés, bardé de médailles et d’étendards, sur fond de sonnerie et de clairons » (op.cit. p.10).

II-2- L’honneur comme jouissance des droits spécifiques

Dans les sociétés aristocrates françaises, on savait que dès qu’un fils est né, il était d’office le prochain gouvernant et du coup des honneurs lui étaient réservés.

Dans le cas de nos chefferies traditionnelles camerounaises, les fils et filles des chefs bénéficient des honneurs qui leur sont réservés pour le simple fait qu’ils sont fils ou filles des chefs.

Durant le haut Moyen-Age les traditions germaniques définissent un type d’honneur collectif poussant chaque membre d’un clan à venger toutes injures ou offenses sur la personne de l’agresseur ou sur celle de l’agressé.

 

II-3- L’honneur, affaire de tous

Sentiment universellement humain, l’honneur est donc spécifiquement attaché à certaines fonctions, celles des nobles ou des autorités administratives. Il est aussi attaché à certaines professions, celles des soldats ou des hommes ayant le privilège des armes, celles des magistrats ou juges. Il est aussi attaché à la condition de la femme et Marguerite de Navarre le rappelle aux hommes : « votre plaisir git à déshonorer les femmes et votre honneur à tuer les hommes en guerre : qui sont deux points formellement contraires à la loi de Dieu. L’honneur des femmes a autre fondement : c’est douceur, patience et gentilshommes faisant professions des armes, l’honneur de la femme n’est que l’occasion la plus raffinée ; cet  honneur aristocratique : « il faut aimer sa maîtresse, et ne la déshonorer pas ; mais conservé son honneur à la pointe de son épée, c’est le souci du vaillant gentilhomme. (La Béraudière, 1608).

Ainsi l’honneur, l’affaire de tous est surtout le propre des gentilshommes. Eux seuls l’assument dans toute son exigence, car l’honneur est une partie intrinsèque de leur être. Sans lui, ils ne sont pas.

III- L’HONNEUR : FAIT DERIVE OU ACQUIS ?

III-1- L’honneur fait  dérivé.

L’honneur comme fait dérivé revient à voir le côté inné, c’est-à-dire le don de Dieu. Dans ce cadre l’honneur est considéré comme héréditaire. Dans la tradition européenne par exemple l’honneur est héréditaire, seulement il ne le serait pas partout selon la même règle : « l’honneur hérité du père n’est pas le même que celui qu’on reçoit de la mère. » Ceci est d’autant plus observable  à Sicile en Europe. Par exemple, on reçoit le prestige social de son père, du nom de la lignée, mais la mère transmet le sang c’est-à-dire la pureté d’une ascendance sans tâche. L’honneur masculin est positif, il exige d’un homme de s’imposer, de réclamer la préséance qui lui est due par son rang héréditaire, ou par ses propres exploits, mais seulement d’éviter toute atteinte à une réputation dont les enfants mâles comme femelles hériteraient. L’honneur ne serait-il pas aussi acquis ?

III-2- L’honneur, fait acquis

L’honneur peut être acquis dans le sens où l’individu reçoit de la société ses prestiges. Dans ce sens, « l’honneur habite nos clichés, bardé de médailles et d’étendards sur fond de sonneries et de clairons. Ceux qui ont coiffé les lauriers de la gloire ont si souvent usurpé l’honneur de ceux qui les avaient cueillis, que l’éclat s’en est terni. L’honneur fait flotter sur tout comportement, toute prétention qui s’en réclame, un soupçon d’abus, relent de privilège, un arrière goût de tyrannie : l’honneur ne serait-il pas lié à l’exercice d’un pouvoir personnel ? Celui   que l’on honore n’est-il pas doté des droits spécifiques qui le distinguent du commun des mortels justifiant qu’on lui confie des commandements ? » (op.cit. p.10)

L’honneur acquis dans la société peut ainsi être vu d’une manière héroïque. Un effort pour penser une éthique qui intègre à la fois les valeurs traditionnelles du nationalisme et celle des droits de l’homme à donner à l’honneur une fonction cardinale : « valeur du héros ou du saint, soldat du monde ou de Dieu ». Dans ce sens, l’honneur sacré de la patrie relie celui qui le brandit à de sanglantes croisades, ses armatures militaires, il faut se battre en son nom et à tout prix ; l’honneur des idées reçues est donc civil quand il n’est pas du côté du sabre et du goupillon (p.11).

