Publications

« Jusqu’à la cendre » de Claude Luezior

            Fulgurant Jusqu’à la cendre: ce recueil de Claude LUEZIOR, préfacé par Nicole HARDOUIN, est illustré d’une magnifique œuvre du peintre Jean-Pierre MOULIN intitulée  « Au delà du tunnel ».

Il faut savoir que l’art poétique de Claude Luezior se situe dans le domaine âpre et risqué du chercheur d’or : le poète y investigue un gisement intérieur, dont il connaît les failles et les ruissellements. Ou plutôt le jaillissement d’un magma dans lequel il fouille à mains nues. Ainsi la nuit prend-elle son incandescence. L’intériorité de l’écrivain à l’écoute des ébranlements du monde et des fissures de l’humain, provoque des turbulences dont nous avions ressenti les secousses sismiques lors du précédent ouvrage intitulé ”CLAMES”.

Jusqu’à la cendre, livre chauffé à blanc par la conscience de la finitude, brûle les flancs de la vie : conscience vive qui nous incendie, car, de fait, ses scories et leurs dévers fertilisent notre quotidien : en marge / de nos écritures / le goût acidulé / d’espaces (…) marge vierge / mais brûlante / où peut éclore / juste un graphe / de l’indicible (…) mot-clef / d’une parenthèse (p.23).

C’est un feu-témoin de nos faiblesses, un feu que l’on voit de loin. Signe des dieux en colère devant l’état spirituel du monde, cet embrasement se transmue en feu intérieur qui tourmente et épure tout poète-lecteur à l’écoute. Feu qui le torture de questions sans réponses et qui l’oblige à assembler ses mots à chaud, comme le ferait un orfèvre de l’indicible : ” éteindre en moi / ces restes d’incendie / qui ravagent ma peau / et couvent encore / les morsures/ de leurs exigences ” ( p.74).

L’homme est partagé entre cette brûlure intense de la quête poétique toujours renouvelée et le froid glacial de la solitude personnelle qui transforme le poète à la fois écorché et pyromane en mendiant de l’amour : ”décalque une fois encore / ces mots évanouis / qui nous ont fait vivre” (p.60). Par bonheur, se présentent, au jour le jour, des miracles en minuscules, comme la contemplation tranquille d’un jardin tendre, dont la pudeur est rafraîchissante : ”au cadastre de la pluie, un escargot (…) et son désir de feuille (…) Pour elle seule ; une toute petite morsure d’amour”. Sans oublier, en embuscade : une épaule / peuplée de tendresse / pour trébucher / parfois (…) une épaule / qui respire / au gré d’un sein / tout juste issu / du paradis / (…) son épaule fertile / nourrissant / mes carences ( p.56 ).

Cette profonde partition pourrait avoir été écrite par un Berlioz pour la partie scandée en vers puissants : ”violence / fracassée / que distillent / encore / les millénaires” (p.21) et par un Mozart pour une partie en prose, gravée en italique, plus coulée, plus légère : “atteint de folie pure, le voici qui traduit le verbe en vin” ( p.40).

 

Claude Luezior, Jusqu’à la cendre, Librairie-galerie Racine, Paris, 2018, 15 €.