Résumé
Bien qu’il soit aujourd’hui impensable, même pour des non spécialistes, de douter de l’existence d’une littérature camerounaise, cette dernière expression se confond encore très largement et parfois exclusivement avec l’expression « littérature camerounaise d’expression française », du fait de l’histoire particulière du pays. Or, la vérité est qu’il se met en place, depuis la fin des années 70, un segment dynamique de la littérature camerounaise produite dans la langue de Shakespeare. Malheureusement, pour des raisons que cette communication entend expliciter, l’Anglophone Cameroon Writing[1] semble voguer essentiellement entre le ghetto et la marge, dans un champ littéraire national qui, bon an mal, semble engagé dans la voie d’une certaine autonomisation. Ainsi s’explique, au moins en partie, pourquoi l’écriture camerounaise d’expression anglaise reste cruellement peu présentée, mal représentée et parfois carrément exclue de nombre d’instances susceptibles de concourir à sa consécration effective.
Introduction
« Comment peut-on être écrivain camerounais… de langue anglaise ? » Tel est le titre d’une communication que j’ai commise en 2004, à la demande de deux collègues qui souhaitaient que j’écrive quelques lignes sur la littérature camerounaise, pour un dossier consacré à la culture au Cameroun dans le cadre d’une revue parisienne « grand public », Africultures[2]. Cette boutade sur le mode de l’interrogation des Parisiens des Lettres persanes à propos des Lettres Persanes de Montesquieu me semble refléter largement la situation de la littérature camerounaise d’expression anglaise. En effet, s’il est aujourd’hui difficile pour des spécialistes de douter de l’existence d’une littérature camerounaise, il reste que, pour nombre d’africanistes, et même parmi les plus réputés, « écriture camerounaise » s’entend encore et exclusivement comme « écriture camerounaise d’expression française. »
Pourtant, à côté de la production littéraire en langue française se développe, depuis la fin des années 50, une littérature en langue anglaise qui, bon an mal an, semble se constituer en champ plus ou moins en voie d’autonomisation, avec un ensemble d’instances plus ou moins distinctes. Dans le champ littéraire camerounais qui se confond, pour ainsi dire, avec le champ littéraire francophone, il semble se mettre progressivement en place un sous-champ spécifique dans la langue de Shakespeare, avec lequel le champ initial entretient des rapports compréhensibles de compétition ainsi que le dirait Pierre Bourdieu : ses créateurs, ses éditeurs, ses instances de réception et de diffusion, ses instances de légitimation, ses paradoxes, etc.
I- Une histoire singulière
Tous les observables recueillis attestent qu’au lendemain de l’indépendance des territoires, le nouvel Etat met un accent particulier sur la formation des cadres nationaux dont nombre d’entre eux ne tardent d’ailleurs pas à prendre la plume, aussi bien à l’Ouest qu’a l’Est de la Mungo River. En effet, « l’ordre nouveau » auquel aspirait le peuple colonisé, s’est traduit au niveau de la politique de la formation, par une « école nouvelle » : la carte scolaire s’étend, s’étoffe et se diversifie sur le double plan qualitatif et surtout quantitatif, autant en zone francophone qu’en zone anglophone, et à tous les niveaux de l’enseignement. Si en zone francophone les fruits tiennent tout simplement la promesse des fleurs coloniales, dans le Southern Cameroon, on assiste à une véritable explosion de l’offre de formation dans la langue d’écriture, toutes choses en contradiction avec la situation coloniale.
1) Les beaux soleils des indépendances
Dès le début des années 60 et à l’image de leurs homologues des autres pays d’Afrique, les nouvelles autorités camerounaises décident de « changer l’école pour changer la société »[3]. L’école devient ainsi la « priorité des priorités » des nouveaux gouvernants. L’éducation et la formation de la jeunesse entre 1960 et 1970 par exemple, engloutissent, à elles seules, plus du tiers du budget de l’Etat. Ce projet se traduit dans les faits par l’ouverture, non seulement des établissements secondaires à cycle complet dans des villes moyennes Mbalmayo, Bertoua, Bafoussam, etc., mais aussi celles d’établissements primaires qui constituent le vivier des établissements cités plus haut. De même, de nombreux établissements de formation des maîtres, les Ecoles Normales d’Instituteurs, ENI et les Instituts de Pédagogie Appliquée Rurale, IPAR, sont créés dans les chefs lieux des régions : Dschang, Edéa, Douala, Yaoundé, Buea, etc.
La politique gouvernementale en la matière qui prône et applique la gratuité effective[4] de l’enseignement, à tous les niveaux, comprend en outre l’octroi de bourses d’étude et des aides diverses aux élèves du secondaire et tous les élèves des écoles de formation. Les nombreux établissements privés, confessionnels ou laïcs, reçoivent, quant à eux, des subventions conséquentes, en même temps que leur personnel enseignant est formé gracieusement dans les établissements publics destinés à la formation des personnels de l’Etat.
En zone francophone, les conditions réellement motivantes de cette aube des « temps nouveaux » auront ainsi attiré de nombreux talents dans le métier d’enseignant. C’est ainsi que chaque année, pendant la période de référence, des Camerounais de deux sexes, de tous horizons et de toutes conditions, accèdent par milliers dans le cercle prestigieux et jadis très réservé de lecteurs ou d’écrivains potentiels de/dans la langue de Molière. A la fin des années 60, le Cameroun dispose ainsi sur la rive droite de la Mungo River, de l’un des taux de scolarisation les plus élevés de l’Afrique francophone, plus de 50 %.
De même, afin de permettre un égal accès aux citoyens des deux ex-territoires anglais et français à l’école, les nouvelles autorités déploient de moyens plus importants encore dans cette partie occidentale du territoire national, tant en matière de création et d’équipement des établissements que de la formation du personnel enseignant dans tous les ordres et degrés d’enseignement. Au West Cameroon, plus qu’ailleurs dans le pays, l’école connaît effectivement une véritable explosion, autant dans le secteur privé que le secteur public, et à tous les niveaux de l’enseignement.
Entre 1961 et 1966, dans la seule région de Bamenda par exemple, près d’une vingtaine d’établissements primaires sont créés dont 13 privés catholiques. Au niveau de l’enseignement secondaire, le jeune Etat met un accent tout particulier sur la «démocratisation » de l’enseignement secondaire jadis réservé ici aux seuls enfants privilégiés des familles aisées, parce que payant et dont les structures d’accueil étaient souvent très éloignées des centres de forte concentration de populations. Des lycées publics d’enseignement général sont aussi ouverts dans presque toutes les villes d’importance moyenne, et même dans les régions enclavées.
Ainsi, dans la province du Sud-Ouest (l’une des deux provinces issues de l’ex-Southern Cameroon) par exemple, un grand lycée est ouvert à Buea, le Government Bilingual Grammar School de Molyko en 1963, à 25 km de Victoria (actuel Limbe) qui héberge le Government High School (1966) ou 70 km de Kumba, siège du Cameroon College of Arts and Science. A côté de ces établissements à cycle complet, et dans la même région, se trouvent des nombreux collèges d’enseignement secondaire, notamment à Mamfe et à Mudemba.
En plus de la gratuité[5] effective (qui est une nouveauté absolue en zone anglophone) de la scolarisation à tous les niveaux primaire, secondaire et professionnel, des bourses d’études sont allouées aux meilleurs élèves de tous les cycles et de tous les types d’enseignement, publics, confessionnels ou laïcs. Les subventions étatiques auront ainsi favorisé une vulgarisation effective de l’enseignement dans notre zone de référence. Entre 1961 et 1965 seulement, selon les auteurs de L’Enseignement catholique au Cameroun 1890-1990/ Catholic Education in Cameroon 1890-1990, pas moins de 5 nouveaux établissements secondaires ont vu le jour dans cette zone, dont quatre au Nord Ouest : Sacred Heart College Mankon Bamenda (1960), St. Bedes’ College Ashing Kom de Fundong (1963), Our Lady of Lourdes Secondary School de Mankon Bamenda (1963) et St. Augustine’s College de Nso Mbui (1964). Le dernier établissement, Our Lady Seat of Wisdom College, est ouvert dans la partie la moins accessible du Sud-Ouest, à Fontem en 1966[6].