Ainsi se transmettent les représentations classiques de ce qui est honorable et de ce qui ne l’est pas. On accède par là à d’honorable  compagnon du devoir, société des agrégés ou des mafiosi, chacune avançant son honneur, ses récompenses ou ses observations.

 

IV- VALEUR DE L’HONNEUR DANS LA SOCIETE

 

IV-1- Valeurs positives

a- Au niveau de l’individu

L’honneur peut être conçu comme l’ensemble des aspirations de l’individu, et c’est aussi la reconnaissance que les autres lui accordent : « l’honneur se définit dans notre rapport aux autres et il n’a pas de sens si l’individu est isolé du reste de la société. Jacques Chirac se réjouira « de ce que l’aspiration à davantage de morale et d’exigence éthique aujourd’hui est telle qu’elle fait de l’honneur  une valeur éminemment moderne. Le débat politique doit se situer sur le terrain de l’honneur et de la morale si les responsables politiques veulent être à nouveau entendus par les citoyens » (Noël Copin op.cit.p.138).

.b- Au niveau de la société

L’honneur occupe également une place importance dans la société comme le dit si bien Pétain après son entretien avec Hitler : « c’est dans l’honneur et pour maintenir l’unité Française que j’entre aujourd’hui dans la voie de collaboration. »(Cité par Pierre-Michel Klein in De l’indignation, p.212). L’honneur telle qu’il ressort ici est lié à la préservation de ce bien qu’est l’unité nationale. Ceci va sans doute dans le même ordre d’idées que Jacques Chirac lorsque parlant de la valeur de l’état affirme : « c’est placer les exigences de sa conscience avant les considérations tactiques. C’est enfin respecter ses adversaires et s’interdire des attaques qui déshonorent précisément celui qui les porte ». ( Op.cit. p.133)

IV-2- Valeurs négatives

a- Au niveau de la société

L’honneur en tant que valeur est plutôt perçu chez certains comme un obstacle. Nous pourrons prendre l’exemple de l’Allemagne de 1880, sous le règne de Guillaume II où la culture de l’honneur, sans aucun doute, a joué un rôle néfaste dans son évolution. Il en est de même pour les Etats–Unis ainsi que pour des pays de l’Europe de l’Ouest où ce concept a contribué à freiner le développement de la démocratisation de l’Etat et de la société, principalement à la fin du 19ème siècle (Gilbert Ziebura, op.cit. p.81).

L’honneur peut aussi être appréhendé de manière péjorative car selon les enquêtes sur cette notion, à propos des tableaux d’honneur accordés aux enfants studieux, un élève de la première écrit : « l’honneur ne joue pas un rôle décisif dans notre société. Il est moins important qu’hier. Chacun a plutôt un autre souci en tête. La vie est beaucoup plus importante que l’honneur qui est synonyme de la mort. » (Cité par Marie-Françoise Lévy et al. Op.cit. p.115).Même les vins d’honneur ouverts à l’occasion des rencontres Nord-Sud ne résolvent pas les problèmes de la pauvreté dans le tiers monde.

b- Au niveau de l’individu

On  pourra parler de déshonneur et par déshonneur on entend généralement une perte d’honneur, de honte, d’opprobre, d’infamie. Dans Britannicus de Jean Racine, Néron est déshonoré à la fin lorsqu’il se rend compte qu’il ne peut pas avoir l’amour de Junie, et que Agrippine n’a pour seule ambition que de vouloir le manipuler. Il se sent honni, déshonoré et ne peut que mettre le feu au pays.

V- L’HONNEUR DANS LA FRANCE D’HIER ET D’AUJOURD’HUI

 

Les époques diffèrent, les mentalités aussi. L’évolution des sociétés est autant économique, politique, sociale que mentale. C’est la faculté de penser, pris au sens psychologique du terme. Le mental, c’est la pensée, pour autant qu’elle gouverne notre vie ordinaire. En mettant le terme mentalités au pluriel, nous entendons une pensée qui est cette fois collective. La France de Corneille n’est en aucun point d’honneur celle de Houellebecq, de Sarkosy. Ce sont deux époques françaises dont les appréhensions autour de l’honneur varient.

