Scènes

Avignon 2018 (1) « Thyeste » : Sénèque dans la cour d’honneur – IN

Thomas Joly (36 ans) est à l’instar de Julien Gosselin une nouvelle star d’Avignon. C’est lui que le directeur du festival, Olivier Py, a chargé du spectacle le plus prestigieux, celui qui ouvre véritablement le festival dans la cour d’honneur du Palais des Papes. Joly a choisi de s’attaquer à une œuvre bien oubliée du répertoire de la Rome antique, une pièce de Sénèque située dans le sinistre famille des Atrides, une tragédie pleine de trahisons et de meurtres. En quelques mots, Atrée s’est fait voler et la royauté et sa femme par son jeune frère Thyeste. Pour se venger Atrée assassinera de ses mains les enfants de Thyeste (et les siens propres, pour faire bonne mesure, car il n’est plus sûr d’en être le père) et les lui fera manger au cours d’un soi-disant banquet de réconciliation.

Le théâtre romain était essentiellement porté par le chœur. Or si Joly a bien fait appel à une chorale d’enfants, il l’a à peine utilisée, et ce au bout d’un heure et demie, dans le plus beau mais hélas trop bref moment du spectacle. L’autre beau moment étant celui du banquet qui fait apparaître une table toute en longueur aux extrémités de laquelle prendront place les deux frères, sans aucun autre personnage, à ce moment, sur l’immense plateau de la cour d’honneur. Si le premier coup d’œil sur ce plateau flanqué de deux sculptures géantes, une tête couchée à jardin et une main à cour séduit également, le choix de Joly de remplacer le chœur par un récitant (ils sont trois, en fait, qui se succèdent) fait qu’il paraît presque constamment désert. Comme, de surcroît, il est plus ou moins constamment plongé dans la pénombre, tout cela fait un spectacle très statique et vite ennuyeux. La diction des récitants qui ont tendance à hurler (une nouvelle manière de proférer ?) le récit et les commentaires moralisateurs de Sénèque n’arrangent évidemment rien.

Si ce Thyeste ne laissera pas un souvenir impérissable, on l’a compris, on ne le considèrera pas pour autant comme un échec total. Une certaine beauté s’en dégage, liée en particulier aux deux sculptures mentionnées, aux jeux de lumière discrètement spectaculaires, à la musique, peut-être aussi aux costumes modernes des deux frères, qui contrastent agréablement avec ceux de la Furie et de Tantale.

Cela étant, la question de savoir s’il est vraiment nécessaire de monter aujourd’hui les pièces du répertoire antique reste posée après cette tentative de Joly.