A ces établissements d’enseignement général, il convient d’ajouter, toujours en zone anglophone, un nombre élevé de Collèges d’Enseignement Normal et/ou Professionnel: le Presbyterian Teacher Training College de Kumba, le Baptist Training College de Njinikom Boyo, etc. Des initiatives privées laïques n’ont pas manqué d’apporter leur contribution à la formation de la population lettrée de cette partie du pays. Relevons rapidement quelques cas : le Cameroon College of Commerce de Bamenda et de Kumba, le Longla Commercial College de Bamenda, le Providence Commercial College de Bamenda, etc. Les efforts gouvernementaux, ceux des missions chrétiennes et des laïcs auront ainsi transformé assez rapidement « le désert éducationnel » de la période coloniale qu’était le Southern Cameroon en « Quartier latin » potentiel.
Cette politique volontariste de l’éducation et de la formation de la jeunesse de l’autre rive de la Mungo River renforce notablement le parc scolaire national. Bien plus, la politique d’attribution massive de bourses nationales d’études ajoutée aux subventions et aides internationales de tous genres, aura permis la formation rapide d’une élite camerounaise d’expression anglaise, autant en Angleterre, aux Etats-Unis, au Canada ou même en France (Simon Ashidi Achu, anglophone et ex-premier ministre du Cameroun a étudié en France), élite parmi laquelle se recrutent massivement les producteurs et les consommateurs de la littérature camerounaise dans la langue de Sa Majesté: Bernard Fonlon, Bole Butake, Nalova Lyonga, Linus Asong, Mbella Sonne Dipoko, etc. Ainsi, en une décennie seulement d’indépendance, la formation de lecteurs et d’écrivains potentiels connaît-elle une accélération fulgurante.
2) La distraite obligeance des « Gentlemen »
Cependant, l’on se doit surtout de ne pas oublier que, au lendemain des défaites allemandes de 1918 et 1945, la gestion des territoires de l’empire colonial de Bismarck officiellement devenus « propriétés » de la Société Des Nations, SDN, et plus tard de l’Organisation des Nations Unies, ONU, sont confiés provisoirement aux grands vainqueurs des deux guerres mondiales. En Afrique équatoriale, la France et la Grande Bretagne, pour des raisons stratégiques et économiques, ne peuvent se départager sur le protectorat du Kamerun qui est alors, contrairement à la Tanzanie, au Togo ou à la Namibie, divisé en deux parties que chaque puissance essaie d’incorporer dans son empire existant. Alors que la partie orientale accordée à la France est intégrée sur le plan de la gestion,dans l’Afrique Equatoriale Française, les parties septentrionale (Northern Cameroon) et occidentale (Southern Cameroon) revenues aux Britanniques sont, elles, rattachées à la possession voisine du Nigeria.
Arrivé (trop) tard dans une fédération constituée depuis plus de 50 ans, les British Cameroons ne bénéficient que d’une obligeance distraite des autorités britanniques, comme on l’a relevé au chapitre 1. Les infrastructures de communication, de l’administration ou scolaires ne reçoivent par conséquent aucune attention spécifique. Au contraire, les crédits débloqués par Londres pour développer le Southern Cameroon, par exemple, n’atteignent le territoire qu’après être passés par Lagos, Ibadan, etc., lesquelles capitales régionales en prélèvent à chaque étape, d’importantes « taxes. » L’école, par exemple, reste ici curieusement embryonnaire alors que l’université fait partie du paysage intellectuel du Nigeria.
De plus, « l’Indirect Rule » qui reconnaît une certaine compétence aux autorités locales pour la gestion des domaines comme le commerce ou la formation des agents locaux de l’œuvre coloniale, se traduit ici par “l’invasion” massive des populations venues du Nigeria, essentiellement des Ibo, qui tiennent le commerce et l’administration. C’est donc à de véritables sous colonies de la colonie anglaise du Nigeria qu’est proposée l’alternative de la réunification avec le Cameroun Oriental ou la Fédération du Nigeria, aux lendemains de l’indépendance du Cameroun Français et de la Fédération du Nigeria, en 1960 et 1961, respectivement. Tandis que le Northern Cameroon se rattache au Nigeria, le Southern Cameroon, lui, choisit de se lier à la République du Cameroun pour donner naissance à la République Fédérale du Cameroun.
Ainsi, avant l’indépendance et la réunification des deux Cameroun, aucun établissement scolaire public, primaire ou secondaire, n’existe dans la partie anglophone du pays. De même, l’enseignement secondaire se réduit alors à trois établissements confessionnel : le Saint Joseph College de Sasse dans la banlieue de Buea (1939), The Queen of the Rosary Secondary School OKoyong, Mamfe (1956) et le Cameroon Protestant College de Bali, près de Bamenda (1949). L’accès des Camerounais d’expression anglaise à l’éducation occidentale est ainsi rendu difficile autant par le coût des études que par l’offre même de l’école.
On comprend dès lors pourquoi, à l’indépendance, contrairement au Cameroun Oriental, le Cameroun Occidental ne dispose à proprement parler pas d’élite intellectuelle, population au sein de laquelle s’est recrutée, aussi bien dans les colonies anglaises que lusophones ou françaises, les premiers écrivains en langues occidentales. On appréhende aussi pourquoi le premier texte littéraire publié par un ressortissant de la rive gauche de la Mungo River est publié à Ibadan, et en 1959, c’est-à-dire, à quelques mois seulement de l’indépendance du territoire, alors que les premiers écrits connus de Camerounais de l’autre rive remontent, eux, aux lendemains mêmes de la Première Guerre Mondiale.
Venus tard à l’écriture, les créateurs de la littérature camerounaise d’expression anglaise n’ont pas, pour ainsi dire, et contrairement à leurs collègues de la rive droite de la Mungo River ou même du Nigeria voisin, participé à l’exaltante aventure de la littérature coloniale africaine. Bien que selon Bole Butake et Nalova Lyonga[7], Bernard Fonlon et Vincent Nchami eussent écrit de poèmes et des nouvelles dont certaines sont même diffusées sur les ondes de la radio nigériane au début des années 50, l’histoire effective de la littérature écrite d’expression anglaise se confond ainsi, pourrait-on dire, avec celle de la postcolonie camerounaise.
3) L’écriture de l’exil après l’exil de l’écriture ?
La littérature camerounaise d’expression anglaise est ainsi née en exil. En effet, I Am Vindicated est publié chez Ibadan University Press au Nigeria alors que Sankie Maimo, l’un des rares ressortissants du Southern Cameroon à avoir fait des études supérieures à cette époque, est étudiant à l’université d’Ibadan. Si elle n’est pas nécessairement celle de l’exil, sa thématique initiale est bien plus proche de celle-ci que de la préoccupation des congénères des créateurs alors « sous mandat » britannique. Coloniale ou postcoloniale, la littérature camerounaise est, comme on le sait, généralement réputée engagée. Cependant, les premiers textes de la littérature camerounaise d’expression anglaise ne semblent point briller par leur encrage dans les préoccupations des populations qui les ont suscités. On pourrait même effectivement dire que cette dernière est plutôt déconnectée de la réalité ambiante.
En effet, alors que René Philombe, Mongo Beti ou Daniel Ewandé connaissent la prison ou l’exil parce que leurs écrits heurtent de front le pouvoir de Yaoundé au lendemain de l’indépendance, alors que les accords de Foumban qui créent deux Républiques Fédérées du Cameroun et garantissent les libertés fondamentales aux citoyens des deux territoires sont mis hors-jeu par une série d’ordonnances et de lois d’exception anticonstitutionnelles (1961, 1963, 1966, etc.), alors que le régime du président Ahidjo exclue systématiquement l’héritage britannique pourtant déclaré officiellement comme faisant partie intégrante du patrimoine national de la vie publique, alors que sous prétexte de « pacification » du pays, la soldatesque du même Ahidjo, « assistée » par l’armée française, assassine à tour de bras les patriotes camerounais (plus de 400 000 morts dans les seuls Mungo, la Sanaga Maritime ou l’Ouest), bref, pendant que « Rome brûle », nombre de créateurs de la minorité anglophone semblent chanter, comme la cigale de la fable. Adventuring with Jaja (1962) de Sankie Maimo, A Few Days and Nights (1966) ou Because of Women (1968), Black and White in Love (1972) de Mbella Sonne Dipoko, Taboo Love (1980), de Joseph Ngongwikuo, par exemple, célèbrent la romance.
