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Léna

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  La jeune femme, tchèque par ses origines, française par sa culture, possédait un hôtel de brousse, à une demi-journée de la ville où il résidait avec sa famille. Dans ce pays très pauvre, les routes étaient mauvaises, les hôtels rares et la nature somptueuse. Il s’y rendait souvent avec sa famille, aimant ce coin sauvage, ses plages de sable blanc sur un lac d’eau douce, à deux pas du canal séparé de l’océan déchaîné par un mince cordon de terre, “le nid du rêve”, Naka fy nony dans la langue locale. Ils s’y rendaient d’habitude en train, le vieux train brinquebalant construit pour les colons près d’un siècle plus tôt, et qui reliait la capitale en douze heures, 500 km plus loin et 1400 m plus haut. Mais pour atteindre le lac il suffisait de deux heures, plus le bateau qui venait les chercher jusqu’à la gare.

  Elle était venue passer la nuit chez eux en ville, et lui avait proposé de rejoindre avec elle son hôtel par la piste, un itinéraire beaucoup plus long, compliqué et aventureux. Naturellement il avait sauté sur l’occasion, attiré par l’entreprise et les paysages de forêts et de collines déserts qu’il fallait traverser, mais surtout parce qu’il était depuis leur première rencontre secrètement amoureux de cette femme, Léna, la belle hôtelière. C’était une blonde superbe, dans les vingt-cinq ans, sportive, souple mais bien en chair, une plante magnifique, une super-nana ; et en même temps efficace, dynamique, responsable, franche comme l’or, ayant mûri vite sous le poids de l’organisation qu’elle avait à gérer, son bushhouse perdu dans la brousse, où toute entreprise, depuis l’électricité jusqu’à l’eau potable, était un problème difficile à résoudre. Il fallait avec des infrastructures totalement inexistantes accueillir dans des conditions de confort européen des touristes venus surtout de France et d’Allemagne, et leur proposer sports modernes et excursions écologiques vers la flore et la faune (lémuriens et crocodiles surtout).

  Il laissa donc femme et enfants, en les assurant d’un prompt retour, et partit le matin avec la jeune femme. Leurs amis avaient vu cette expédition d’un œil un peu suspicieux et prévenu son épouse contre les risques qu’elle prenait en le laissant partir avec une femme aussi séduisante. Elle ne fit cependant rien pour l’en empêcher, voyant dans ce voyage plus une chance de découverte pour lui, qu’un risque pour son ménage.

  Après quelques heures de voiture, ils quittèrent la route principale pour s’engager dans la piste où plus aucune indication ne permettait de savoir la direction. Mais Léna connaissait bien le chemin et il n’avait qu’à profiter du spectacle de la nature, le soleil rasant et les restes de la forêt primaire de la côte Est.

  La proximité de la jeune femme cependant, ses gestes souples, son corps parfait et sensuel, ramenèrent vite son attention vers la gauche. Il l’examinait à la dérobée, l’admirant et la désirant à la fois. La distance qui les séparait se chargea sans doute d’un courant érotique, et ils ressentirent tous deux une gêne, il pensait à son corps et elle savait à quoi il pensait. Rompant le trouble et profitant d’une ligne droite, il posa enfin la main sur la sienne, reposant sur le levier de vitesse. L’avance était faite, la balle avait changé de camp. Elle ne retira pas sa main et le regarda en souriant, puis ralentit et arrêta la voiture sur la piste déserte. Personne ne risquait de les surprendre, ils étaient en ce désert végétal dans une intimité aussi totale que d’autres au milieu de la nuit dans leur chambre conjugale bourgeoise. Légèrement abasourdi et grisé, il se rapprocha d’elle et l’enlaça. Sa bouche était d’une douceur incroyable, un léger goût mélangé de groseille, de mûre et de framboise qui le fit fondre instantanément, et son corps élastique, souple et ferme le mit au bord d’un tremblement presque incontrôlable : et sans doute était-il, à cet instant, dans l’état le plus proche du bonheur. Ils s’embrassèrent longuement, cherchant leur langue et mêlant leur salive. De sa taille, il remonta vers la poitrine et enserra un sein rond et plein à travers l’étoffe légère. Il glissa sa main dans l’échancrure du corsage et dégrafa les boutons, pour contourner le buste de la jeune femme et délier son soutien-gorge. L’étoffe serrée relâcha sa tension et il revint caresser les seins à nu, du mamelon gonflé à la masse lourde. Leur baiser avait cessé et il se perdait dans le cou et les mèches de la jeune femme. Il sentit son souffle s’accélérer sous la caresse de ses tétons, et il accentua sa pression… Elle faillit perdre le contrôle et effleura la bosse qui gonflait le pantalon de l’homme, prête à libérer le sexe pour lui rendre sa caresse, mais elle se ressaisit au dernier moment et le repoussa doucement, indiquant le soleil qui baissait au-dessus des collines. Il fallait reprendre la route pour arriver avant la nuit. Ils se rajustèrent et finirent la piste en silence, excités l’un et l’autre, exaltés par cet amour et ce désir naissants, le début d’une liaison, le moment le plus précieux, la plus grande aventure d’un homme ou d’une femme, toujours différente, toujours exaltante, le plus grand bonheur de l’existence.

