Mondes africains

Ecriture romanesque, musique et (re)construction identitaire dans “Tels des astres éteints” de Léonora Miano

 Introduction

Les pratiques scripturales de Léonora Miano ouvrent des perspectives inédites dans  les écritures camerounaises contemporaines du fait de l’insertion des médias et précisément du médium sonore. Si des auteurs tels Mongo Béti, Engelbert Mveng, Francis Bebey, Eugène Ebodé, Gaston Paul Effa… insèrent la musique, ils n’en font pas, de manière consciente, un paradigme de l’écriture. Depuis l’Intérieur de la nuit (2005) en passant par Contours du jour qui vient (2006), l’art sonore est devenu un véritable motif scriptural qui imprègne, à des degrés divers, l’ensemble de l’œuvre romanesque de la camerounaise Léonora Miano. Il y apparaît soit à titre d’élément diégétique, soit comme parangon structurel, facteur de poétisation. Si dans les deux premiers textes la musique apparait de façon plus ou moins diffuse, dans Tels des astres éteints (2008), la pratique intermédiale est plus aboutie. De fait,  l’art sonore, thème et phénomène intermédial, y déploie sous sa forme la plus riche et la plus significative, toute sa productivité narrative et sa puissance symbolique. D’ailleurs, l’auteur place à la fin de son texte une discographie ou une bande-son qui fait mention des chansons utilisées ou écoutées dans le texte. C’est dire si l’écriture musicale est une poétique voulue, une originalité de son œuvre. Dans ce troisième opus, Miano a placé la musique au cœur de la structure narrative et en a fait un paradigme dans la construction de l’univers romanesque. Le médium sonore y émerge sous forme de références et de citations qui sonorisent l’écriture et érigent le texte en une discothèque imaginaire. Plus qu’un médium, elle est un moyen d’expression et de quête identitaire. L’actuelle réflexion se propose d’explorer les jeux et les enjeux intermédiaux de la relation écriture-musique. Pour le faire, elle analysera sa présence, son influence et ses fonctions dans la construction du tissu romanesque et du sens.

1°) Le texte, une discothèque imaginaire

L’une des spécificités de notre corpus tient de ce qu’il convoque plusieurs styles musicaux afro-américains. On y rencontre d’abord le jazz, musique afro-américaine syncopée, improvisée, inventée par les esclaves dans les champs de coton et de canne à sucre au début du 20ème siècle (Carles et al, 1994 : 24). Bref, il se donne à écouter comme une musique multiculturelle située au carrefour des rythmes musicaux aussi hétérogènes et cosmopolites que le Blues, le Rock, la musique latine et européenne. Il est accompagné dans le roman par d’autres formes musicales qui sont nées et qui ont évolué sous son influence : la Soul, le Rythm and Blues et le Rap.

La pratique intermédiale, avons-nous dit, est singulière chez Miano du fait des modes d’insertion. Chez la romancière, l’intermédialité musicale va de la surface à la profondeur. Cet aspect de son écriture est rendu évident par les titres de chansons et les épigraphes qui ouvrent et orientent par leur sens chaque partie du roman. L’ambiance musicale est annoncée à l’orée du texte par le narrateur, Entity, qui introduit l’ensemble du texte en revisitant le thème Come Sunday (p.13) du célèbre compositeur et arrangeur de jazz américain Duke Ellington. Le même air conclut l’ensemble du volume (p.401). Cette chanson figure dans l’album Black, Brown and Beige conçu comme une exposition musicale de l’histoire des Noirs américains. Cette Intro et cette Outro semblent préfigurer le bonheur sonore qui va se répandre dans le texte. Par ailleurs, la saga- jazz continue par les références jazzistiques incomplètes qui sonorisent la surface du texte. Les chapitres ont pour intitulés les titres de chansons de jazz. La première section est titrée Afro Blues (p.19). L’air est une co-composition du jazzman américain Oscar Brown Junior et du percussionniste de jazz afro-cubain Mongo Santamaria. Il est l’un des premiers morceaux qui mélange le jazz latin et les traditions africaines. Le deuxième chapitre est intitulé Straight Ahead (p.111) de la compositrice et parolière de jazz  Abbey Lincoln et du pianiste Malcolm Earl Waldrom. En fait, il s’agit d’un album engagé composé sur la condition des Noirs (Africains et Américains) dans les années 1960. La troisième section porte le titre Angel Eyes (p.201). Il s’agit d’une chanson écrite par les jazzmen Matt Dennis et Earl Brent pour un film noir (réalisé en 1963 par Joël Newton) où se mêlent histoire d’amour et enquête policière. Round Midnight (p.271) est le titre du quatrième chapitre. Thème à la beauté mélancolique et triste, il a été composé par Bernie Hanighen et le pianiste Thélonious Monk. Commentant ce thème, Miles Davis affirmait que c’était un thème difficile à jouer du fait de la complexité de sa mélodie et des harmonies qu’il recèle. Le dernier chapitre est intitulé Left Alone (p. 347).  C’est une mélopée de la chanteuse Mal Waldron. Il y est question d’un hommage rendu à la chanteuse et parolière Billie Holiday sur la difficulté de s’enraciner. Ces standards et grands noms de la musique-jazz américaine attestent inexorablement de la présence du style de jazz dans le roman. En outre, ajoutés aux compositions dont ils sont des auteurs, ils érigent le texte en une discothèque imaginaire où les personnages écoutent et font écouter aux lecteurs les airs de musique.