Et, quand quelques écrits se départissent de l’amour et de ses déclinaisons, ils semblent se préoccuper essentiellement des thèmes « omnibus » qui, ainsi que les définit Pierre Bourdieu « intéressent tout le monde mais sur un mode tel qu’ils ne touchent à rien d’important[8]. » I Am Vindicated (1958), Sov Mbang the Soothsayer (1968) et The Succession in Sarkov (1980) de Sankie Maimo, The White Man of God (1980) et Lukong and the Leopard (1975) de Kenjo Jumbam, The Taboo Kingdom (1986) de Joseph Ngongwikuo, The Good Food (1977) de Nsanda Eba ou The Footprints of Destiny (1985) de Azanwi Nchami traitent invariablement de l’éternel conflit entre la tradition et la modernité qui, ici, se termine à l’avantage de la première.
Si sur le plan esthétique on peut relever que Bella Sone Dipoko ou Kenjo Jumban par exemple, font montre d’une maîtrise incontestable de la langue d’écriture ou de l’art de la poésie ou du roman et de la nouvelle, tandis que les autres ne brillent guère par la qualité intrinsèque de leurs textes, il reste que cette thématique éculée éloigne l’élite écrivante anglophone autant de leurs congénères de langue française que de la communauté anglophone avec qui elle partage la culture (coloniale) britannique.
Pire, par cette contemplation coupable, les écrivains semblent cautionner complaisamment la « francisation » brutale et systématique de tout le Cameroun pourtant reconnu Etat « bi-culturel » par la constitution même de l’Etat fédéral. L’essayiste Bernard Fonlon, élite intellectuelle du Cameroun Occidental (West Cameroon), ne manqua d’ailleurs pas d’attirer courageusement[9] l’attention de l’intelligentsia anglophone sur cette passivité répréhensible et cet « appétit de domination » de la majorité francophone qui ouvre la porte à la re-colonisation pure et simple du Southern Cameroon et consacre la marginalisation des Anglophones :
“En trois ans de Réunification, grâce aux articles 5 et 6 de la constitution fédérale, plusieurs pratiques et institutions sont venues de l’Est dans l’Ouest. […]. Mais, en vain, ai-je cherché une seule institution ramenée de l’Ouest dans l’Est. Hors de ses frontières fédérées, l’influence du Cameroun Occidental est pratiquement nulle. Ainsi, par la force des circonstances, on combat l’influence anglo-saxonne dans la République fédérale. Et il est clair que si nous laissons les choses au hasard et que si la volonté et le choix positif de nos dirigeants n’interviennent pas, il y a peu d’espoir que quelques coutumes et institutions britanniques survivent dans notre système à venir“[10].
II- Ecrire du terroir, (d) écrire le terroir
Il a fallu donc attendre la fin des années 70, voire le milieu des années 80 pour que la littérature camerounaise d’expression anglaise devienne effectivement nationale au sens où l’entendent les promoteurs de la Harlem Renaissance ou même de la Négritude, dans la mesure où elle semble vouloir, enfin, traduire des préoccupations de nombre de ceux que Stephen Arnold appelle des « orphelins à la recherche de leur identité[11]. » Il est vrai que cette période coïncide avec l’avènement d’un régime politique qui se veut plutôt libéral au Cameroun. En réalité, ce temps aura été surtout nécessaire pour que la politique volontariste que le premier gouvernement du Cameroun indépendant mène dans cette partie du territoire, en matière d’éducation et de formation, porte ses premiers fruits.
En fait, en deux décennies d’indépendance, a pu enfin émerger une élite intellectuelle originaire de l’ex-Southern Cameroon, une population suffisante de producteurs et de consommateurs potentiels de la littérature écrite. Le corrélation entre le nombre de la population écrivante et la population lisante potentielles d’une part et la formation des producteurs et celles des consommateurs du livre est d’une importance capitale comme le montre bien Robert Escarpit. En effet, affirme l’auteur de La Révolution du livre,
“Il ne peut y avoir de production littéraire originale dans un pays s’il n’existe pas une population d’écrivains suffisante pour alimenter cette production et s’il n’existe pas une population de lecteurs suffisante pour permettre la consommation, soit doctrinalement, soit économiquement”[12].
Ainsi, en dehors du nombre jamais atteint de lettrés en la langue de Shakespeare que connaît le Cameroun, la revue Abbia publiée par la Faculté des Arts, Lettres et Sciences humaines de l’Université Fédérale du Cameroun, aura permis à de nombreux Camerounais autant d’expression française que d’expression anglaise, de faire leurs premières armes, soit comme critiques, soit comme créateurs ou les deux à la fois, sous la direction clairvoyante de Bernard Fonlon.
Nombre des ex-collaborateurs de Abbia sont d’ailleurs aujourd’hui des références incontestées de la critique littéraire camerounaise: Ambroise Kom, Nalova Lyonga, Bole Butake, etc. En effet, ce féru des lettres anglaises et françaises, et passionné de la littérature camerounaise originaire de l’ex-Cameroun Occidental et qui manie avec une aisance exceptionnelle la langue de la reine d’Angleterre et celle de Molière, a dirigé pendant 20 ans (1962-1982) la revue Abbia qui peut à juste titre être considérée comme l’une des toutes premières pierres de l’édifice de toute l’institution littéraire camerounaise.
Un peu comme pour enfin faire écho aux multiples cris de détresse de Bernard Fonlon, qui décrie la démission de ses compatriotes d’expressions anglaise face à leur responsabilité devant « l’histoire nationale», nombre de pièces de théâtre, The Tragedy of Mr. No-Balance de Victor Musinga, The Rapt of Michelle (1984) de Bole Butake, The Most Cruel Death of the Talkative Zombie (1986) de Bate Besong ou même The Mask (1980) de Sankie Maimo, régulièrement représentées à Yaoundé, Buea, Bamenda etc., semblent s’inscrire d’emblée dans le paradigme de la dénonciation de la corruption, du népotisme, de la décadence morale et de l’immoralité qui imprègnent les nouveaux rapports entre les membres de la communauté nationale, et surtout les attitudes des nouveaux dirigeants du Cameroun indépendant, comme Perpétue et l’habitude des malheurs (1974) de Mongo Beti, Le Caméléon (1980) de Patrice Ndedi Penda, Le Bal des caïmans (1980) de Yodi Karone ou Les Chauves-souris (1980) de Bernard Nanga.
1) Ce que l’Histoire a voulu séparé…
Mais c’est surtout dans ce qui ressemble fort à « la défense et l’illustration» de l’héritage colonial britannique que de nombreux auteurs qui, bien que n’ayant, pour la plupart, connu que très brièvement la colonisation anglaise, n’en sont pas moins imprégnés, semblent finalement trouver leurs véritables marques. Nombre de créations qui tendent toutes visiblement à revaloriser à défaut de réapproprier l’héritage britannique camerounais, dénoncent, parfois avec une rare violence, les travers de la réunification des deux territoires qui s’est traduite, aux yeux des auteurs, par une « re-colonisation » de l’autre Etat et à l’humiliation des citoyens qui en sont originaires. Sont ainsi tancés, sans ménagement, tous les « Frogs » (Francophones), compte non tenu ni de leur position sur l’échiquier politique ni même de leurs aspirations légitimes non contradictoires avec celles de la communauté anglophone, etc.
Contrairement aux textes auguraux, la littérature d’expression anglaise devient plus résolument anglophone au sens idéologique du terme, voire nationaliste, en ce sens qu’elle entend traduire les sentiments et les ressentiments d’une communauté de Camerounais clairement identifiable et qui s’estime exclue de la table du « banquet national »[13] ainsi que l’on peut aisément le remarquer, dès les titres mêmes de nombre de textes : The Banquet, Beasts of no Nation, The Rapt of Michelle, Cry of the Destitute, Obasinjom Warrior With Poems after Detention, The Most Cruel Death of the Talkative Zombie, No Way to Die, etc.