V-1- Hier

L’honneur en France a été longtemps voué aux prérogatives d’une classe. Les parades chevaleresques, la dévotion religieuse, l’élégance du gentilhomme, la chasteté, la pudeur ou la vergogne féminine ont été les valeurs bâties autour de l’honneur, sans oublier le respect du point d’honneur, celui qui poussait au duel, à la vendetta ou au hara-kiri. Il s’est agi pendant bien de temps d’une image de soi, celle qui faisait les commodités d’une couche tout à fait définie. En clair le sens de l’honneur était concentré dans une manière d’être proche du paraître social ; clés de certaines habitudes, des goûts… Il transmet les représentations claniques « d’honorables sociétés », compagnon du devoir moral et de la dignité, l’honneur n’existe que sous le regard d’autrui à l’heure de la monarchie et de la noblesse. Cependant la naissance de la république, de l’Etat-Nation donne à l’honneur un pan collectif important pour les questions d’identité et de rayonnement républicain.

V-2- Aujourd’hui

L’avènement de toute République pose le problème de son rayonnement international. Il n’est plus question de conquêtes et gloire du monarque, mais du statut de la république sur la scène internationale. L’honneur est désormais là, critère d’évaluation d’un peuple et de son histoire en rapport avec son développement économique et sociopolitique. La France, elle, doit l’essentiel de son influence à sa place géostratégique dans la communauté internationale. Ses rapports avec le reste du monde, le Sud en particulier donnent un important poids à son image au sein des Nations-Unies comme membre permanent du conseil de sécurité; pays berceau des droits de l’homme, sa culture et sa langue, à la faveur de l’impérialisme voire du néocolonialisme, demeurent un fil avec lequel il contrôle le Sud francophone. Et c’est là que l’honneur d’un peuple vu de l’intérieur prend tout son sens. Dans ses multiples coopérations, la préservation de ses intérêts s’arrime au souci d’établir son honneur partout où besoin se fait. Telle est la France contemporaine.

VI- L’HONNEUR DANS LA FRANCE IMPERIALISTE

L’honneur dans la France moderne, actuelle est lié à l’identité et au pouvoir. C’est un travail qui se fait depuis l’intérieur et œuvre tant bien que mal pour une société jalouse de son identité.

VI-1- Une question d’identité

Le peuple français aujourd’hui a du mal à se définir du fait de sa multiracialité. Il refuse de reconnaître que ses origines sont multiples et que son identité est multiculturelle et éclatée. La société française contemporaine brandit la notion de Français de souche pour rester dans un chauvinisme qui met en mal une réelle politique d’intégration pour d’autres cultures. L’honneur en ce moment revient à parler du « Français Français » par opposition au Français d’une autre origine comme celui des territoires d’Outre-Mer. Dès ce moment la France, par narcissisme, se dit honorable dans son unicité et dénie toute diversité qui, en réalité, la constitue. Les politiques trouvent un point d’honneur à soutenir coûte que vaille la notion d’identité première par opposition à l’identité seconde ; oubliant de ce fait que la France est ce qu’elle est grâce à sa mosaïque de cultures et de territoires. On voit là une sorte de nationalisme à rebours, gratuit qui joue sur la question d’honneur pour se déjouer de l’intégration de certaines couches assez impliquées dans l’histoire et la société françaises.

VI-2- Une question de pouvoir

Le pouvoir français aussi bien à  l’intérieur qu’à l’extérieur baptise tout sur l’honneur du peuple français : limiter l’intégration et l’immigration qui entraînent le boom démographique, la pauvreté et la promiscuité. L’honneur ici est lié à l’idéal d’identité pure et de politique géostratégique. La France se cherche et prétend se reconnaître dans une culture originelle et dont sa politique extérieure, surtout vis-à-vis de l’hémisphère Sud, paie les frais. Il s’en suit dès lors une coopération avec les pays du tiers monde basée sur les rapports de force. Et la France a les moyens de sa politique, la balance commerciale avec ses ex-colonies d’hier ne peut que lui être favorable dans la mesure où elle continue de décider du sort de bon nombre de pays du Sud de la main gantée du néocolonialisme. Elle aborde ces derniers avec en arrière plan mental ses intérêts qu’elle s’évertue à faire valoir à tous les prix sinon  elle viendrait à perdre son honneur et partant la face, du fait de sa dégringolade causée par la probité eu égard à l’égalité dans les termes de l’échange. Ainsi voit-on dans la coopération France-Afrique l’honneur en jeu.

