Une symbolique forte, des thèmes récurrents autour de la marche du monde, de la nature. Des histoires racontées par les anciens aux plus jeunes et qui se sont transmises depuis la nuit des temps.
Sous tous les cieux, la mythologie a prétendu apporter sa perspective aux questions existentielles des peuples. Gréco-romaine, aborigène, arctique, indienne, celtique, amérindienne, sumérienne, maya, nordique, égyptienne, slave ou touareg… Une multitude de récits différents pour une même finalité : la transmission de valeurs.
Quel que soit son origine, le profil de cette mythologie antique se dessine : la prise en compte d’un monde invisible, la présence de dieux, ou génies et de héros, pour une nature vibrante et habitée. Ces caractéristiques se déclinent en fonction des lieux, des peuples et une symbolique universelle riche et subtile.
De nos jours, Disney aurait de quoi être inspiré et ne s’est pas gêné avec le succès populaire qu’on lui connaît pour l’adaptation de nombreux mythes et légendes… Au cours de l’exercice fiscal 2018, la Walt Disney Company a généré un chiffre d’affaires total de 59,43 milliards de dollars américains et plus important, fait partie du quotidien de nombreuses familles à l’échelle internationale (I).
Le plébiscite des ouvrages des auteurs des Inklings parle également de lui-même :
Ce cercle littéraire informel de l’université de Oxford à partir de 1930, regroupe les auteurs de best sellers des deux derniers siècles : C. S. Lewis (L’épopée du Monde de Narnia, qui puise ses sources dans les mythes grecques entre autres), J. R. R. Tolkien (père des volumes du Seigneur des Anneaux, inspirés de la mythologie nordique).
L’Inde quant à elle, a tout de suite privilégié les épopées mythologiques pour la télévision et le cinéma, des adaptions de la Mahabharata jusqu’au succès mondial de « La Légende de Baahubali » en deux parties (2015 et 2017), produit simultanément en quatre langues – télougou, tamoul, malayalam et hindi, considéré comme l’un des films les plus chers et les plus rentables (II) du cinéma indien…
D’où proviennent ces mythes fondateurs source de tant d’inspiration ? Les passionnés ont pu remonter jusqu’aux tablettes les plus anciennes. Adaptées et réécrites à l’infini, à l’image de l’incroyable diversité des éléments constitutifs de cette planète, nos origines et notre évolution conservent pour beaucoup cette part de mystère qui permet la recherche ou l’imaginaire et l’inventivité. De ce fait, la multitude des personnages et des versions de ces mythes est censée éduquer celui qui les écoute ou qui les lit, à une ouverture d’esprit sans commune mesure avec différentes implications…
Une mondialisation des mentalités ? Certainement.
Pour Laurent Carroué, géographe français, la mondialisation n’abolit ni l’histoire, ni le temps, ni la mémoire des faits d’un côté, ni l’espace, ni les distances, ni les territoires, ni les sociétés et cultures de l’autre » (III). Elle est une construction systémique, la fois géohistorique, géoéconomique, géopolitique, sociale et culturelle.
Des Grecs installés sur le territoire indien, fabriquant des Bouddhas qui seront exportés jusqu’au Japon… Cela pourrait paraître familier et pourtant… C’est un exemple du commerce dit « au long cours » datant… de l’Antiquité ! Depuis, la commande peut se faire par téléphone ou internet.
De la lingua franqua, jargon parlé au 17ème siècle sur la mer Méditerranée composé de français, d’italien, d’espagnol et d’autres langues, qui s’entendait par les matelots et marchands de quelque nation qu’ils soient selon Antoine Furetière (1619 – 1688) (IV), lexicographe français, jusqu’aux illustrations mythologiques qui ornaient les plafonds du Versailles de Louis XIV (pour mieux exporter l’artisanat français), la prédominance culturelle de la mythologie implique-t-elle un état d’esprit ?
Au vu du succès des conventions et salons spécialisés internationaux consacrés aujourd’hui aux passionnés de Tolkien, de Star Trek, de mangas et de mythes de Bollywood ou de Disney… Sans doute.
Pour Aristote, « l’amateur de mythes est philosophe en quelque sorte, car le mythe est composé de merveilles »… (V)
Legba pour les Yorubas d’Afrique de l’Ouest, Athéna chez les Grecs, Hanuman en Asie… Trois exemples de guides pour plus de sagesse… Et dans ces mythes, les éléments de la nature toujours personnifiés se révèlent susceptibles : l’eau, l’air, le feu, la terre… Censés être respectés (l’écologie avant l’heure ?) pour ne pas subir de courroux…
Mais aujourd’hui, l’ancien raconte-t-il encore au coin du feu l’histoire du mythe fondateur de ce qu’il croit être les origines symboliques du soleil et de la lune ?
Après le raz de marée de la vague rationaliste propre au 19ème siècle (« qu’est-ce que Jupiter auprès du paratonnerre, et Hermès à côté du Crédit mobilier ? » se demandait Marx) (VI), la symbolique poétique du récit mythique semblait avoir fait place à un pragmatisme sans concession.
