À en juger par ses cris perçants, ses pleurs, ses petits poings serrés, le nouveau-né arraché au rien, quand il déboule dans le monde, vu ses protestations rageuses, n’a rien d’un soumis. Comment va-t-il éventuellement le devenir, lui, voire son pays, un peuple tout entier ? Des écrivains, des philosophes, se sont penchés sur la question (Discours de la servitude volontaire de La Boétie, Soumission de Michel Houellebecq). En une époque agitée où croît la menace populiste, l’appel à une Europe unie, démocratique, connaît quelques couacs qui ont de quoi inquiéter tous ceux qui sont attachés à la liberté d’expression, en premier les écrivains et les journalistes. Voici un récent de ces couacs que nous devons à une auguste institution européenne, la Cour européenne des Droits de l’Homme. L’affaire, étrangement, a peu trouvé d’écho dans les médias français. Notre attention a été attirée sur elle par une amie et collaboratrice d’Art Press, Houria Abdelouahed (1), psychanalyste d’origine marocaine, qui nous a signalé un article signé Sœren Kern, publié sur le site du Galestone Institute de New York, article qui livrait le déroulé et les conclusions des casuistiques acrobaties de ladite CEDH. Résumons. Lors d’un séminaire qui s’est tenu en Autriche, au Freedom Education Institute, une intervenante, Elisabeth Sabaditsch-Wolff, dans un débat sur les dangers de l’islam fondamentaliste, a suggéré que Mahomet, d’avoir épousé Aïcha à l’âge de 6 ou 7 ans (pré-pubère et lui, le Prophète, âgé de 56 ans), et d’avoir consommé le mariage quand elle a eu 9 ans, pourrait être considéré comme pédophile. Des plaintes ont été portées contre Sabaditsch-Wolff par un tribunal autrichien pour « dénigrement de doctrines religieuses ». Condamnée en première instance et en appel en 2011, l’inculpée a porté l’affaire devant la Cour européenne des Droits de l’Homme qui a confirmé le jugement des magistrats autrichiens, ses désignations étant, paraît-il, juridiquement contraignantes, pour vingt-huit des pays membres. En dépit de ses dénégations, la CEDH a ainsi légitimé le code islamique de la charia sur le blasphème, en considérant que Sabaditsch-Wolff devait être poursuivie dans le souci de « préserver la paix religieuse en Europe », et son arrêt la condamnant, rendu le 25 octobre 2018, étant justifié ainsi : « incitation à la haine », « propos ne relevant pas du droit à la liberté d’expression ». Ce qui ne manque pas de sel venant d’une institution dont le principe fondateur était de contribuer « à une Europe démocratique, dans laquelle les droits humains et les libertés fondamentales avaient une grande importance ». Est-il besoin de préciser que cet arrêt a été chaleureusement salué par l’OCI (Organisation de la coopération islamique). Une telle plainte n’aurait-elle pas dû, d’entrée, être repoussée pour la simple raison que l’incrimination de blasphème à quoi revenait la décision des participants à ce bal de faux-culs de la Cour de Strasbourg, n’avait en l’occurrence aucun sens ? Faut-il rappeler qu’il n’y a blasphème que commis au sein de la religion à laquelle on appartient. Seul un musulman, ou un chrétien, peut être reconnu coupable de blasphémer par ses pairs. Évidemment pas les journalistes de Charlie Hebdo, par exemple, qui conchiaient joyeusement le Saint-Père et Mahomet. Comment interpréter le comportement de ces juges européens ? Irresponsabilité devant la montée du fondamentalisme islamiste en Europe, plaisir masochiste de la soumission, lâcheté ? Ajoutons, pour compléter le désolant tableau : l’évêque de Vienne, dans le rôle de « l’idiot utile », portant le coup de grâce à la condamnée. Devant un pareil spectacle, toujours un désir d’Europe ? Ouais…
(1) Auteure de : Les Femmes du prophète, Seuil, 2016.