Le premier juin, en cette année « olympique », la compagnie d’Angelin Preljocaj a invité dans son lieu, le Pavillon Noir à Aix-en-Provence, quatre spectacles, un Discofoot présenté par le Ballet de Lorraine, un Rodéo hip-hop de la compagnie aixoise de Josette Baïz, un work in progress, On va s’aimer de Pauline Bigot et Steven Hervouet, et last but not least Majorettes.
Un spectacle plutôt déroutant quand il commence : imaginez un défilé de femmes dont les âges s’échelonnent entre quarante-et-un an et soixante-quinze ans en tenue de majorettes ! Il y a de quoi être décontenancé. Leur prestation qui débute alors, conforme aux majorettes traditionnelles, n’impressionne pas plus favorablement. On se demande plutôt ce qu’elles font là, espérant que la suite sera différente… ce qui est fort heureusement le cas.
Les Major’s Girls sont d’anciennes majorettes de Montpellier, issues de la première troupe locale créée en 1964 et leur présidente, Josy Aichard qui fut des premières recrues, a donc désormais soixante-quinze ans. Au lieu, l’âge venu, de renoncer, douze d’entre elles ont décidé de continuer à s’entraîner et même de s’exhiber en public (1). Le chorégraphe Mickaël Phelippeau pratique le « bi-portrait » : il conçoit des pièces combinant la pratique d’un « art » (le football, par exemple, comme dans Une historie du football féminin) et le récit de son histoire comme du parcours personnel de ses acteurs. S’agit-il vraiment de chorégraphie ? On peut en discuter ; théâtre serait sans doute plus proche de la réalité de ces spectacles.
Dans Majorettes, les douze personnes sur le plateau deviennent en effet des personnes authentiques, pas seulement les interprètes d’une parade stéréotypée. Abandonnant leur uniforme pour leurs habits de ville, elles commencent à raconter leur histoire, la leur et celle de leur troupe. Ce double récit où elles prennent alternativement la parole est interrompu lorsque, s’étant mises en tenue de gymnastique, on les voit à l’entraînement. Alors qu’elles lançaient et rattrapaient toutes leur bâton sans jamais le faire tomber dans la première séquence (celle du défilé en uniforme), on les voit désormais s’efforcer de le lancer plus fort et plus haut, quitte à échouer à le rattraper : autre moment de vérité. Place ensuite de nouveau aux récits.
Il y a d’autres moments, par exemple celui du pot pris ensemble sur le plateau, celui où elles forment une ligne soudée qui tourne autour de son centre comme dans de nombreuses pièces de la chorégraphie contemporaine, celui où elles sont toutes assises à l’exception de deux couples qui entament une danse lente et tendre, couples constitués chacun, comme nous l’aurons appris un peu plus tôt, de la mère et la fille.
Les puristes de la danse repartiront fatalement déçus. Les autres se laisseront prendre à l’émotion qui naît presqu’irrésistiblement de ce spectacle qui n’est pas vraiment une pièce de danse. Tel fut le cas de la grande majorité du public du théâtre du Pavillon Noir, ce soir-là, qui applaudit longuement et bruyamment.
(1) Alors que les groupes de majorettes, comme les fanfares, sont en recul partout en France.
Majorettes, avec les Major’s Girls de Montpellier, chorégraphie/mise en scène de Mickaël Phelippeau, Aix-en-Provence, Pavillon Noir, 1er juin 2024.