En plus des références incomplètes sus-décrites, on note une cohorte de citations musicales qui donnent au texte l’allure d’un appareil de diffusion. Afin de faire jaillir la significativité desdites citations, il nous semble judicieux d’y associer, au risque de nous répéter, des titres qui les rythment et desquels elles ont été extraites. Notons en passant que les titres de musique choisis pour les sections n’entretiennent pas une relation étroite avec les contenus desdites sections. Mais, ils semblent avoir été choisis pour l’extrait placé en début de section.

            « Dream of a land my soul is from » est la citation placée à l’entrée du premier chapitre. Il s’agit d’un extrait de la chanson Afro Blue des jazzmen Mongo Santamaria et Oscar Brown Junior. Elle  peut se traduire par « je rêve de la terre qui berça mon âme ».         Pour ce qui est de la citation, « Bumpy road confuse a body, leads a trusting soul astray », elle est tirée du tube Straight Ahead d’Abbey Lincoln et de Malcolm Earl Waldrom. En traduction, elle peut signifier « Un chemin escarpé embarrasse le corps, égare les âmes résolues ». La section qui porte ce titre est consacrée à la voie que les personnages ont choisie de suivre dans la vie. Elle dévoile  leur idéologie d’un monde divisé entre Blancs et Noirs.  Les trois personnages sont certains des chemins empruntés, au fil de la lecture le choix se révèle incertain, même si les motivations sont compréhensibles.

            « Try to think that love’s not around…Still, it’s uncomfortably near » est une citation d’Angel Eyes des jazzmen Earl Brent et Matt Dennis. Elle signifie : « Penser que l’amour est absent et pourtant d’une proximité inconfortable ». De fait,  Angel Eyes de laquelle est empruntée la citation, est une chanson, une ode à l’amour à la fois fantasmé et réel. La section ainsi titrée aborde le rapport à l’autre, le besoin de partager son existence avec quelqu’un. Dans le chapitre, l’amour, comme l’indique la chanson même, est forcément compliqué en ce sens que les personnages tiennent à ce qu’il souscrive au moindre principe de leur vision du monde. De fait, plusieurs relations amoureuses entre les personnages échouent du fait de l’opposition de visions du monde. Si Amandla ne vit pas pleinement l’amour avec Amok, c’est parce qu’elle a une idéologie que son partenaire récuse. Bref, la rencontre avec l’autre ne pourra se faire qu’au prix de l’abandon de certains principes idéologiques.

 « It begins to tell, round midnight » est une portion de Round Midnight de Bernie Hanighen et Thélonious Monk. Elle pourrait se traduire : « ça commence à se faire sentir autour de minuit ». Le chapitre apparaît comme le temps des remises en question. C’est l’heure qui tourne et  contraint à sortir de soi- même, en faisant bouger les personnages. Ce titre est aussi le temps qui passe et indique que le parcours de chacun doit connaître une issue. C’est justement dans cette section que les protagonistes, réalisant qu’ils ont perdu trop de temps,  prennent leur destin en main et décident d’affronter la vie.

L’extrait musical mis en relief dans la partie intitulée Left Alone est : « There’s no house that I can call my home, there’s no place from which I’ll never roam ». Cet emprunt de la chanson de Mal Waldron peut signifier « Il n’y a aucune maison qui m’appartienne, il n’est pas de lieu que je ne puisse quitter »  En effet, La section décrit l’issue, le lieu où les personnages se trouvent après avoir parcouru les chemins adoptés. Cet air suggère le déchirement, l’errance, et le sentiment d’êtres apatrides, la difficulté de se fixer, de s’enraciner. Elle est le signe de leur volonté de s’enraciner quelque part. De fait, chez Amok, «  le pays c’était cet indestructible en soi. (…). La distance n’avait pas fait du pays un paradis perdu. Il ne s’agissait toujours que d’un séjour infernal dont il cherchait la sortie. » (p.45). Bref, l’Afrique est au centre de leur préoccupation ; elle est à la fois proche et inaccessible, édénique et infernale (p. 298). Elle est le lieu de toutes les cristallisations.