Les thèmes comme l’humiliation, l’ostracisme, le pillage des richesses de l’ex-Southern Cameroon etc. constituent ainsi les principaux chevaux de bataille de cette écriture débridée, pour cause : “In Cameroon, affirme l’une des figures de proue de cet ordre littéraire, the neo-colonial power structure dates back to Foumban and you cannot understand its nature without a firm grasp of how the Plebiscite that led to the Re-Unification of the“… two, equal unifying parts”, evolved[14] ».
What God has Put Asunder de Victor Ngome Epie qu’on pourrait traduire par « Ce que Dieu a voulu séparé » peut ainsi se lire comme une métaphore de la réunification (1961) et surtout de l’unification (1972) des deux ex-Cameroun français et britannique, Weka la mariée dont le nom est constitué des initiales de West Kamerun (la partie occidentale du Cameroun allemand d’avant la défaite du Reich et actuelles provinces du Nord et du Sud Ouest) tenant le rôle du Cameroun Occidental et Miché Garba celui du Cameroun Oriental. Il serait sans doute fastidieux de revenir ici sur la scénographie interne de l’ensemble de la pièce ou même sur la biographie des deux époux, leur éducation, les réactions respectives de leurs tuteurs, l’onomastique, etc. qui reflètent plutôt fidèlement le destin de deux territoires.
On peut toutefois rapidement retenir que ce classique de la littérature camerounaise d’expression anglaise relate l’histoire de la jeune orpheline, Weka, élevée dans un orphelinat catholique. Arrivée à l’âge nubile, elle est appelée à choisir un époux entre deux prétendants : un certain Monsieur (en français dans la pièce… ) Miché Garba, musulman, et Emeka, un ex-pensionnaire du même orphelinat dirigé par le R.P. Gordon et le R.S. Sabeth. Bien que Emeka ait voulu faire valoir son amitié de longue date et ses solides relations tissées avec la jeune Weka pendant leur long séjour commun au pensionnat, cette dernière est décidée par le prêtre anglais, le R.P. Gordon, bien malgré elle, d’épouser l’étranger, Miché Garba. Le mariage provisoire célébré par le Révérend Unor (Entendre : United Nations Organization ?) ne devant être définitivement validé que, si après une période de probation de 10 ans, les époux désirent toujours vivre ensemble.
Mais pendant la période d’essai, l’union est un véritable enfer pour l’orpheline et ses enfants. Miché Garba se révèle comme un homme fourbe et hypocrite: coureur de jupon invétéré, il dilapide aussi bien le patrimoine de l’entreprise qu’il dirige que l’héritage des parents de son épouse, au profit de ses multiples concubines et d’autres extravagances. En une décennie de cohabitation et grâce à des stratégies qui tiennent à la fois de la violence symbolique et morale et du procès idéologique, Miché Garba tente avec un certain succès, de faire de Weka une étrangère à elle-même et à tous les siens. De guerre lasse, l’épouse martyrisée abandonne le foyer conjugal et retourne dans la concession familiale mise à sac par son époux et qu’elle entreprend de reconstruire. Elle y est vite rattrapée par le mari tyrannique qui les ramène de force, elle et ses enfants, dans le foyer infernal. L’affaire est portée devant le tribunal dont un arrêt consacre la séparation de corps : les deux parties doivent désormais vivre physiquement séparées, se devant égards et respect mutuels, en attendant qu’une décision ultérieure de la justice indique la conduite à tenir.
Métaphoriquement, ainsi que le relèvent objectivement nombre de lecteurs attentifs dont le dramaturge et critique littéraire Bate Besong, la pièce de Victor Epie’ Ngome est l’histoire à peine romancée du Cameroun :
“[Weka] pins the events of Ngome’s drama down to a particular period i.e. the Reunification of the Cameroon(s) and to specific geoagraphical as well as historical personnage. On that score, the orphanage becomes the British nursery of colonial, indirect rule as represented by Rev. Gordon and Sr. Sabeth. Emeka would represent the federation of Nigeria which also grew under the British Lugardian orphanage. […] Rev. Unor who solemnized Weka’s unusual wedding to Miché Garba would unarguably be Mr. Djala Abdoh, the United Nation’s High Commisionner, who organised the 1959 Plebiscite. Miché Garba would be the Moslem, El Hadj Amadou Ahidjo whose Louis is reminiscent“[15].
Par la fin inéluctable de cette union bancale qui a conduit à l’animalisation pure et simple de la partenaire, Victor Epie Ngome postule soit le retour au fédéralisme, soit la naissance d’autres formes d’union entre les deux partenaires, ou alors la sédition et la sécession dont le dramaturge se garde prudemment d’énoncer clairement les modalités.
La dimension exemplaire autant que le poids symbolique de la pièce est tout aussi mis en avant par nombre de locuteurs camerounais de la langue de Shakespeare au Cameroun :
“Within the Cameroon context, precise pour sa part le Professeur S.A. Ambanasom, that play and its themes have a greater symbolic significance. For instance, the marriage metaphor relates to the political union of Anglophone Cameroon and the Francophone counterpart. Hence, Weka stands for the former Southern Cameroons, and Garba for La République du Cameroun; Weka’s parents represent the British Government that relinquished responsibility over Southern Cameroons; Rev. Gordon and the orphanage stand for the UN trusteeship mandate over Southern Cameroons; the Louis mentioned in the play is France; Emeka is Nigeria, etc. […] Garba’s neglectful but exploitative attitude towards Weka represents the attitude of the Francophone leadership towards Anglophone in present day Cameroon, a behaviour that has come to represent the central grievance in what Anglophone Cameroonians have identified as the “Anglophone Problem in Cameroon[16].”
Bate Besong qui, aussi bien par le nombre de ses textes publiés, la qualité même de certains d’entre eux que son exposition médiatique plutôt réussie, est à juste titre, un écrivain d’expression anglaise de premier plan ces dernières années : il est des plus intransigeant voire emporté. Poète, nouvelliste, dramaturge et critique littéraire, le créateur de The Achwiimgbe Trilogy (2004) est aussi controversé que populaire parmi une certaine jeunesse lettrée anglophone. Change Waka and His Man Sawa Boy (CLE, 2002) et surtout Beasts of no Nation (1990) dont le titre reprend celui d’un album à succès du célèbre musicien nigérian Anikulapo Fela Kuti, bête noire de tous les régimes civils ou militaires du Nigéria, illustrent de manière exemplaire cette virulence.
Dans cette dernière pièce dont le titre pourrait se traduire par « Bêtes sans nations », et à la différence notable d’un Lake God ou d’un The Rapt of Michelle de Bole Butake, par exemple, le pouvoir francophone post colonial est peint comme la source de tous les malheurs des citoyens camerounais, et surtout ceux d’expression anglaise. Aussi l’écrivain anglophone se voit-il investi du devoir quasi messianique[17] de porter haut la parole de « ses » frères laissés sans voix et, si nécessaire, de porter le fer dans la plaie :
“New Deal” politics has been a disruptive phenomenon. It excludes rather than includes social elements whose perception of reality is diametrically opposed to its worldview. […] The writer of my generation questions history, questions his environment, and questions people in authority. He uses his talents if I may put it crudely – to call things by their names, including the old aphorism that the emperor has no clothes. He has therefore been unpopular with the power-besotted men at the Ministry of the Education. […] We need the necessary perspicacity of vision and ability to domesticate, in school curricula, for the benefit of the present and future generations, the two colonial perspectives to suit the temper and subjectivities of the envisaged Cameroonian commonwealth. Otherwise, if I may borrow from Jimmy Baldwin: “in the fire next time”. No one wants to be integrated into a burning house”[18]!
