Scènes

Avignon 2019 – 15 « Outside » de Kirill Serebrennikov (IN)

Dernier spectacle du IN qui se clôture ce 23 juillet, d’un Russe mal vu des autorités de son pays au point qu’il a été empêché de venir présenter sa pièce en France, voilà de quoi mettre le spectateur dans les dispositions requises pour apprécier Outside. D’autant que la pièce se présente comme un hommage à un artiste chinois, dissident lui aussi, le photographe Ren Hang qui s’est suicidé à vingt-neuf ans. Pour intéressant qu’il soit, ce contexte n’est évidemment pas la condition suffisante de la réussite.

Pendant que les spectateurs s’installent, une équipe vêtue de combinaisons de travail noires s’active à coller une photo géante représentant des tours d’appartement vue du toit-terrasse de l’un d’entre eux, avec un homme nu plus grand que nature. Nous sommes d’emblée dans l’univers de Ren Hang, lequel a fréquemment installé ses modèles sur cette terrasse. La suite sera moins frappante visuellement que cette immense photo, signe sans doute que l’artiste Ren Hang dépasse l’artiste Serebrennikov, ou qu’une photo réussie transcende la réalité, car des hommes (intégralement) nus (et des femmes), nous en verrons dans la pièce, jusqu’à plus soif. On a l’habitude, en Occident, de galvauder les nouveaux riches russes, leur clinquant, leur goût pour des femmes hyper sexy juchées sur des talons interminables. Eh bien, cette pièce entre théâtre et music-hall semble davantage faite pour eux que pour les intellos spectateurs ordinaires du festival avignonnais. A ceci près qu’il y a davantage de beaux mecs que de belles femmes sur le plateau. Alors disons que Serebrennikov privilégie un sous-ensemble des Russes attirés par le clinquant, sans négliger tout à fait les autres. On ignore ce qu’il a fait pour déplaire aux autorités (il est vrai qu’il en faut peu, en Russie, pour être rangé parmi les opposants au régime) mais il est bien difficile de trouver quelque chose de transgressif dans Outside.

Que dire de plus sinon que la pièce est agréable à regarder. Elle procure à peu près le même plaisir que celui que l’on peut retirer de la contemplation des personnages mythologiques en tenu d’Êve ou d’Adam sur les cimaises des grands musées, un cran en-dessous si l’on est plus sensible à l’image qu’à la réalité qu’elle dépeint.

Il y a également une scène, au début, où la police politique fait irruption chez Serebrennikov (sur l’espace du plateau occupé par le comédien qui joue Serebrennikov), qui dialoguait jusque-là seul avec son ombre. Puis un asiatique interprétant Ren Hang apparaîtra et leurs bribes de dialogues ne seront pas l’élément le moins intéressant du spectacle. En russe surtitré néanmoins, ce qui force à choisir entre les belles personnes qui se trémoussent sur la scène, reproduisant parfois des poses captées par Ren Hang, et la compréhension du texte.

M.E.S, scénographie et dramaturgie Kirill Serebrennikov ; chorégraphie Ivan Estegneev, Evgeny Kulagin ; musique Ilya Demutsky ; avec douze comédiens/danseurs/musiciens.