Les références les plus nombreuses se trouvent dans la profondeur du texte. Elles sont faites de noms de musiciens et de titres de chansons. Pour ce qui est du jazz, en dehors des airs que nous avons étudiés dans les pages précédentes, nous rencontrons dans le texte des figures emblématiques telles : le saxophoniste (John) Coltrane, le jazzman Marcus Miller (p.237), Herbie Hancock (p.303), les trompettistes Dizzy (Gillespie), Miles (Davis) (p.338) qui sont les grandes figures du free-jazz et du jazz Bop des années cinquante. Toutefois, la part belle revient à la Soul music. Le paysage sonore est amorcé par Hard Times (p.24) de Curtis Lee Mayfield ; auteur compositeur américain de Soul, de Funk et de Rhythm and Blues. Il revient  plus loin avec son tube à succès Cannot fing a way (p.113) et Future shock en featuring avec Herbie Hancock (p.303). Teddy Pendergrass, compositeur de Soul de même nationalité apparaît avec les titres Come go with me, Close the door (p.212) et Turn off the light (p.273). Cameo n’est pas du reste, ces airs Candy, Attack me with your love (p.212) et Word Up sont écoutés par les personnages d’Amok et de Shrapnel. En plus des soulmen, nous y rencontrons des rappeurs américains tels que : Alain Bashung et son titre Volontaire (p.235), Bobby Womack, Grand Master Flash, la slammeuse Delphine II, Al B Sure, Erik B…  les titres et les musiciens choisis par les personnages sont fonction de leur idéologie. Le style Reggae n’est pas du reste. Il se fait écouter à travers l’une de ses voix les plus représentatives : Bop Nesta Marley. Sa présence se manifeste par des titres tels qu’Exodus (p. 110), Natural Mystic (p.213), Africa Unite (p.259). Ces chansons recèlent une symbolique particulière dans sa discographie dans la mesure où elles sont écrites pour la libération et l’Unité de l’Afrique.

Comme on le voit, le texte de Miano se caractérise par un nombre important de références et citations musicales qui le sonorisent et le situent dans le cadre d’ « une discothèque où (…) lecteurs [et personnages] se donnent du plaisir »  (Fotsing, 2009 : 132). Bien plus, son écriture, vue à travers ce roman, se détache des autres par sa souplesse à traverser de manière voulue la musique, à l’hybrider. Ce faisant, elle illustre fort pertinemment ce constat de Jean-Christophe Valtat au sujet de la dimension intermédiale de la littérature : « Si la littérature est comme le note Walter Moser « intrinsèquement intermédiale », c’est moins par sa spécificité structurelle de média, que par sa souplesse […] même à traverser les médias, à les hybrider entre eux, par le mouvement même où elle s’hybride avec eux, bref dans la reconnaissance qu’il n’est d’autonomie que cette impureté » (2003 : 9).    Par leur densité, les résurgences musicales font du texte « un laboratoire [sonore] permanent » (Moser, 2001 : 197) où se tissent les liens entre le média scriptural et le média sonore, lieu de superposition et d’écoute des musiques, une discothèque imaginaire.

 

2°) Musique et système des personnages

La musique se présente dans le roman comme un élément diégétique. En effet, les personnages y sont saisis dans une sorte d’atmosphère musicale. Elle participe à plus d’un titre à la construction et à la régulation de leur système. Les relations entre les acteurs de la fiction sont conflictuelles ou harmonieuses selon qu’ils aiment ou pas la musique.

            Tels des Astres éteints est organisé autour de deux catégories de personnage : les personnages-mélomanes et les personnages musiciens. Les personnages mélomanes sont ceux qui vivent la musique ; ceux pour qui l’art sonore est un principe de vie, un viatique. Leur mélomanie se voit au travers de leurs actions qui sont quelque fois dictées ou réglées par la musique. Quand les chansons qu’ils savourent ne les mettent pas en transe, elles leur arrachent au moins le sourire ou les pleurs. Parmi les personnages qui sont atteints de cette mélomanie, Amok et shrapnel remportent la palme d’or. Ils vivent selon le sens des musiques qu’ils écoutent. Leur psychologie est très souvent entamée par les airs qu’ils consomment :

Quand le chanteur lança les indispensables onomatopées sans lesquelles la chanson cessait d’exister (…), les larmes vinrent aux yeux d’Amok. C’était une chanson gaie. Il y était question d’avoir un aperçu du paradis. Pourtant, l’esprit d’Amok resta bloqué sur la première phrase : Someone to count on, in a world ever changing. Shrapnel était fou de ce titre. Amok ne retint pas ses larmes (p.357).

