Tous mes rêves partent de la gare d’Austerlitz de Mohamed Kacimi
Six jeunes femmes dans une bibliothèque qui se racontent, inventent des histoires, entreprennent de jouer On ne badine pas avec l’amour et même organisent un réveillon de Noël. Quoi de plus banal ? Sauf que nous nous trouvons à l’intérieur d’une prison de femmes, ce qui implique que les histoires ne seront pas tout à fait les mêmes que celles qu’on se raconte d’habitude et que les comportements ne seront pas non plus tout à fait les mêmes. Car si les prisonnières, comme le rappelle l’une d’elles, n’ont jamais « rien fait » – par principe – qui puisse les conduire en prison, il faut bien quand même qu’il se soit passé quelque chose. Mohamed Kacimi a animé des ateliers d’écriture dans la maison d’arrêt pour femmes de Fleury-Mérojis. Autant dire que sa pièce ne sort pas de nulle part.
Au début, la responsable de la bibliothèque, prisonnière elle aussi, se trouve avec celle qui lui sert plus ou moins d’assistante. Celle-ci lui raconte son rêve, quasi identique à celui de la nuit d’avant et des nuits précédentes : dans un train qu’elle a pris à la gare d’Austerlitz, elle a rencontré un prince charmant. D’où le titre. Les deux femmes sont sans cesse interrompues par d’autres prisonnières, par exemple celle qui s’est fait voler ses Nike toutes neuves. Le reste est à l’avenant : ça entre, ça sort, ça s’engeule, ça se réconforte. On rit beaucoup. La comédienne qui interprète Perdican dans la pièce de Musset est désopilante. Ce qui n’empêche pas la gravité. Le peu qu’on apprend sur le passé de ces femmes nous donne en effet amplement matière à méditer sur la cruauté de certains destins
Tous mes rêves partent de la gare d’Austerlitz fait salle pleine à Avignon et si une pièce mérite d’être sélectionnée parmi les coups de cœur du OFF, c’est bien celle-là. Les personnages débordent d’humanité et l’interprétation laisse pantois. Menée par Marjorie Nakache (qui incarne la bibliothécaire), les comédiennes donnent tout ce qu’elles ont et nous voulons croire que quelque chose comme la thébaïde cafouilleuse montrée sur le théâtre peut exister, y compris dans une prison.
Solaris d’après Stanisla Lem
Solaris, grâce au cinéma en particulier, est le roman le plus célèbre de Stanislas Lem (1921-2006). Il décrit les mésaventures de trois astronautes en orbite autour d’une mystérieuse planète couverte par un océan protoplasmique. Lorsque Kelvin arrive dans la station, un contact vient enfin d’être établi, à la suite de quoi son ami l’ingénieur Gibarian s’est suicidé. On comprend assez vite pourquoi mais la planète n’offre pas à tous le mêmes « choses » et Kelvin, pour sa part, se montre fort satisfait de celle qu’elle lui a donnée, qu’elle lui a « rendue », croit-il. Les deux autres astronautes qu’il a découvert en piteux état à son arrivée ne l’entendent pas ainsi ; ils ne veulent que rentrer sur terre.
La réussite de la pièce tient d’abord au décor de Benjamin Gabrié et Suzanne Barbaud, aux costumes qui nous replongent dans une SF du milieu du siècle dernier. Des demi-cylindres translucides représentent les capsules spatiales, un parallépipède dont on ne verra jamais l’intérieur évoque un laboratoire de la station, le tout pouvant se déplacer pour créer de nouvelles configurations… spatiales sur le plateau. Une fumée rouge apparaît de temps à autre, manifestant l’humeur (bonne ou mauvaise ?) de la planète.
Il faut encore saluer le casting, en particulier le choix de Quentin Voinot (l’ingénieur Snaut). Débraillé, bedaine à l’air, il nous fait immédiatement comprendre, quand il apparaît devant Kelvin fraîchement débarqué, que quelque chose ne tourne vraiment pas rond dans la station. La M.E.S est de Rémi Prin.