C’est dans ce lieu magique qu’est l’ancien Hôtel de Caumont rénové par Culturespaces que l’on peut voir jusqu’au 8 octobre une exposition retraçant la longue carrière de Max Ernst (1891-1976). Parcours passionnant d’un artiste souvent considéré comme le peintre et sculpteur surréaliste par excellence. Ne disait-il pas, paraphrasant Breton, « L’identité sera convulsive ou ne sera pas » ! Il disait aussi « Nageur aveugle, je me fis voyant », ou encore « Ma manière de voir n’est pas uniquement une perception des apparences, mais aussi, et surtout, une prise de position spontanée, présentée sous forme d’images précises ou confuses, desquelles la farce, l’ironie et la signification plus profonde ne sont pas exclues »i.
De fait, après un apprentissage dans son Allemagne natale puis la guerre au sein de l’armée de son pays (il fut blessé deux fois), Ernst s’installe en 1922 à Paris (« Trente ans d’Allemagne c’est bien assez ! ») où il fréquente le groupe des surréalistes, participant activement aux séances d’hypnose. En 1929, il publie La femme 100 têtes, premier manifeste proprement visuel du surréalisme. Lorsqu’éclate la deuxième guerre mondiale, il est interné au camp des Milles avec d’autres artistes allemands. En 1941, il part pour les États-Unis en compagnie de Peggy Guggenheim qui deviendra sa troisième épouse. En 1953, Ernst, désormais marié à Dorothea Tanning, s’installe à nouveau en France. Il obtient la nationalité française en 1958 et demeurera dans son pays d’adoption jusqu’à sa mort, à Paris.
Max Ernst a beaucoup expérimenté, par exemple le collage, le grattage, la décalcomanie, des techniques dont témoignent plusieurs œuvres exposées à Aix, comme La Piéta ou la révolution la nuit (1923) qui montre ce qui semble être un père tenant son fils dans les bras. Le père, à genoux, ferme les yeux, tel celui qui entre en lui-même pour découvrir les secrets de son âme.
On ne passera pas ici en revue tous les aspects de cette œuvre si variée et qui connut plusieurs périodes mais l’on ne saurait faire l’impasse sur les sculptures qui révèlent un Max Ernst très différent du peintre. Alors que ce dernier peut se montrer sombre et tourmenté dans des toiles souvent très travaillées, à l’exemple de Forêt et colombe (1927), c’est l’ironie et la simplicité qui dominent dans les statues de facture naïve. Ainsi Le Roi jouant avec la reine (1944) montre-t-il un personnage cornu, la tête carrée, visiblement en train de jouer aux échecs comme on le voit d’après les pièces alignées devant lui (Ernst a conçu des jeux d’échec entiers). Est-il pour autant en train de déplacer la pièce représentant la reine, à sa droite, comme l’indique le titre ? Il semble plutôt qu’il l’ait déjà prise puisqu’il ne la tient pas en main. Et il n’est pas difficile d’imaginer que ce roi n’est autre que la métaphore d’Ernst lui-même qui savait si bien jouer, dans la vraie vie, avec les reines de son cœur.
Max Ernst, mondes magiques, mondes libérées, Hôtel de Caumont, Aix-en Provence du 4 mai au 8 octobre 2023.
iToutes les citations de cet article sont tirées du catalogue de l’exposition, Hazan et Culturespaces, 2023, 192 p., 29,95 €.