On le voit, « la musique envoûte l’individu comme les groupes, elle transforme les êtres, elle transforme la vie, elle installe la joie, l’allégresse » (Kuitche, 2009 : 107). Cet extrait qui décrit  les effets de la musique sur Amok et Shrapnel, est la preuve que l’art musical, non seulement, sonorise l’espace textuel, mais impacte considérablement la psychologie des personnages. Les moments d’écoute leur permettent d’anesthésier les douleurs. La musique comme leur compagne, leur consolatrice les éloigne de l’ennui et du blues. Les pleurs et les rires sont l’expression de la jubilation, du plaisir, de la jouissance esthétique. La passion chez Shrapnel est telle qu’il a abandonné le projet de création du « Complexe Shabaka », musée des civilisations noires, pour celui de la création d’un bar où on savourera de la bonne musique, ou les boissons , liqueurs et les cocktails qu’on y servira porteront les titres de chansons de Rap et de Soul :

Il ne voulait plus qu’ouvrir un bar où on passerait de la bonne musique. Par là, il entendait la Soul, le Funk et le Hip-hop (…) il se représentait bien le lieu, connaissait par cœur les noms des cocktails qu’on y servirait. Tous seraient des titres de chansons. On commanderait un « Future shock », un « Word Up », deux « Shake you down ». C’était une bonne idée et personne ne l’avait encore eu  (p.303).

3°) Musique et onomastique

            La deuxième catégorie des personnages est constituée de musiciens. Ceux-ci marquent leur amour et leur rapport à la musique par leurs noms qui sont, soit des titres de chansons, soit des noms de musiciens réels. Amandla est la première de ces personnages. Son nom est le titre d’un album de jazz fusion du compositeur et trompettiste de jazz  américain Miles Davis. Amandla est le cri de ralliement zoulou utilisé des décennies en Afrique du sud par les opposants au régime d’apartheid. Le personnage de Tutu tient également son nom d’un autre album de Miles intitulé justement Tutu. L’album rendait hommage à Desmond Tutu, l’archevêque anglican du Cap, opposant à l’Apartheid. Les deux albums dans leur substance rendent hommage à cette cause des opposants sud-africains. Mayhem, l’autre personnage mélomane, porte le nom d’un musicien rappeur norvégien. Tout au long du texte, il revendique le nom de Narmer ; chanteur du Rythm and Blues, de Rap d’origine française. Le dernier personnage de cette catégorie s’appelle Osei Tutu. Dans la réalité, Osei Tutu est un célèbre compositeur et interprète ghanéen. Il s’est révélé au grand public avec son album Hi life nite in Paris.

            Sur un plan purement actantiel, la musique est l’objet de quête des personnages. Leurs relations sont régies ou régulées par elle. L’entente ou la mésentente avec l’un ou l’autre personnage est conditionnée par le goût musical. Ainsi, le climat est particulièrement tendu entre Amandla et Amok dans la mesure où ce dernier n’apprécie pas le Reggae tout comme Shrapnel. Le narrateur rend compte de ce climat : « Il (Shrapnel) devait leur expliquer que la cora ne lui provoquait pas d’émotion, qu’il n’aimait pas le reggae. Leur dire qu’au début des années 80, il avait attrapé la fièvre funky, soul et Hip-hop »  (p.233). Dans le même ordre d’idées, lors d’une visite romantique chez Amok (son amant), alors que celui-ci se laissait emporter par Turn off the lights de Teddy Pendergrass et Secret garden d’Al B. Sure, Amandla s’ennuyait et demandait instamment à rentrer chez elle : « ces vielles chansons ne lui avaient été d’aucun secours. D’ailleurs, Amandla les trouvait mièvres » (p.273). Inversement, Amok trouvait le Reggae fade, il le considérait comme  Une extraordinaire dégringolade. En revanche, elle partage des moments de bonheur avec Ajar qui, même n’étant pas de la race noire, avoue être aux anges chaque fois qu’il savoure un air composé par un musicien. C’est ainsi qu’il est intenable  lorsqu’il écoute It’s a man’s man’s world du compositeur guinéen Sékouba Bambino. Par ailleurs, ce personnage reconnaît que la musique africaine porte l’âme de son peuple et qu’on n’a plus besoin de visiter l’Afrique quand on écoute régulièrement la musique composée par ses enfants (p.324). Entre Amok et Shrapnel l’amitié touche au summum. Cela est dû au fait qu’ils ont les goûts musicaux communs. Ils sont amateurs des musiques américaines modernes telles le Funk, la Soul, le Rap et le Hip-hop. En plus, ils partagent les mêmes moments d’écoute et les mêmes sensations. Parlant du titre someone to count on, in a world ever changing, Entity affirme: « Schrapnel était fou du titre. Amok ne retint pas ses larmes » (p.357). Bien que rendant compte des effets de réception de la musique sur les deux personnages, cette phrase montre leur connivence à travers la communauté de leur goût musical.