2) Etre Anglophone ou ne pas être
La (re)conquête de l’identité perdue des Anglophones, passage obligé vers un mieux être collectif, apparaît alors, pour nombre de dramaturges, de nouvellistes ou des poètes de cette génération, comme un impératif catégorique à réaliser, même au prix d’une insurrection sanglante. Le titre même du deuxième recueil de poésies publié de Gahlia Gwangwa’a est assez pertinent dans ce sens : Cry of the Destitute. Certains intitulés mêmes de poèmes aussi bien que leurs contenus, peuvent être compris comme un appel pressant la prise de conscience individuelle et collective de la singularité et de l’inconfort de la situation de l’Anglophone, suite aux multiples injustices dont s’estiment victimes le « peuple anglophone » comme dans “In Search of my People” (« A la recherche de mon peuple »)[19] ou “ Who are We ” (Qui sommes-nous ? »)[20].
Quant aux autres, ils ressemblent fort un appel à la révolution : « Frogs with us » (Des crapauds chez nous »), « If an Anglophone must die » (“Si un Anglophone doit mourir “), etc. Le dernier poème cité est absolument intéressant dans cette perspective : il a tout l’air d’une invite appuyée au martyr doublée d’une ouverture sans ambiguïté de la chasse … aux Francophones :
“If an Anglophone must die, let it be a noble death
So that his precious blood is not spilled in vain
Let no scream be heard in the final glimpse and breast
Though, by grenades, he suffers much in utter pain.
If an Anglophone must die, let it not be like a dog
That is hunted down and killed in dirty spot,
By the “frogs” continuous feigning for dialogue
While grimacing a monkery of Anglophone dying lot
[…]
Anglophones! Fiercely face whatever be the attack;
When helmed in a corner, die fighting back.
Those who survive the fight of your might
Will lead the rest with your light“[21].
Pour bien marquer cette « mutilation » culturelle, sociale et économique d’une part, et d’autre part, justifier la révolte ou la révolution rendues incontournables, Bate Besong présente généralement, quant à lui, ses « bêtes sans nations » comme les hommes et femmes de seconde zone sinon des esclaves face à leurs compatriotes d’expression française qui, eux, tiennent les premiers rôles. Les personnages anglophones sont ainsi, presque invariablement, désignés par des étiquettes nominales essentiellement anonymantes et systématiquement dégradantes et dévalorisantes : Blindman (Homme aveugle), Cripple Woman (Femme paralysée des pieds), Woman (Femme), Boy (Domestique), Night Soil Men (Videurs de pots de nuits), Workers (Travailleurs), Minority Nnyanyen (Minorité Nnyanyen), Mister Nobody (Monsieur Personne), etc.
Quant à la corruption, la prévarication, le despotisme et l’essentiel des autres maux qui minent l’Afrique post coloniale, ils semblent, d’après un nombre important et croissant de textes de la littérature camerounaise d’expression anglaise, le fait des locuteurs et assimilés de l’autre langue, les Francophones. C’est notamment le cas de Monsieur le Commissaire, de Sous-Préfet, etc. tout comme Jean-Pierre Engo ou Monsieur Mongo Meka dont les noms sont en français respectivement dans Change Waka and His Man Sawa Boy de Bate Besong et The Death Cerificate de Alobwed’Epie (CLE, 2004). Parfois, ces travers sont directement le fait de personnages issus de ce que Alobwed’Epie « First province » (« La Première province »), quelques groupes ethniques facilement identifiables par tout Camerounais. Les portraits physiques et moraux ou même les actions de certains protagonistes de la fiction sont trop proches de ceux des personnes physiques qui existent ou qui ont réellement existé dans la société camerounaise, pour ne pas faire penser immédiatement à ces derniers.
Ainsi, dans Requiem for the Last Kaiser (1991) de Bate Besong, Françoise Hyppopo alias The People’s CFA 1.5 Billiards Wife rappelle aussi bien le physique que l’action de Françoise Foning, femme d’affaires et députée du parti présidentiel que la presse populaire accuse régulièrement d’avoir ruiné de nombreuses institutions bancaires camerounaises[22] ; tandis que Holy Prophet Atangana alias Monsignor the Marabout fait objectivement penser à Monseigneur Jean Zoa, archevêque de Yaoundé qui « pactisa » aussi bien avec le premier que le deuxième régimes de Yaoundé et qui restera sans doute dans l’histoire de l’Eglise catholique en Afrique comme celui qui témoigna iniquement contre son confrère, archevêque de Nkongsamba. On se souvient sans doute comment, accusé de collusion avec l’opposition armée au régime de M. Ahidjo, Mgr Albert Dongmo ne dut la vie sauve qu’à l’intervention énergique du Vatican après une mascarade de procès dont parle par exemple Main basse sur le Cameroun[23].
Quant à Etat-Major Andze Abessolo alias Career Toe-Breaker and Torturer, le seul nom est suffisamment éloquent pour qu’on n’y voit pas Gilbert Andze Tchoungui qui occupa aussi bien sous la première que sous la deuxième Républiques, des hautes fonctions dont celle de ministre de l’administration territoriale et qui « pacifia » les régions de l’Ouest du pays, du Moungo et la Sanaga Maritime, au prix de « quelque » quarante mille morts, sous le règne du président Ahmadou Ahidjo. Pour Harl Ngongo alias Iduote Frog Mouthed Laureate, le nom et la profession peuvent aisément se lire comme Charles Ndongo qui est effectivement éditorialiste à la radio et à la télévision d’Etat. Pendant longtemps, en effet, celui-ci a été le « journaliste du président » ; car c’est lui couvrait systématiquement toutes les nombreuses visites officielles du président Biya à l’étranger. De plus, il fait tout aussi systématiquement partie des journalistes qui « expliquent » la « pensée » du chef de l’Etat camerounais, après chacune de ses allocutions radiotélévisées.
« Iduote », lui, se déchiffre très aisément comme un simple anagramme d’Etoudi, nom du quartier qui abrite la présidence de la République à Yaoundé et qui, par métonymie et par paronomase, renvoie à la présidence elle-même et parfois à la personne du président de la République Paul Biya. Ce dernier protagoniste, tout comme les autres agents de la pièce théâtrale de Bate Besong est, ainsi que le signale explicitement son étiquette nominale, un « Frog »[24], un natif de l’ex-Cameroun français, que le poète Gahlia N. Gwangwa’a définit dans son recueil de poésie, Cry of the Destitute, comme des êtres arrogants, égoïstes, sans moralité et sans scrupules :
“Frogs show no care
And there’s no time they’ll share”[25].
Nombre de vues de ces nouveaux écrivains exprimées métaphoriquement par What God has Put Asunder, Cry of The Destitute, Beasts of no Nation, etc., corroborent ainsi largement les revendications des sécessionnistes anglophones dont la Conférence de Buea au milieu des années 90 met en lumière la plate-forme des revendications qu’ils justifient comme par le fait que
“Within these twenty-two years, our union accord has been violated. We have been disenfranchised, marginalized and treated with suspicion. Our interests have been disregarded. Our participation in national life has been limited to no-essential functions. Our natural resources have been recklessly exploited without any benefit accruing to our territory or to its people”[26].
IV- Nouvelle écriture, meilleures instances de production et de promotion
Par delà les nouvelles thématiques qui pourraient caractériser cette « nouvelle littérature », se remarquent sur le plan de l’institution même de la littérature, des tentatives plus ou moins heureuses de mettre en place les instances qui permettent d’instituer la littérature anglophone. L’une des premières instances notables est celle de l’édition qui se rapatrie effectivement et se professionnalise plus ou moins. On sait que les premiers textes de la communauté anglophone sont le fait d’éditeurs étrangers, comme ceux de nombreux auteurs de la littérature francophone d’ailleurs. Mais après les premiers textes de Maimo et Dipoko notamment, la littérature anglophone est généralement le fait d’éditeurs locaux de fortune ou de publications à compte d’auteurs qui ne disent pas leur nom.
J’ai d’ailleurs montré dans le chapitre quatre de mon essai La Littérature camerounaise dans le champ social. Grandeurs, misères et défis, comment les éditions Nouremac à l’origine de près du quart de la production avant le milieu des années 80 sont, en réalité, une modeste imprimerie basée à Limbe qui n’a aucune ambition éditoriale au sens où on entend habituellement ce mot. The Past Tense of Shit ou A Time of Hope, par exemple (qui ont en plus en commun d’être écrits en anglais), sont en réalité, seulement imprimés et non édités chez Nouremac, tadis que Rotcod Gobata et Tita Julius Che exploitent tous simplement le label de la maison qui jouit d’une notoriété certaine dans la région anglophone du Cameroun, pour vendre leurs textes.
