Le soir, nous voici revenus
au bord des odeurs & des rites,
où les soleils rouges s’effritent,
en de la terre, un sol, roux, plus
que ça, couleur vieux sang, la terre.
Le frais, le blanc se découragent
à travers cette absence d’âge,
cette hausse de la matière.
Et tombant des hautes futaies
préoccupantes, le ton vert
dans son ombre même se perd
en conjectures malaisées.
Sur l’ocre jaune poussiéreux,
sur nous, en fin d’après-midi,
les rolliers d’Abyssinie
jettent leur éclairage bleu.
Et waouh, le jour vole en morceaux,
un jour entier, d’un bleu turquoise.
Des flux d’air nocturne se croisent
avec les éclats des oiseaux.
La nuit et la limpidité,
l’inquiétude et la transparence,
au ras de nos têtes relancent
un volatil chassé-croisé.
C’est une forme de supplique,
cet échange d’ombre et d’éclat,
où se rattache l’homme à soi,
à l’homme récent, l’archaïque,
vu que les diverses magies
du monde humecté là concernent
différemment la part moderne
et l’ancienne part en lui.
Pour ce que l’homme a de récent,
les feux d’herbes, les feux de brousse
font une crinière plus rousse
à ce vieux mâle de couchant.
Pour ce qu’il sent de primitif
en lui, l’éclairage des vols
d’oiseaux bleus rend fade le sol,
et le dernier soleil, furtif.
L’écorce terrestre battue
à la poursuite des senteurs,
avec chaque soleil qui meurt
revêt une couche de plus.
Suivre des yeux les rolliers,
les perdre, alors on se résigne
au bas d’un chagrin longiligne,
droit comme un tronc de rônier.
Le fleuve qui s’incurve prend
sur lui cet élan vertical
de l’humain et du végétal.
Ses reflets sont calmes et grands.
Lorsque le calme est bien certain,
sous la grande lune d’ivoire,
les bubales venant y boire
lapent ces reflets de chagrin.
Tout le tremblement de l’amour
ressemble au frisson de ces bêtes.
Leur langue rafraîchit nos têtes,
car leur soif est notre détour.
L’effroi sous la légèreté,
sous le blanc l’ocre et la souffrance,
dépassent toujours l’existence
à laquelle on avait songé.
Il y a dans l’ombre des choses
crues, et des gestes à refaire,
une cruauté qui s’avère
un violent désespoir de cause.
On y parle, y boit, mange, rêve,
urine, défèque, frissonne,
et danse, et toute la personne
humaine en beauté s’y achève.
L’homme ressemble aux fins du jour
où coexistent les deux astres,
le rouge et le blanc, le désastre
et la quiétude au frais contour.
Mais de quel recul infini,
de quelle ascendance, ou rancune,
vient le visage plat des lunes
que soulève l’ombre ashanti.
Issue de quelles ascendances
de poussière, de latérite,
l’ombre qui nous affligeait quitte
les replis de sa malfaisance.