En outre, les airs que les personnages écoutent tout au long du texte, coïncident avec les mouvements, les états d’âme et trahissent leurs intentions et ambitions. Le premier titre qui annonce l’ambiance musicale dans le tissu textuel est Hard Times de Curtis Mayfield. Amok l’écoute justement parce que les temps sont durs : « Il alluma l’ordinateur. Mit la musique. La voix aigue de Curtis Mayfield emplit la pièce. Etait-ce bien le moment d’écouter Hard Times ? C’est toujours le moment. Les temps ne cessaient d’être durs » (p.24). On le voit, la chanson choisie par Amok, par son titre évoque et exprime la situation et les conditions de vie difficiles du personnage. Plus loin dans le texte, alors qu’il vient de faire la connaissance d’Amandla de qui il est tombé amoureux, les chansons qu’il écoutera après leur première rencontre sont révélatrices de ses projets, intentions et ambitions. En effet, il souhaite dans un bref délai partager une plage érotique  avec Amandla. Durant le temps qui les séparait du prochain rendez-vous, il écoutait des tubes suivants : Candy,  Attack me with your live  du soulman et rappeur américain Caméo,   Soul lover, come go with me, close the door de Teddy Pendergrass. Bien que le mettant dans une certaine ambiance, ces titres expriment les mouvements d’âme d’Amok. C’est peut-être pour cette raison que le narrateur déclare :

 

Depuis ce fameux samedi, Amok constatait qu’il pensait à elle. Il s’était passé en boucle des chansons guillerettes comme « Candy » ou « Attack with your love ». Et puis, le phénomène s’était aggravé. Il avait délaissé Caméo. Opté pour du lourd : Teddy Pendergrass. « Le Soul lover »  par excellence. Quand il n’était pas chez lui à redécouvrir « Come go with me », il mimait les croches appuyées de « Close the door » ». (p.212).

A côté de cette fonction, la musique est, dans certaines situations, une préceptrice pour le personnage. Pour illustration, dans l’extrait suivant on assiste à une scène pendant laquelle Sarah Vaughn appelle le personnage d’Amok à la gratitude :

« C’était plus précisément une phrase, une seule qui venait le chercher. Just be thankful for what you got. IL haussa les épaules (…) il voulait bien être reconnaissant pour ce qu’il avait reçu de la vie. Il exprimerait sa gratitude sur- le – champ si les raisons de remercier consentaient à lui apparaître »  (pp.277-278).

4°) Musique, principe structurel de l’écriture romanesque

Léonora Miano, nous l’avons vu, compose dans son texte une mélopée à la fois Soul et jazzistique où les points de vue s’opposent, se confrontent et s’arc-boutent. Tout en distillant du bonheur sonore aux personnages, cette mélopée trace ou dicte la structure du texte. L’art sonore constitue, dans le tissu textuel un paradigme de l’écriture métaphorique et de la symbolisation. De fait , comme un album de musique en ce sens que chaque partie porte un titre de musique. Aussi, est-il  structuré ou composé comme un air de musique. De fait, en lieu et place du prologue et de l’épilogue, l’auteure de l’Intérieur de la nuit a choisi une terminologie musicale et les titres de chansons : Outro et Intro. En musique, l’intro, encore appelée introduction, est un passage ou une partie qui ouvre un mouvement ou une pièce musicale. Elle établit ou annonce la mélodie, l’harmonie et/ou les rythmes du corps principal de l’œuvre musicale. Outro, son antonyme, clôt ou ferme une composition musicale. Cette terminologie est accompagnée du titre Come Sunday du pianiste Duke Ellington. Ce thème qui est revisité par le narrateur, figure dans l’album Black, Brown and Beige, conçu comme une narration musicale de l’histoire des Noirs américains. Cette technique d’écriture donne au roman la structure et la facture esthétique d’une composition de musique. En outre, les sections du roman porte les titres de chansons de jazz que nous avons décrits plus haut. Ainsi, ils érigent le texte en un album de musique où le lecteur-mélomane peut choisir et écouter sa section ou sa chanson préférée. De plus, Tels des Astres éteints imite la poétique du récital. Par définition, le récital est pièce de musique dans laquelle chaque musicien donne une interprétation d’un thème célèbre. En effet, les protagonistes du roman donnent chacun une interprétation de Standards ou thème de jazz  qui donnent leur titre aux différentes sections du texte. De fait, nous avons dans le texte trois personnages avec trois parcours narratifs, trois visions du monde différentes. D’après Amandla, le personnage le plus radical, l’Afrique incarne l’origine du peuple noir, la source intarissable à laquelle il faut aller s’abreuver et vivre afin de retrouver son identité. Pour Amok, elle représente plutôt un enfer d’où il faut sortir. Quant à Shrapnel, son compagnon l’Afrique est  une obligation à penser son identité du Nord, une identité afropéenne. Cette technique est empruntée au récital. Elle consiste pour chaque musicien à partir d’un thème de base pour donner, en fonction de son inspiration, une interprétation qui lui est propre. L’auteure de Contour du jour qui vient n’en est pas moins consciente de cette influence de la musique sur son esthétique :

 La structuration de mes textes emprunte beaucoup à la musique de jazz, musique métisse par excellence. J’y puise la circularité, la tension, la polyphonie, la répétition ou le chorus. Le jazz me pousse à apporter un soin particulier au rythme, au phrasé des personnages. Il est souvent le point de départ de la construction du roman, une obsession, chez moi[1].