 

 

VII- COOPERATION FRANCE-AFRIQUE : L’HONNEUR EN JEU

Les parties prenantes de toute coopération savent au fond elles-mêmes que les relations entre Etats sont fondées sur des rapports de forces dans lesquels les idées de nation et de grandeur nationale priment largement sur les considérations idéologiques. Pour la France, la politique à l’égard du Sud se fait dans le but de maintenir son rang de grande puissance et d’Etat indépendant et autonome. Comprendre cet état des choses exige pour les peuples du Sud une réelle définition des enjeux en cours afin d’en tirer le meilleur parti.

Dans cette coopération d’ailleurs, il est une vérité à dégager : la France fait partie de ces sociétés où règne un esprit individualiste. Et l’individualisme, on le sait, privilégie le gain, l’intérêt avant toute chose. Or le Sud est « collectiviste »(Mbouopda, 2007 :177), c’est-à-dire solidaire à l’intérieur de ses entités. Ce qui fait que dans un tel rapport, les cultures divergent et il y va de l’honneur des peuples du Sud de faire valoir cette solidarité légendaire pour que son développement en soit plus récipiendaire. Savoir que la place honorifique de la France dans le concert des Nations doit beaucoup à sa main mise sur le Sud et qu’elle ferait tout pour s’y tenir aiderait les entités politiques du Sud à revoir les termes de la coopération dans le sens de leur autonomie réelle et franche sur tous les plans. Ainsi, dans les séminaires sur le développement de l’Afrique par exemple, on ne parlera plus de « présence symbolique de l’Africain « de service »,mais « d’homologue ».(Louvel,1994 :119)C’est un point d’honneur louable.

Cela dit, l’identité française présume pour la France un empire puissamment économique et une place de choix dans le village planétaire. Et dans toute relation avec l’extérieur, sa générosité apparemment désintéressée lui assure de telles retombées. Son honneur en dépend. D’où la nécessité pour le Sud de renégocier son rapport avec qu’elle en étudiant à fond les mentalités qui sous-tendent les actions jusqu’ici, en vue d’instaurer des échanges égalitaristes.

CONCLUSION

La mentalité d’un peuple le définit plus efficacement. Puisque savoir comment pense un groupe, une collectivité permettrait de l’aborder sans heurts désagréables, désobligeants. Ce d’autant plus que toute culture prédéfinit une forme de penser bien précise. Il y va de l’intérêt des peuples appelés à coopérer dans un monde qui s’ouvre plus que jamais entre ses hommes. Savoir que la France pense ainsi, qu’elle agit comme ceci serait une clé fondamentale pour nous habitants du Sud dans la défense de nos intérêts au cours de multiples échanges interétatiques et de notre autonomie économique. Toutefois, il nous serait plus profitable en aval de pouvoir tirer ce que nous avons de plus commun et de plus singulier dans nos mentalités collectives afin de ne pas trahir les nations que nous représentons et de mieux cerner ce que nous voulons, ce à quoi nous aspirons dans un monde où les transferts culturels sont devenus très perméables.

David MBOUOPDA

Université de Dschang- Cameroun

B.P. 134 Bandjoun

Tél (237) 77 47 61 09

Email : dmbouopda2000@yahoo.fr

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1-   CORNEILLE, Pierre, Le Cid, 1669. Paris, Hachette, classiques illustrés.

2-   GAUTHERON,Marie, L’honneur. Image de soi ou don de soi : un idéal équivoque, Editions Autrement- Série Morales, n°3, 1991.

3-   LOUVEL, Roland, Quelle Afrique pour quelle coopération ? Mythologie de l’aide française, Paris, L’Harmattan, 1994.

4-   MBOUOPDA, David, « La mentalité française dans la coopération France-Afrique » Mondes francophones. Com, Afriques, 29/01/2010.-« La forme et la direction de l’expression idéologique dans quelques romans français d’Afrique noire » Francofonia, 2007, 16, p.177.

5-   « mentalités, histoire des. » Microsoft® Etudes 2008 (DVD). Microsoft Corporation, 2007.

6-   MONGO Beti, Branle-bas en noir et blanc, Paris, Julliard, 2000.

7-   RACINE, Jean, Britannicus, 1636, Paris, Hachette, classiques illustrés.

8-   TUROLD, La Chanson de Roland, début XIIe siècle, Paris, 10/18.

9-   Yves-Abel FEZE et David MBOUOPDA, « Le Voyage Afrique noire-Occident-Afrique noire : (re) découverte de l’autre et de soi », Mondes francophones.com. Afriques, 09/09/2009.