George Ngwane et ses collègues perpétuent ainsi tout simplement, avec une meilleure technologie, la tradition du « Shoesting Publishers », cheville ouvrière de la « Onitsha Market Literature ». C’est ce qui explique que la qualité technique de certains ouvrages ainsi mis sur le marché autant que la qualité esthétique propre des autres, laisse parfois franchement à désirer. Nombre de textes ainsi publiés ne connaissent d’ailleurs qu’une diffusion confidentielle : ils sont introuvables à Buea, capitale intellectuelle du Cameroun anglophone depuis l’avènement de l’université du même nom, située à 20 minutes de route de leur ville supposée d’édition.
La fin des années 80 et surtout les années 90 voient, quant à eux, émerger des éditeurs professionnels : Buma Kor, Patron Publishing House, Cosmos Educationnal Publishers, etc. qui font de l’édition un véritable métier ; tandis que les Editions CLE de Yaoundé, après une hibernation de près d’une décennie, inscrivent quelques titres dans leur catalogue : Lake God and Other Plays (CLE, 1999) de Bole Butake, Change Waka and His Man Sawa Boy (CLE, 2001) et Three Plays (CLE 2003) de Bate Besong, The Death Cerificate (CLE, 2005) de Alobwed’Epie, etc. L’activité éditoriale professionnelle remarquée est appuyée par une presse littéraire qui, pour être modeste, ne manque pas, dès la fin des années 80, « d’apporter un soutien à la cause.» Des émissions de radio comme Literary Half Hour du poste national de la radio d’Etat, non seulement présentent des œuvres d’auteurs camerounais anglophones, mais aussi invitent très régulièrement ces mêmes auteurs et parfois des acteurs de théâtre qui discutent de leur art, de leurs œuvres ou des performances des autres.
Dans le même ordre d’idées, Cameroon Report qui est rebaptisée plus tard Cameroon Calling, l’émission de la radio d’Etat la plus écoutée par la communauté anglophone, ne manque pas, à l’occasion, d’inviter des intellectuels anglophones dont des écrivains qui parlent des publications ou des auteurs du champ : Bole Butake, Bate Besong, Epie Ngome, Eyoh, George Ngwane, etc. A la télévision nationale, en dépit d’une programmation de plus hasardeuses et des plus irrégulières (qui ne sont d’ailleurs pas l’apanage des seules dites tranches d’antenne), en plus de la présentation des textes, des acteurs ou des auteurs comme Literary Half Hour, Focus on Arts diffuse régulièrement des extraits de pièces jouées par des troupes locales qui sont commentés à l’occasion par des dramaturges, des critiques ou des metteurs en scène et acteurs divers : Hansel Ndumbe Eyoh, Bole Butake, Gilbert Doho, Victor Epie Ngome, Bate Besong etc.
La presse privée d’expression anglaise qui a fleuri depuis le début des années 90 accorde, elle aussi, une certaine audience aux écrivains qui par ailleurs sont généralement des leaders d’opinion. Bate Besong est ainsi, depuis le milieu des années 90 jusqu’à sa mort en 2007, l’écrivain anglophone le plus présent dans Cameroon Post, The Herald ou même Cameroon Life, il est vrai, pas seulement pour des raisons littéraires. La librairie Cosmopen Booshop a, elle aussi, été de tous les combats pour la connaissance et la reconnaissance de la littérature camerounaise d’expression anglaise dans la capitale culturelle et intellectuelle camerounaise, Yaoundé, avant l’avènement d’autres universités à l’intérieur du pays. Tirant partie de toute l’exposition médiatique des acteurs de la littérature anglophone camerounaise, elle aura ainsi, et très efficacement, jusqu’à la fin des années 80 au moins, apporté solution à l’essentiel de la demande des consommateurs de la littérature anglophone, notamment aux étudiants et aux enseignants de l’université de Yaoundé avec lesquels elle a longtemps entretenu d’excellentes relations de complémentarité.
Cette vitalité est parachevée par une critique universitaire endogène qui s’exprime dans des revues qui, malheureusement, comme de nombreux enfants du Tiers-monde, disparaissent avant d’avoir fêté leur premier anniversaire. Après la disparition de la revue Abbia, nombre de critiques et d’universitaires qui, pour la plupart, ont fait leurs premières armes dans le support irremplaçable de Bernard Fonlon, n’ont cessé d’essayer de (re)donner vie à la critique littéraire et à la littérature camerounaises exprimées dans la langue de Shakespeare. Toutefois, si The Mould, African Theatre Review, Cameroon Literay Journal, New Horizons, Fako, Sosongho, Weka, etc. ont rarement dépassé le cap de 5 numéros, chacune aura, à la manière de Légitime Défense ou L’Etudiant noir, en leur temps (toute proportion gardée), marqué la vie intellectuelle de la communauté des créateurs et des critiques camerounaise.
En outre, cette vie intellectuelle et littéraire reçoit l’appui remarqué des troupes théâtrales dirigées par les mêmes dramaturges universitaires, critiques ou enseignants : The Univerity of Yaoundé Theatre, Musinga Drama Group, The Mutual Drapoets, The Flame Mayer, etc. Pour être éphémères comme celles des revues, les sorties desdites troupes n’en constituent pas moins, elles aussi, des moments importants de la vie littéraire de la communauté au nom de laquelle le Cameroun adhère au Commonwealth of Nations, le “Club des Gentlemen”.
V- La diffusion, deux Cameroun, deux destins
On se souvient sans doute que, pendant la période qui précède l’indépendance et en l’absence de bibliothèques publiques, les bibliothèques scolaires et les centres de documentation des séminaires sont les moyens de choix de la diffusion de livre au Cameroun. Avec l’avènement de l’indépendance, la carte scolaire du pays s’élargit. La bibliothèque scolaire qui suit le mouvement est secondée pour la première fois par des bibliothèques municipales et celles des centres culturels des missions diplomatiques étrangères installées à Yaoundé, Douala et Buea.
1) La zone francophone, la confirmation
Aux bibliothèques des lycées Général Leclerc de Yaoundé, du Manengoumba à Nkongsamba, etc., s’ajoutent désormais celles des nombreux autres établissements créés entre 1962 et 1972. Aussi, l’ouverture du Lycée Classique de Bafoussam et celle du Lycée Classique et Moderne de Garoua, sont concomitantes à celle des bibliothèques scolaires dignes de ce nom dans lesdits établissements. Conçus sur le modèle des lycées français de l’époque, ces établissements sont, pour la plupart, dirigés par des Assistants techniques français ou canadiens qui, de l’avis des élèves de cette période interviewés, mettent un accent tout particulier sur l’acquisition des livres et leur mise effective à la disposition des élèves. Les collèges missionnaires ne sont pas en reste : les frères canadiens qui dirigent la plupart d’entre eux sont tout aussi sensibles que leurs homologues français à l’importance de la lecture dans la formation de l’homme.
Bien plus, selon les témoignages des anciens élèves de cette période, en plus des bibliothèques très bien fournies en livres de toutes sortes, les manuels scolaires sont alors offerts gracieusement aux élèves par les autorités académiques. A côté de ces bibliothèques «fonctionnelles », des missions diplomatiques accréditées au Cameroun ouvrent sous leurs bannières des bibliothèques générales. Les services culturels de l’Ambassade de France au Cameroun disposent ainsi d’une bibliothèque dans les Centres Culturels Français de Yaoundé (1964), de Douala (1965) et de Buea (1966).
2) La zone anglophone, l’éclosion
A la veille de l’indépendance du Southern Cameroon, trois bibliothèques seulement sont inventoriées respectivement à Sasse, à Bali et à Mamfé. Quand on sait que pour la même période la bibliothèque publique est une réalité absolument inconnue du paysage culturel national, il devient fort aisé de constater que la probabilité d’accéder au livre littéraire camerounais pour un Camerounais d’expression anglaise par le biais de la bibliothèque est alors presque nulle.