En somme, la musique est chez Léonora Miano un référent esthétique, un principe qui modèle les personnages et travaille l’intrigue. Par ailleurs, sa présence participe de la construction du sens et des préoccupations idéologiques des protagonistes.

5°) Musique et (re) construction identitaire

Construire ou conquérir l’identité par la musique : voilà une des préoccupations majeures du roman de Léonora Miano. Intra muros, capitale où vivent les trois protagonistes du texte est tout aussi chaotique et cauchemardesques que Mboasu. Cette capitale est le catalyseur de la claustrophobie des personnages en lutte avec leur identité. Si les personnages vivent au Nord, ils partagent néanmoins un sentiment d’errance, d ‘apatrides. Ils sont animés par le désir  de s’enraciner quelque part, ainsi que le suggèrent l’extrait de Billie Holliday, en exergue de Left Alone : « There’s no house that I can call my own (…) » (p.247). En effet, selon Amok et Shrapnel, l’Afrique est un enfer qu’il faut quitter. Pour Amandla, elle est à la fois un mythe et un désir profond, inscrits aussi dans l’enfance. Afro Blue comme section du roman, peint des personnages écartelés entre l’Ici (l’Afrique) et l’Ailleurs (Europe), entre cauchemar et féerie. Ainsi, cet extrait est congru aux situations de tourments identitaires que vivent les personnages. De plus, le fait que cette citation soit extraite d’un morceau qui allie traditions africaines et jazz afro-cubain peut être un indice de l’hybridité identitaire qui tiraille Amok et Shrapnel. Cette errance et ce statut d’apatride font de l’identité un sujet préoccupant pour les personnages. Pour Amok par exemple, fils d’un Africain qui a trahit les siens en aidant le colonisateur, le pays représente cette enfance meurtrie et violente dont il ressent « la blessure inguérissable », cette culpabilité historique impossible à appréhender.

Le pays, c’était cet indestructible en soi (…) Pour Amok, la distance n’avait pas fait du pays un paradis perdu. Il ne s’agissait toujours que d’un séjour infernal dont il cherchait. » (p.45). Personnage hybride né en Afrique et vivant en Europe, « ce qui le préoccupe c’était trouver une appartenance compatible avec son statut hybride. Lui qui ne parlait pas la langue de ses ancêtres (p.77).

Selon Schrapnel, il faut penser à l’éclosion d’un « Noir du Nord » qui serait  une sorte d’Européen attaché aux valeurs culturelles subsahariennes : un Afropéen. Bien plus, l’Afrique est, d’après lui, un impératif à penser son identité de Noir au Nord : « Le monde noir avait besoin, non pas qu’ils rêvent à des mythes, mais qu’ils existent en tant que Nordistes rattachés à la matrice subsaharienne. Qu’ils cessent de migrer en permanence en leur for intérieur, d’être de nègres errants, nulle part chez eux.» (p.78)

Comme on le constate, les deux personnages militent pour une identité hybride ; ils sont des hybrides culturels qui oscillent entre l’Ailleurs et l’Ici. Et le narrateur de conclure : « (quand) on les regardait (…), on reconnaissait en eux les cultures subsahariennes (…) Ils étaient lointains et proches néanmoins » (p.78). Les prises de positions de ces personnages par rapports à la question d’identité correspondent à ce que l’auteure nomme «  les Identités Frontalières » auxquelles elle a dédié le texte. Par ce concept, Miano entend une multi-appartenance identitaire, « [Une Identité] ancrée, non pas dans un lieu de rupture, mais, au contraire, dans un espace d’accolement permanent…où les mondes se touchent inlassablement[2] ».

Selon Amandla, l’Afrique représente « le rêve du Pays Primordial » (p.83). Son unique objectif, son vœux le plus cher : c’est un retour aux sources: « pour elle, dit le narrateur, se réaliser, ce serait retrouver l’origine » (p.288).

Le médium sonore, les styles et le goût musicaux des personnages participent finalement de la construction de ces postures identitaires. Plus qu’un simple élément permettant de réguler les relations entre personnages, la construction de la diégèse, la dynamisation des actions, la musique est un vecteur, un véhicule, un moyen d’expression et de construction du statut , de la vision identitaire du personnage.