  Au bout de la piste, le bateau les attendait et ils arrivèrent au bushhouse, à l’autre bord du lac, où les quelques clients étaient en train de dîner : un groupe de touristes allemands sac à dos qui accueillirent la jeune femme à grands cris, avec probablement un concert de louanges sur le site, l’hôtel, l’ambiance et la douceur de la nuit tropicale. Les lémuriens rôdaient et les jeunes employées malgaches s’activaient dans la cuisine rustique. Il s’échappa en pensée car il n’entendait rien à l’allemand, et se contenta d’observer avec ravissement la jeune femme, la jeune patronne qui jouait son rôle d’hôtesse avec aisance et gaîté. Il passa ainsi le repas dans une espèce de brume de béatitude, bercé des sons gutturaux et fasciné par la beauté vivante, animée, proprement incroyable, de cette blonde.

  Vers onze heures, il se retira dans la case surplombant le lac, sous les filaos et les eucalyptus et toutes les espèces inconnues de la forêt primaire. La lune éclairait l’eau calme, la température de l’air devait avoisiner les 24°, et une brise douce apportait dans la pièce tous les effluves de la nuit. Il relut cette phrase d’Alvaro Mutis, dans la Dernière escale du Tramp Steamer, un livre qu’il venait de terminer :

Il est peu de plaisirs comparables à celui de couper l’air conditionné, de s’allonger sur le lit protégé des moustiques par un pavillon de tulle qui avait alors quelque chose de cérémoniel et d’impérial, et de laisser entrer la nuit avec ses arômes qui voyagent sur les vagues déferlantes d’une chaleur humide, caressante, presque génésique.

  Il savait qu’elle viendrait et il se prépara en prenant une douche, froide dans cet hôtel sans confort mais ô combien attachant et cher entre tous à son cœur ! Il y avait un système original pour fournir de l’eau chaude, écologique mais pas très efficace, rappelant les fantasmes de Paul Théroux dans son Mosquito Coast. Le tuyau d’eau arrivant à la douche passait à l’extérieur dans une espèce de poêle chauffé au bois. Il fallait d’abord appeler le gardien, homme à tout faire de l’hôtel, qui lançait le feu. Puis on laissait couler l’eau froide qui chauffée par les flammes au niveau du tuyau arrivait légèrement tiède après une demi-heure d’efforts et de patience ! La nuit évidemment, il fallait s’en passer et se doucher à l’eau froide, ce qui n’était guère un problème sous ce climat.

  Il se recoucha, nu, frais et dispos, sous la moustiquaire, et laissa son esprit vagabonder, bien trop excité pour commencer le nouveau livre qu’il avait apporté. Il éteignit enfin, obsédé par Léna et le souvenir de leur première étreinte, dans l’impatience de son désir.