Cependant, au lendemain de 1961, année de l’indépendance du West Cameroon, l’explosion de l’enseignement tant privé confessionnel ou laïc que public évoqué plus haut, aura été suivie par l’édification d’un réseau de bibliothèques scolaires conséquent. Généralement copiés sur le modèle anglais alors en vogue au Nigeria voisin, tous les établissements disposent impérativement d’une bibliothèque. Ces établissements qui sont presque tous à régime d’internat comptent en général de bibliothèques fournies tandis que l’utilisation de la bibliothèque, contrairement au système en vigueur à l’Est de la Mungo River, fait partie intégrante du programme d’enseignement. C’est donc sans surprise que l’on voit naître dans cette partie du pays le tout premier embryon de bibliothèque publique avec la Native Authority Library au tout début des années 60, à Bamenda.
VI- De la délégitimation d’une imposture à la légitimation de la position ?
Si la « nouvelle écriture anglophone», contrairement aux premiers textes, se caractérise par une maîtrise de plus en plus indiscutable de la langue d’écriture et même par des recherches formelles appréciables, le poncif y prend bien souvent le pas sur la réflexion tandis que certaines pièces de théâtre, chez Bate Besong notamment, tiennent plus du pamphlet que de toute autre chose. Le plus grand écueil de cette littérature émergente n’est sans doute pas, à ce niveau, celui du manque de lecteurs comme le pensent certains créateurs de la communauté[27].
Car, si une issue devait être trouvée au problème de la consommation endogène de la littérature camerounaise ou même africaine en général, elle ne pourrait être qu’une solution d’ensemble[28]. En tout cas, le fait par exemple que trop peu d’éditeurs étrangers aient, jusqu’à ce jour, « pris le risque »[29] de publier les écrits de cette « nouvelle écriture » semble une question dont la recherche en littérature camerounaise ne peut faire l’économie pendant longtemps encore.
L’un des plus grands défis de la littérature anglophone camerounaise contemporaine demeure donc, dans ces conditions, celui d’une réelle « connexion » de l’élite écrivante avec les préoccupations de la communauté en particulier ou du pays en général. La saturation thématique constatée, un certain déficit d’imagination qui se traduit par un manichéisme par trop simplificateur qui, métaphoriquement, désigne invariablement certains Camerounais –les Anglophones- comme les victimes innocentes et les autres –les Francophones- comme les bourreaux impénitents, etc. pourrait contribuer à faire penser que l’essentiel de cette « nouvelle écriture» demeure le fait d’une élite urbaine et intellectuelle, coupée des ruraux et autres « gens du peuple » au nom desquels les écrivains entendent pourtant parler.
Il est en effet difficile de faire admettre à un observateur attentif de la société de référence que le sort du paysan de Babong dans la Manyu (Province du Sud-Ouest) est strictement différent de celui de son collègue de Mongonam dans la Kadei (Province de l’Est), ou même que celui du travailleur agricole de la Cameroon Development Cooporation (CDC) qui a accaparé l’essentiel des terres fertiles des provinces du Sud-Ouest, du Nord-ouest et d’une partie de l’Ouest, est spécifiquement différent de celui de son congénère de Hévécam ou de Camsuco, tout simplement parce que les premiers se trouvent en zone anglophone alors que les seconds vivent en zone dite francophone. En tout état de cause, des travaux crédibles comme L’Afrique des villages, (1982) ou Quand l’Etat pénètre en brousse, les ripostes paysannes à la crise, (1989) du sociologue camerounais Jean Marc Ela incitent objectivement à en douter.
Il est sans doute utile de préciser que, en dépit du taux de scolarisation qui est, comparativement à celui des autres Etats africains, plutôt respectable dans les deux langues officielles du Cameroun et dans les deux ex-Etats fédérés, la population écrivante potentielle effective dans les deux langues représente encore moins de 10% de la population totale du pays[30]. De fait, les écrivains anglophones du Cameroun, minorité parmi la minorité, pourraient apparaître comme les représentants de la frange exclue du champ du pouvoir dominant et qui par essence aspire elle aussi à dominer et, en attendant, occupe malheureusement, « des postes mal définis, plutôt à faire que faits»[31] dans la hiérarchie du pouvoir. Elle se positionnerait ainsi, par son activisme, dans la course au « banquet national », au détriment, une fois de plus, de la masse de « sans-voix », anglophone comme elle, pour qui elle prétend parler.
VII- Comment exister entre marge et ghetto ?
L’absence actuelle d’une véritable critique littéraire indépendante des créateurs et par conséquent capable d’avoir un regard franchement extérieur, est susceptible d’éloigner encore plus l’émergente écriture camerounaise de langue anglaise des préoccupations affichées siennes, du fait du manque de distance critique dont un nombre important de ses agents semblent faire preuve tant par rapport à l’objet que par rapport au sujet de l’écriture.
Une lecture du discours critique produit par des anglophones camerounais sur des textes anglophones camerounais ces dernières années montre combien la critique littéraire ressemble bien souvent à des règlements de compte entre deux ou plusieurs camps constitués, non sur des bases littéraires mais plutôt idéologiques, politiques ou même claniques : Bate Besong vs Edward Ako ; Bate Besong vs Talla Kashim, Bate Besong vs Ndumbe Eyoh, etc.[32] Et la réponse de Bate Besong à cette question que je lui ai posée à l’occasion d’un entretien pour la revue Africultures évoquée plus haut ne semble point indiquer la voie…
En attendant, l’écriture camerounaise d’expression anglaise est cruellement peu présentée, mal représentée et parfois carrément exclue de nombre d’instances qui concourent directement ou indirectement à la reconnaissance autonome de toute littérature nationale : les prix littéraires, les programmes scolaires, les colloques scientifiques, les séminaires, etc. Au contraire, et selon l’une des figures de proue de cette « littérature alternative »,
“Thus, while [the Anglophone writer] has won honours and literary prizes abroad, under a wastrel and nepotistic landscape, he is condemned to the ghetto of humiliation, physical abuse, and kidnappings… His name is anathema. And, like in North Korea, he meets the President’s men, even in the air he breathes!”[33]
Cette position entre la marge et le ghetto pourrait sans doute être interprétée comme une « autre » preuve de l’échec de la politique culturelle post coloniale du Cameroun si ce n’est tout simplement celle de « l’unité » ou de « l’intégration » nationales, slogans respectifs des régimes politiques successifs de Yaoundé, comme le laissent entendre nombre de textes. Elle pourrait même être perçue comme la traduction effective du désir de l’ordre post colonial camerounais de faire fi de l’héritage culturel du près du tiers de ses populations…
En tout état de cause, la décentralisation administrative du Cameroun qui semble avoir commencé par la création des universités d’Etat à l’intérieur du pays confère à l’Université de Buea, seule université « de tradition anglo saxonne » (dixit le décret de création)[34], par la force des choses, plus qu’une mission herculéenne ou messianique, mais un véritable challenge.
Notes sur l’auteur:
Diplômé des universités de Yaoundé, Stendhal (Grenoble 3) et de Franche-Comté à Besançon, Pierre Fandio est professeur qualifié du CNU. Il enseigne depuis 1993 la littérature comparée, la littérature africaine et les études françaises à l’université de Buea au Cameroun. Auteur d’une cinquantaine de communications scientifiques, il a aussi contribué à des ouvrages collectifs dont Dictionnaire des œuvres littéraires négro africaines d’expression française au sud du Sahara, Vol. II (1996); Les Littératures africaines : transpositions ? (2002); La Littérature camerounaise depuis l’époque coloniale. Figures, esthétiques et thématiques (2004) ; Anthologie de la littérature camerounaise (2006), Enseigner le mode noir. Mélanges offerts à Jacques Chevrier (2008 : En collaboration avec Bernard Lecherbonnier, Jean François Durand et Edmond Jouve), etc. Il est l’auteur de La Littérature camerounaise. Grandeurs, misères et défis (2006), Figures de l’histoire et imaginaire au Cameroun (2007) et de Amadou Koné. La littérature ivoirienne entre narrations et tradition (2009). Son essai, Les Lieux incertains du champ littéraire camerounais. La postcolonie à partir de la marge, est sous presse. Lauréat du Programme de Mobilité de l’Agence Universitaire de la Francophonie 2007/2008, Pierre Fandio qui est en aussi directeur du Groupe de recherche sur l’Imaginaire de l’Afrique et de la Diaspora de l’université de Buea, édite actuellement un ouvrage collectif intitulé Exils et migrations postcoloniales. De l’urgence du départ à la nécessité du retour. Il est Membre fondateur du « Collectif des chercheurs sur les littératures au Sud » de l’Agence Universitaire de la Francophonie et ses recherches récentes portent aussi sur les cultures populaires contemporaines.