A propos du personnage d’Ajar, son amitié avec Amandla est fermentée et conditionnée par l’écoute des musiques sahéliennes qui expriment l’âme nègre. Leur relation va s’arrêter lorsqu’Amandla va réaliser que son compagnon aime la musique africaine mais déteste l’Afrique. D’après ce personnage, cette aversion pour l’Afrique signifie qu’il s’oppose à l’idée d’une identité originelle pour laquelle elle se bat au quotidien.  Entity le narrateur retrace l’odyssée de cette amitié dans l’extrait suivant :

Au début, ils s’étaient bien entendus. Il écoutait des musiques kémites encodées sur son ordinateur. Il avait un goût particulier pour les mélopées sahéliennes, le son de la cora, la voix aigre des griots, celle haut perchée des chanteuses, la magie des langues inconnues (…) un jour, alors qu’il s’extasiait sur la reprise de « It’s a man’s man’s world » par un chanteur subsaharien (…) elle lui avait demandé si cela lui plairait de connaitre le pays de l’artiste (…) il s’était expliqué, en disant qu’avec tout ce qu’on voyait à la télé, la pauvreté, la guerre, les maladies, il préférait se contenter de la musique, qui contenait tout ce qu’il voulait savoir des peuples en question. (pp.324-325).

La passion d’Amandla pour la musique africaine et son exaspération due à l’attitude babylonienne d’Ajar trouve une justification dans sa vision de l’identité africaine. Son goût musical est taillé à la mesure de son statut et de sa conception de l’identité : une identité originelle et originale ; qui promeut les valeurs culturelles purement africaines. Sa passion effrénée pour le Reggae et l’idéologie rastafariste tient de ce qu’ils tiennent leurs origines en Afrique et visent la quête et la préservation des valeurs africaines. L’un des icônes de ce style musical, Bob Marley disait :

«  Je suis arrivé en Jamaïque à la suite de l’esclavage, mais ma place au fond est en Afrique (…) pour comprendre un minimum de Reggae, qui diffuse très souvent des messages rasta, il faut carrément remonter aux hébreux, aux pyramides d’Egypte. Je recherche l’Afrique et ses valeurs[3] ».

Il faut noter que Bob Marley est le musicien préféré d’Amandla. Tout au long de son parcours narratif, elle ne cesse d’écouter ses chansons, de s’identifier à lui et de vanter son idéologie. Le reggae est donc dans le texte un moyen de quête et d’expression de la vision identitaire du personnage. Son nom (Amandla), même s’il est un titre du trompettiste américain Miles Davis, porte et signifie cette authenticité identitaire dont elle est à la recherche : « Amandla, précise l’auteure, est un mot zoulou qui signifie pouvoir… c’est un cri de guerre, un appel à la victoire ». Par ailleurs, sa connaissance du jazz se limite à la Freedom Now Suite, du compositeur Max Roach, qui, dans son contenu, est une liste de noms de peuples kémites africains. Cette chanson a été pour le personnage comme une bouffée d’oxygène dans la mesure où elle portait sur les peuples kémites et épousait par son thème, leur ambition de rekémisation des Africains :

Elle avait pris un disque parmi ceux en promotion, sans même regarder la pochette. Elle (…) n’avait découvert le titre de l’album qu’une fois dans le métro. Il lui était apparut un petit sourire de la vie, un  encouragement  à poursuivre sa voie. (…) Elle avait d’abord écouté la chanson dont le titre l’avait le plus interpellée. Depuis elle adorait ce morceau dont le texte était une longue liste de noms de peuples kémites natifs. Elle avait voulu rechercher d’autres disques de ce genre, n’avait pas su comment s’y prendre. Ainsi sa connaissance du jazz se limitait à la Freedom Now Suite de Max Roach. (p.324)

Contrairement à Amandla, Amok et Shrapnel, nous l’avons dit, militent pour une identité africaine hybride. Ces derniers sont certes d’origine africaine, mais leur mode de vie, leur distraction relèvent de la sphère culturelle occidentale. Sur le plan musical, ils sont des détracteurs de certaines musiques africaines. Amok est amateur de la soul music. Ses idoles sont Curtis Mayfield et Teddy Pendergrass qui ont été des figures de proue de ce style musical dans les années soixante dix. Ce personnage, à travers son goût musical «  habite la frontière, il est à la croisée des cultures ». Bien plus, l’écoute de la musique l’amène très souvent à se questionner sur la perte de ses repères culturels afin de mieux consolider son statut hybride : « Curtis Mayfield chantait l’incarcération de l’être dans son corps. Amok se demanda si le pays lui manquait. Il se posait cette question : la terre lui manquait » (p.31). Comme on le voit, la musique plus qu’un miroir qui reflète ou trahit le statut identitaire du personnage, incite celui-ci à la prise de conscience de l’identité originale perdue et là, l’appelle à une (re)construction d’une identité, d’une appartenance qui convient à son statut hybride. D’ailleurs, allègue Entity, ce qui le préoccupait « c’était de trouver une appartenance compatible avec son statut hybride. Lui qui ne parlait pas la langue de ses ancêtres » (p. 77).