Ne plus respecter l’eau parce qu’elle est personnifiée (la diversité des êtres aurait visiblement ses limites), mais pour permettre l’utilisation raisonnée des ressources…
Au fil des époques et des continents, à la mythologie antique et aux vieux contes semblaient s’être substitués des histoires aux préoccupations plus terre à terre et une nouvelle morale… Semblait-il… Car en y regardant de plus près…
Pour de nouvelles générations, la mythologie et la notion de héros se sont transmises autrement.
Faut-il parler des mythes antiques qui ont inspiré J.K. Rawlings pour Harry Potter ? Georges Lucas déclare : « quand j’ai fait “Star Wars”, je me suis consciemment mis à recréer des motifs mythologiques classiques. Et je voulais utiliser ces motifs pour traiter des problèmes qui existent aujourd’hui ». (VII)
Amorcée timidement un peu avant le milieu du 20ème siècle, un renouveau des mythes suit son cours dans ce 21ème siècle, et l’essor numérique a amplifié le phénomène.
Pour les cinq cents ans de Léonard de Vinci, au Centre Val de Loire en France où ce dernier repose, est évoqué un nouvel esprit « Re-naissance » (VIII)…
René Rémond (1918 – 2007), historien et membre de l’Académie Française, caractérisait une Renaissance par l’apparition de nouveaux modes de diffusion de l’information, la lecture scientifique des textes fondamentaux, la remise à l’honneur de la culture antique (littérature, arts, techniques), le renouveau des échanges commerciaux et les changements de représentation du monde…
La Légende de Zelda, jeu vidéo japonais au succès planétaire (quinze records pulvérisés dans le livre Guiness des records) depuis 1986, en constitue bien un symbole : inspiré des mythologies japonaise, celtique, nordique, à l’avant-garde des nouvelles technologies, ce jeu a diverti plusieurs générations dont certains éléments sont aujourd’hui décisionnaires, dans le monde entier.
Une nouvelle réalité ?
En mai 2018, un bison blanc femelle est née au zoo de Belgrade (IX) et pour beaucoup, rappelle la légende de la femme Lakota bison blanc (Pte San Win) de la mythologie amérindienne (nation Lakota) de 2000 ans d’âge annonçant un « renouveau », déjà très évoquée pour des naissances en 1994 et 2005. L’Internet a permis le relai de l’information du zoo, une nouvelle qui serait passée totalement inaperçue autrement.
Surfant sur la vague, on ne peut plus compter les œuvres contemporaines sur les super héros de toutes sortes, les œuvres indépendantes s’inspirant des mythologies ou de l’Antiquité… Les plateformes internationales de vidéo streaming annonçant pour 2019, une série en langue arabe sur le mythe des djinns…
Il n’y a pas plus de limites aux combinaisons du binaire du numérique qu’il n’y en aurait dans les arbres généalogiques des mythologies du monde entier. Et la sauvegarde de la planète n’a jamais été autant à l’ordre du jour au sens littéraire et littéral : En Nouvelle Zélande, le fleuve Whanganui est (depuis le 15 mars 2017) légalement considéré comme « personnalité juridique, avec tous les droits et les devoirs y afférents » (X). Quant à la prise en compte de l’invisible, le souci de composer ou non avec des bactéries dans notre quotidien, nous fait déjà évoluer dans une dimension où nous interagissons avec ce que nous ne voyons pas (sans microscope) !
Nonobstant certains pronostics et préjugés, cette ère technologique est celle de la communication et des échanges pour une majorité d’amateurs de philosophie de tous âges, de toutes nationalités et d’un genre nouveau… A considérer peut-être autrement.
1.Chiffre d’affaires mondial de la Walt Disney Company pour les années financières 2006 à 2018 (en milliards de dollars des États-Unis) https://fr.statista.com/statistiques/571153/chiffre-d-affaires-mondial-walt-disney-company
2.Shekhar H. Hooli, « ‘Kabali’ box office collection: Rajinikanth starrer fails to beat 5 records of ‘Baahubali’ (Bahubali) » [archive], sur International Business Times, 9 août 2016
3.Mondialisation – Ressources de géographie pour les enseignants – http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/mondialisation
4.Dictionnaire universel (1690) par Antoine Furetière(.
5. Aristote, Métaphysique, 982b18-19.
6. Karl Marx, Le Capital
7. Interview de Georges Lucas (anglais) https://billmoyers.com/content/mythology-of-star-wars-george-lucas/
8.https://toursloirevalley.eu/lesprit-re-naissance
9.Article Le Point https://www.lepoint.fr/insolite/rarissime-naissance-d-une-bisonne-blanche-au-zoo-de-belgrade-30-05-2018-2222661_48.php
10. Article CNN Mars 2017 https://edition.cnn.com/2017/03/15/asia/river-personhood-trnd/This