  Vers une heure, elle arriva enfin, échappant à l’attention de tous et il la vit dans la pénombre soulever la moustiquaire pour s’asseoir sur le bord du lit. Elle porta la main à son visage et le caressa, puis elle descendit vers sa poitrine et le massa légèrement, abaissant le drap vers son ventre. Le sexe tendait l’étoffe et elle la descendit plus loin, le faisant apparaître dans sa glorieuse érection. Mais elle l’évita tout d’abord et caressa tout autour, ses cuisses, ses hanches, son ventre. Sa main légère effleurait la peau, ses ongles crissaient tendrement sur sa chair, tandis que le phallus surexcité se tendait et devenait de plus en plus rouge. Elle précisa ses caresses, effleurant les bourses, touchant le pubis, passant dans les poils en écartant leurs mèches emmêlées. Toujours habillée, elle le découvrit tout entier dans sa nudité. Enfin le dos de sa main toucha le sexe de l’homme et elle l’agaça ainsi à plusieurs reprises, chaque fois plus près et plus fort. Il n’en pouvait plus, et quand enfin elle le prit dans sa paume, il se sentit proche de la délivrance. Elle enserra la hampe de la verge et commença le mouvement immémorial de va-et-vient, recouvrant le gland du prépuce et faisant apparaître des gouttes de plaisir. Ses doigts agiles s’en emparèrent, glissant à vif sur le gland, puis l’enserrant en faisant rejaillir la mince couche de peau vers le bas. Dans son excitation, il émettait un liquide plus abondant que la jeune femme utilisait pour une caresse plus longue. Elle accéléra le mouvement, et il sentit qu’il allait se libérer. Impossible de s’arrêter, car l’adresse de la fille était trop grande, son désir à lui trop longtemps contenu, il sentit aussi qu’elle voulait le voir éjaculer sous sa pression savante. Il vint rapidement en longs jets qui allèrent jusqu’à son visage pendant qu’elle continuait le mouvement en ralentissant progressivement. Un peu mal à l’aise, comme toujours après l’éjaculation, il chercha un kleenex pour s’essuyer, ainsi que la main de la jeune femme, luisante de sa semence.

  Elle s’allongea à ses côtés et ils parlèrent enfin, revenant sur leurs relations passées, leurs regards complices et amicaux depuis le début, leur chute finalement dans une sensualité qu’ils avaient acceptée l’un et l’autre. Il sentit bientôt son désir revenir, il se tourna vers elle pour dénuder enfin son corps de jeune walkyrie. Il dénoua le corsage, dégrafa le soutien-gorge, faisant apparaître des seins gonflés, magnifiques, qui reposant dans leur cavité n’en dégageaient pas moins une masse épanouie de plénitude superbe. Prenant l’un d’eux dans sa paume, il embrassa la jeune femme longuement, puis en même temps dégrafa son jean et s’efforça de le faire glisser sur ses hanches. Elle dut le repousser pour faciliter la tâche et retirer en même temps son slip. Elle était nue enfin à ses côtés et il caressa sa toison, écarta ses cuisses et entreprit un lent mouvement sur son sexe déjà mouillé et ouvert. Il abaissa son visage vers lui et entre les jambes de la jeune femme colla sa bouche en son milieu. Sa langue allait et venait dans les replis humides, montant enfin vers son clitoris, pendant qu’il introduisait deux doigts dans le vagin et en caressait le pourtour intérieur. Il saisit dans sa bouche le tendre bouton et commença à le lécher, le suçoter, l’aspirer de toutes les façons possibles. La jeune femme haletait de plus en plus vite, et après un moment, il la sentit se raidir enfin de tous ses membres, et jouir à fond soufflant comme une forge, tout en crispant une main dans ses cheveux, avec des paroles incompréhensibles dans un rauque de fin du monde. Elle se détendit et il la surmonta, guidant son propre sexe tendu et luisant vers l’ouverture généreuse. Quand il la prit, remontant vers le fond, jusqu’au bout, il sentit le vagin l’enserrer. Il commença alors à aller et venir en elle, pendant qu’elle entourait l’homme de ses jambes et les nouait au-dessus de ses fesses. Il allait en elle, de plus en plus fort, et elle accueillait ses secousses comme on reçoit le Messie. Il se sentit à nouveau près de l’orgasme et se laissa aller, dans un plaisir renouvelé, plus fort que le précédent, venant de cette fusion avec une femme qu’il croyait aimer déjà. Il jouit à nouveau en longues rafales qui le laissèrent tremblant, haletant et le cœur battant à tout rompre.