A quelques nuances près, le statut hybride de Shrapnel se perçoit aussi au travers de ses préférences musicales. Le Rap et la Soul le mettent en transe. Mais il adopte, même étant fervent défenseur de l’hybridité identitaire, une attitude mitigée vis à vis des musiques africaines. Bien qu’étant noir, il n’aime pas toutes les musiques noires : « Il était noir, passionné par les nations nègres, mais il n’aimait pas toutes les musiques noires. Pas de Salsa, pas de Coupé Décalé, pas de zouk, pas de griots nasillant la douceur du soir au village, pas de bikutsi trépidant. Il y avait trop de musiques noires, et il n’avait qu’un seul corps pour danser » (pp. 233,234). Comme Amok, il a une multi-appartenance culturelle : il est Africain par ses origines, Américain par son goût musical, Européen par ses habitudes alimentaires et ses tenues vestimentaires.

On le remarque, la musique est un élément qui participe de la quête et de la (re)construction identitaires. Les regards des personnages sur le problème de l’appartenance culturelle et d’identité situent Tels des astres éteints de Miano dans le rayon des romans de mobilités culturelles  et de tourments identitaires. En outre, le médium sonore permet aux acteurs de la fiction de voyager dans des cultures, de se connaitre. Ils sont ainsi saisis dans ce que Walter Moser appelle l’« Artmotion »     qui est une « forme de mobilité que nous procure les arts » (2008, 9). Autrement dit, le mouvement vers l’autre à travers l’art. Ajar, l’ami d’Amandla connaît l’Afrique grâce aux musiques qu’il écoute. Il « préférait se contenter de la musique, qui contenait tout ce qu’il voulait savoir des peuples (africains) en question » (p. 325)

Conclusion

Pour conclure cette réflexion, nous dirons que Tels des astres éteints de Léonora Miano est un répertoire des musiques américaines. Celles-ci, par les citations et références, contribuent à créer une sorte de synesthésie audiovisuelle et transforment le texte en un catalogue, en  une discothèque où auteure, lecteurs et personnages se donnent du plaisir. Les occurrences récurrentes de la musique  « […] transforment  le texte en un donné à écouter plus qu’à lire »  (Fotsing, 2009 : 132) et érigent la lecture pour l’oreille avertie en un art d’écoute. Au bout du compte, lire c’est tendre l’oreille pour savourer les chansons. En plus, la forte présence du médium sonore situe l’écriture de Miano dans la veine des « Ecritures sonores » et des « Ecritures audiovisuelles ». Aussi, le foisonnement des titres de standards, l’hybridation des deux formes d’expression (musique et littérature) permet- elle à l’auteure d’élargir le public des lecteurs vers des mélomanes ; amenant ainsi les férus de l’art sonore à la lecture des textes littéraires et les amateurs de l’art verbal à l’écoute de la musique. Par cette textualisation de l’art sonore, l’auteure amène les mélomanes à lire le texte littéraire et les amateurs de l’art verbal à l’écoute de la musique. Tout en modelant la structure du texte, la musique permet aux personnages de (re)construire leur identité, de sortir de l’Intérieur de la nuit afin de mieux appréhender Les Contours du jour qui vient.

Références bibliographiques

CARLES, Philipe, CLERGEAT, André et COMOLLI, Jean-Louis (1994), Dictionnaire du Jazz, Paris, Laffont

FOTSING MANGOUA, Robert (2009), « L’écriture jazz », in FOTSING MANGOUA, Robert (éd) L’imaginaire musical dans les littératures africaines, Paris-Yaoundé, Harmattan-Cameroun,

2009. pp.131-146

KUITCHE FONKOU, Gabriel (2009), « De la musique dans trois romans de Francis Bebey : Un faisceau à large spectre » in FOTSING MANGOUA, Robert (éd) L’imaginaire musical dans les littératures africaines, Paris-Yaoundé, Harmattan-Cameroun,

2009. pp.101-108

MIANO, Léonora (2008), Tels des astres éteints, Paris, Plon

MOSER, Walter (2008), « Le Road movie interculturel », in Cinémas, Vol.18, N°2-3, Université de Montréal

Moser, Walter (2001), « Pas d’Euphorie ! Anatomie d’une crise », in Revue canadienne de littérature comparée, Vol.26, n°209, pp. 193- 207

Léonora Miano,  http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=8029, consulté le 15/02 /2011

Valtat, Jean- Christophe(2003), « L’autonomie intermédiale du littéraire : introduction »,in Esprit Créateur, « L’intermédialité littéraire », Vol.43, n°2, pp. 3-9

« Histoire du rastafarisme », in  http://Ipdw.free.fr/jamaique/rastafari.htlm, consulté le 30/01/2011


[1] Léonora Miano,  http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=8029, consulté le 15/02 /2011

[2]Léonora Miano,  http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=8029, consulté le 15/02 /2011