Créations

Nous voici dans le nombre

Nous voici dans le nombre

 Nous voici dans le nombre. Un rire au coin du soir nous saisirait de ses bras émerveillés pour nous dire l’effluve des oiseaux, or nul n’est venu depuis ce cri âcre de soie déchirée, dans l’apesanteur feutrée le verbe inachevé s’isole serti de feuilles sèches comme à l’ombre profonde d’un manguier en pleine canicule. Et le cri colore la terre de son odeur de pétale et nos joues en sueur font œuvre d’allégorie. Pleure si c’est la brise qui ordonne ce très long vertige. Le chœur du ciel se presse au dos des anges avant qu’ils ne prennent leur envol, comme autant de fleurs écrites et aussitôt happées par la page du jour se refermant au livre de nos cœurs. Pleure si c’est le soir naissant qui ordonne la brume de tes larmes. Je peins de mots la voûte étrange et sombre de la solitude, pourtant elle me tient chaud lorsque l’hiver mange la porte des rêves et il semble que l’étreinte jamais ne viendra comme une consolation. Il fait simplement froid mais cela n’empêche pas les fleurs de clignoter dans leur bain de mousse bleue. Il y aura encore des insectes ourdis contre le bruit confus des flots et par là, un peu plus loin, une tache de lumière, une tache se découpant contre le ciel intérieur de l’attente, et je trace du doigt un énième son sur le rebord du vide.

 

On ne quitte pas une île 

On ne quitte pas une île/ On ne quitte pas une île comme on quitte une amante/ Quand on est né d’une île on a pour toujours le cœur assigné à résidence/ On ne quitte pas une île/ Elle vous dévore de l’intérieur comme un très beau cancer aux montagnes ciselées de brume/ On aura beau brûler les effigies/ l’île vous habite/ Comme un assassin qui revient toujours sur les lieux de son crime on ne quitte pas une île/ Car l’île/ c’est comme une évidence avec la mer autour

 

Cariatide 

Les odeurs de ma terre pousseront encore dru dans le foin de mes veines/ Même si je carbonise les mots à force de dire que ce n’est pas grave/ même si je défie la conque des anciens volcans/ même si je fais semblant de dire que le jour est ailleurs/ que je n’aime que le vent/ La volonté carnivore de lui survivre je la porte gravée en un tatouage qui défait la nuit/ Je revêts sa grande peau de loup/ Je l’érige/ cariatide de mes errances contraires

 

 Personne ne viendra 

Personne ne viendra replier la mer-couteau qui décline ton horizon de sa lame d’argent inverser la brume personne ne viendra t’apprendre le vol blanc du paille-en-queue ivre de mer et d’azur personne ne viendra écrire l’anthologie de ces silences baigner la mémoire nue au fleuve du bonheur graver l’oubli parchemin de nouveaux possibles personne ne viendra ceindre de papier le corps des rêves bercer le sommeil de plume de la lune qui se fane personne ne viendra labourer la boue des jours pour y semer des poissons-clowns dans la ravine poignardée par un arc-en-ciel personne ne viendra faire prendre envol aux rêves personne ne viendra personne ne viendra personne ne viendra personne ne viendra personne

 

Désertification du cœur

Des cratères de la lune il ne reste rien/ Certes de mon doigt à l’herbe c’est toujours la même distance/ Mais tu as dévasté quelque chose/ certainement dévasté/ La faim reste maîtresse/ à demi-mot/ la désertification du cœur se poursuit/ Des nocturnes s’approchent/ je n’en vois pas le sens/ Et pourtant il est là/ tapi/ l’œil du guetteur fauve lacérant le silence/ Virtuose des heures qui défilent/ se fracassent/ s’effritent sur la peau/ Cette peau que tu hantes/ que tu morcelles/ morcelles de tes baisers absents

 

 Ce fut

Dans l’écume écarlate des rêves/ je mâche une autre solitude/ une décadence nouvelle sur les chemins du cœur/ Ce fut toi/ lorsque bannie des royaumes du jour naissant la passion m’emportait/ Qu’il y eût un prix à payer nul ne l’ignore/ Nul ne guerroie avec son destin sans risquer une place de choix au banquet des fulgurances/ Tu restes ce regret amer dont mon cœur a besoin pour vivre

  

 Illusion

 Cartographiés dans le reflet somptueux de la nuit cinq étoiles/ nous aurons d’autres souvenirs/ d’autres précieux entractes au réel incarné de l’absence/ Mais si je m’éprends clarté de tes ravines amères/ ne laisse pas mon cœur mordre à ton songe ardent/ aux âpres calligraphies de ton silence/ qui mène à la poussière

 

 Noue une seconde chance

Noue une seconde chance/ à la ceinture de nos rêves/ Effeuille le souvenir du soir/ à ras de mer pour mieux secouer/ les bras ballants du conteur de sources/ Ma peau-tambour résonne du songe de tes doigts/ Délit de cœur fragile/ qui fugue à dos d’étoile/ se revêt de la peau bleuté des grands arbres/ et donne ses ailes à l’aurore

 

Quelque part entre lune et volcan

Souveraine mélancolie perce ses tunnels dans l’épaisseur des tempes/ Ordonne un très ancien vertige/ Ivresse des profondeurs pour ramener à la surface de pleins filets de lune/ Alors/ cadencer la cendre/ se dessaisir de l’inoubliable/ Et repartir libre vers le large.