Scènes

Avignon 2015 (10) : Dennis Kelly – « Love and Money »

love_and_money_avignon_off_2015Dennis Kelly est un dramaturge anglais né en 1970. Sa pièce Love and Money (2006) est sans doute la plus connue à ce jour. Créée en France au Rond-Point par Blandine Savatier, elle fait l’objet d’une nouvelle production par une compagnie de Mulhouse dans une mise en scène d’Illia Delaigle avec sept comédiens. Le titre est trompeur : il est beaucoup plus question de dépenses compulsives, de surendettement, de course à l’argent que d’amour, même si ce dernier, naturellement, n’est pas totalement absent dans cette pièce qui, en dépit de ses apparences un peu folles, se veut une peinture à peine caricaturale de la condition de l’homme (et de la femme) moderne.

L’intérêt de la pièce n’est pas dans le sujet, plus que convenu, mais dans la manière dont il est traité. Avec un coup de théâtre qui intervient dès la fin du prologue, un prologue qui semble interminable et visiblement destiné à agacer mais justifié par sa conclusion. La pièce qui raconte l’histoire d’un couple est construite à l’envers, commençant par la dissolution du mariage dans des circonstances qu’on ne peut absolument pas relater ici et se clôturant par la noce. Après le prologue occupé par le seul mari, interviennent les autres comédiens qui sont restés jusque là parfaitement immobiles, attablés devant les restes d’un banquet. On verra ainsi le père et la mère de la mariée, une chef d’entreprise et son acolyte qui font passer un entretien d’embauche au mari, et ce n’est qu’ensuite qu’apparaîtra une jeune fille qui tient des propos plutôt décousus et dont on ne comprendra pas immédiatement qu’il s’agit de la femme du couple.

Si tout n’est pas au même niveau dans le texte comme dans l’interprétation, on ne s’ennuie jamais et il y a de très bons moments, méritant à eux seuls qu’on aille voir cette pièce. On citera en particulier la scène de la banque, qui se termine par un ballet délirant, balayant les quelques interrogations qui, parfois, saisissent les banquiers lorsqu’ils réfléchissent à ce qu’est véritablement leur métier, surtout lorsqu’il s’agit de soutirer de l’argent à de pauvres gens. Une mention spéciale à la banquière : elle brûle les planches.

Du vrai théâtre contemporain tel qu’on l’aime.