  Ils passèrent la nuit ainsi à faire l’amour de toutes les façons possibles. Il la prit par derrière abuté contre ses fesses incroyablement rondes et pleines dont la seule vue, la seule possession entre ses mains, le firent jouir à nouveau dans un plaisir inouï. Une autre fois, elle se mit à quatre pattes sur le lit et il la prit debout par derrière, faisant venir sa croupe par mouvements rapides, saccadés, la tenant à la taille et flattant par moment ses seins qui tressautaient, ballants, au rythme de la pénétration. Il voyait son sexe tel un court serpent s’enfoncer entre les fesses de la jeune femme, et cette vue le faisait mettait au bord d’un nouvel orgasme, plus lointain cependant, plus lent à venir avec la fatigue.

  Ou encore, elle le fit allonger sur le dos et se retournant, elle l’enjamba en présentant ses fesses à son visage et assoyant alors sa vulve sur la bouche du mâle. Il la léchait, s’enivrant de ce sexe offert où il pouvait butiner toutes les senteurs de l’amour et de la femme. Dans cette position elle se penchait elle-même sur le sexe dressé, commençait à lécher le gland et passer la langue sur tout son pourtour enflammé, avant de le faire rentrer dans sa bouche, jusqu’au fond, et d’entamer un mouvement de succion qui lui faisait voir des étoiles. Il jouit encore une fois, cette fois tout au fond de la gorge de la femme. Elle déglutit pour avaler le sperme, abandonnant le membre dégonflé.

  La nuit avançait, et le lit était comme un creuset surchauffé. Ils s’endormirent un moment les membres emmêlés jusqu’à ce que les premiers rayons, “l’aurore aux doigts de rose”, les réveillent. Encore somnolents, ils s’étreignirent encore. Il pensait tout aimer de cette femme, de ses cheveux à sa toison, de ses seins à sa vulve, de sa tête à ses pieds, il la voulait, elle était sa déesse, plus pure qu’une sainte. Il n’imaginait pas qu’il fût possible de la posséder brutalement, comme il avait fait avec tant d’autres. Elle était sa maîtresse, il admirait tout en elle, sa beauté, son caractère, son intelligence, ses connaissances. Elle était sublime : n’était-elle pas jeune, active, entreprenante, sportive (meilleure que lui sur planche à voile), pilotant sa moto telle une amazone ?

  Ils refirent l’amour au petit jour et quand il sentit son sexe écarter les bords humides du vagin et pénétrer doucement le conduit serré, une sorte d’extase s’empara de son être, il allait et venait doucement dans cette femme idéalisée et sentit monter un orgasme qui lui sembla ne plus pouvoir s’arrêter, durer des minutes entières… Elle le laissa enfin dans une odeur d’amour et de sexe, de sueur et de sperme, avec un dernier baiser avant de rejoindre son hôtel et un cortège de problèmes à régler.

  Il s’enfonça dans le lit, ne croyant pas qu’un tel bonheur fût possible. Il se mit à revivre avec un plaisir narcissique tous les événements depuis la vieille, comme s’il pouvait ainsi les graver pour toujours dans sa mémoire. Le soleil qui montait et réchauffait le lac, les bruits de la forêt, des lémuriens furtifs, le pépiement et le battement des ailes des oiseaux, les sombres crocodiles qu’il imaginait au loin, le sifflet du train de sept heures, tout concourait à provoquer en lui cette sorte de bonheur languissant que l’on ressent seulement sous les tropiques.