Il faut l’audace d’une petite maison d’édition comme Andersen pour publier un ouvrage consacré à un très grand du tennis qui ne soit ni une biographie ni un ouvrage de technique sportive. Difficile, au demeurant de qualifier le genre de ce petit livre. Pas un tombeau : Federer, né en 1981, est non seulement toujours vivant mais encore très présent dans les grands tournois de la planète. Pas une sotie, car s’il contient bien un grain de folie, on y chercherait en vain la moindre intention politique. Pas un épithalame même si le mariage de Roger et de Miroslava ainsi que le propre couple de l’auteur sont évoqués en passant. Pas une ballade non plus même s’il y a du merveilleux dans ce récit. Plutôt une balade dans les souvenirs d’une vie placée sous le signe du grand tennisman.
Extrait :
Federer m’a poussé à la faute. Souvent. Il a failli s’incruster dans les prénoms de mon fils. Il a imposé la date de ma demande en mariage. Le jour de ses trente ans. Forcément. Un dimanche d’automne, j’ai même frôlé l’avertissement. C’est une finale de Masters 1000. C’est face à Nadal. D’accord, c’est aussi le baptême de la fille. OK, les deux événements se déroulent simultanément. 11h45. Présentation de l’enfant à la communauté. Bon, ce portable dans la poche de mon costard, je le mets en mode avion ?…
L’imagination d’Arnaud Caël lui joue parfois des tours comme lors de cet horrible cauchemar dans lequel Federer n’aurait jamais existé ou aurait disparu de toutes les mémoires, seul l’auteur en ayant gardé le souvenir. Ce récit introspectif écrit d’une plume allègre est celui d’un fan qui – bien que naturellement gros dormeur est prêt à passer des nuits blanches pour ne pas rater un match aux antipodes. Et, comme de juste, il ne se contente pas de regarder l’idole jouer. Il participe, il s’escrime avec une raquette imaginaire tandis que les points perdus atterrissent dans le coussin du canapé.
On pourrait croire que l’auteur qui fut longtemps journaliste sportif a pu s’entretenir avec son héros. En réalité, pour autant que l’on puisse le suivre sur ce point, il n’aurait assisté qu’a une seule rencontre de Federer avec la presse, rencontre au cours de laquelle il n’aurait d’ailleurs pas réussi à lui poser une seule question. De fait, tout au long du livre, ce n’est pas le journaliste qui s’exprime mais l’amateur de tennis, partisan inconditionnel du « grand » Federer.
Arnaud Caël, Roger Federer jusqu’au bout de la nuit, Paris, Andersen, 2019, 77 p., 7,90 €.