[1] Une polémique non encore résolue oppose autant les créateurs que les critiques sur le sujet. Les uns préfèrent « Cameroon Literature in English » alors que d’autres parlent de « Cameroon English Literature », d’autres encore ne jurent que par « Cameroon English Writing ». On peut consulter à ce sujet notre entretien avec Bate Besong dont les versions française et anglaise sont consultables gratuitement sur les sites respectifs de Africultures et Batebesong.com, ou alors en version papier dans Africultures N° 60, juillet –septembre 2004 et Ala Bulletin Vol. 30 N° 2, Fall 2004 /N° 31 Winter 2005, pp. 90-104 et
[2] Lire Pierre Fandio, « Comment peut-on être écrivain camerounais … de langue anglaise ? » Cameroun : la culture sacrifiée. Africultures N° 60, juillet –septembre 2004, pp. 46-54
[3]Lire Pierre Fandio, « Enseignement des langues étrangères et problématique de l’intégration nationale en Afrique post coloniale : le cas du Cameroun », Bulletin francophone de Finlande n° 9.
[4] Les choses ont radicalement changé depuis le milieu des années 80. Et si depuis 2003, le gouvernement dans le cadre de la « lute contre la pauvreté » parle de « la gratuité de l’enseignement primaire », il s’agit, bien souvent dans la pratique, de la démission pure et simple des autorités qui semblent avoir ainsi trouvé le moyen d’abandonner les écoles aux parents d’élèves qui sont obligés de tout prendre en charge : de la construction à l’équipement des salles de classe au recrutement et des enseignants dits « vacataires »…
[5] L’école publique et gratuite est absente du paysage scolaire colonial anglais, contrairement à la zone sous influence française, comme on vient de voir plus haut.
[6] L’Enseignement catholique au Cameroun 1890-1990/Catholic Education in Cameroon 19890-1990, une publication du centenaire, Rome, 1993.
[7] Nalova Lyonga and Bole Butake, “Cameroon Literature in English: An Appraisal”, Abbia 38-39-40, p. 198.
[8] Pierre Bourdieu, Sur la télévision, Paris, Liber/Raison d’agir, 1996, p.16.
[9] Bien de Camerounais ont été internés dans des Centres de Rééducation Civique (sorte de goulags tropicaux) pour moins que cela, ainsi que nous l’a révélé Célestin Lingo, ancien détenu politique, lors d’un entretien en 2005, dans le cadre de notre ouvrage, Figures de l’histoire et imaginaire au Cameroun Actors of History and Artistic Creativity, Paris, L’Harmattan, 2007.
[10] Cité par Abel Eyinga, Introduction à la politique camerounaise, Paris, l’Harmattan, 1984, p. 283-284.
[11] Stephen Arnold, « Orphelins à la recherche de leur identité », Notre Librairie N° 99. Littérature camerounaise 1, Paris CLEF, 1989, p. 105
[12] Explicité par Robert Escarpit, La Révolution du livre, UNESCO/ PUF, Paris, 1969.
[13] The Banquet est justement le titre d’une des pièces de théâtre de Bate Besong.
[14] Pierre Fandio, “Anglophone Cameroon Literature at the Cross Roads: An Interview with Dr Bate Besong”, Ala Bulletin Vol. 30 N° 2, Fall 2004 /N° 31 Winter 2005, pp. 90-104.
[15] Bate Besong, “Ontogenesis of modern Anglophone Cameroon drama and its criticism: Excursus”, Voices. The Wisconsin Review of African Languages and Literatures, Spring 2002, Issue 5.
[16] S.A. Ambanasom, “Pedagogy of the deprived: a study of the palys of Victor Epie Ngome, Bole Butake and Bate Besong”, Epasa Moto Vol.1 N° 3, October 1996, Buea, University of Buea, p. 219.
[17] “The Town Crier ‘s Omen“ est le titre d’un poème de Gahlia N. Gwangwa’a, Cry of the Destitute, op. cit., p. 16.
[18] Pierre Fandio, “Anglophone Cameroon Literature at the Cross Roads: An Interview with Dr Bate Besong”, Ala Bulletin Vol. 30 N° 2 Fall 2004 /N° 31 Winter 2005, pp. 90-104
[19] Gahlia N. Gwangwa’a, “In Search of my People”, Cry of the Destitute. Limbe, Nooremac Press, 1995, p. 22.
[20] Gahlia N. Gwangwa’a, Cry of the Destitute, op. cit., p. 18.
[21] Gahlia N. Gwangwa’a, Cry of the Destitute, op. cit., p. 46.
[22] Le même portrait est régulièrement repris et caricaturé dans le théâtre populaire. J’en parle brièvement au chapitre suivant, ici même.
[23] Mongo Beti, Main basse sur le Cameroun. Autopsie d’une décolonisation Paris, Maspéro, 1972.
[24] On peut lire un historique de cette étiquette dont les Camerounais anglophones affublent leurs compatriotes de l’autre côté de la Mungo River dans l’article de Edward Ako, “Nationalism in recent Cameroon Anglophone literature,” Epasa Moto Vol.1 N° 1 N° 4, June 2001
[25] Gahlia N. Gwangwa’a, “Frogs with us”, Cry of the Destitute, op. cit., p. 23.
[26] Cité par S.A. Ambanasom, “Pedagogy of the deprived: a study of the plays of Victor Epie Ngome, Bole Butake and Bate Besong”, Epasa Moto Vol.1 N° 3, October 1996, Buea, University of Buea, p. 219-220.
[27] Bole Butake, « Cameroon literature in English », Notre Librairie N° 99. Littérature camerounaise 1, Paris, CLEF, 1989, p. 103.
[28] Lire à cet effet le chapitre 5, ici même.
[29] On se souvient ici que l’édition, après le cinéma, est l’investissement le plus risqué.
[30] Ambroise Kom, « Conflits interculturels et tentations séparatistes au Cameroun », Cahiers francophones d’Europe Centre-Orientale 5-9, Y a-t-il un dialogue interculturel dans les pays francophones ? Acte du colloque International de l’AEFECO Vienne 18-23 avril 1995, Tome 2 » Pécs/Vienne, 1993, p. 146.
[31] Pierre Bourdieu, « Le champ littéraire », op. cit.
[32] Lire par exemple Peter Abety, « The Literary Podium and the Political Pulpit: Medium and Message in Anglophone Cameroon Drama, » Epasa Moto Vol.1 N° 2 October 1996 ; Bate Besong, « The Limits of Manichean Vision and the Egoist Hero in Post Colonial Bourgeois Theatre », Epasa Moto Vol.1 N° 1 N° 4, June 2001; Edward Ako, Nationalism in Recent Cameroon, Anglophone Literature, 2001, Moto Vol.1 N° 1 N° 4, June 2001; Pierre Fandio “Anglophone Cameroon Literature at the Cross Roads: An Interview With Dr Bate Besong”, Ala Bulletin Vol. 30 N° 2 Fall 2004 /N° 31 Winter 2005, pp. 90-104
[33] Pierre Fandio, “Anglophone Cameroon Literature at the Cross Roads: An Interview with Dr Bate Besong”, Ala Bulletin Vol. 30 N° 2 Fall 2004 /N° 31 Winter 2005, pp. 90- 104.
[34] Le récent décret de décembre 2010 qui crée l’université de Bamenda, la deuxième de la zone anglophone du pays, n’est pas aussi explicite sur le sujet, contrairement à celui qui crée l’université de Buea de 1992.