Ce livre d’une centaine de pages dense et précis, présente Frantz Fanon dans un parcours atypique au cours d’une période où la lutte pour l’indépendance de l’Algérie était à l’ordre du jour. À travers ce combat, il est devenu un héros, frère des Algériens, ami de l’Algérie combattante, de l’Afrique en marche, de tous les émancipés et des hommes libres de tous les continents. Comment alors ne pas percevoir chez A. Benarab l’auteur, ce rappel à la mémoire, à l’histoire et à la maturité de l’esprit de Frantz Fanon né en Martinique et à peine âgé de 28 ans en ces temps durs des guerres de libération que connaissait l’Afrique et où se jouait son destin. Rien en effet ne prédisposait Frantz Fanon à une carrière aussi prestigieuse, souvent complexe et parfois controversée. Benarab a su avec ce livre et le privilège en référence aux travaux d’Edouard Said et de Homi Bhabha, de mettre en lumière F. Fanon et lui redonner une nouvelle existence grâce à la fécondité de son langage et surtout le poids des mots sincères à son endroit, déployés avec aisance et finesse tout au long de son récit.
Le livre de M. Benarab explique la pensée de Fanon en permanence traversée par le rapport ambigu subalterne / hégémonique, culture populaire / culture dominante, suprématie culturelle / identité raciale, sans oublier de le distinguer sur les relations toutes aussi ambiguës d’ailleurs avec Jean Paul Sartre à propos de la préface de son livre Les Damnés de la Terre.
Mais la critique de l’époque, par une lecture biaisée n’a retenu de l’œuvre de Fanon que la violence. D’ailleurs il fut moins jugé pour son œuvre que pour l’Antillais qu’il était, au moment même où l’intelligentsia française “a tiré l’écriture de F. Fanon vers une violence fantasmée”. En vérité c’est la Révolution algérienne qui était visée à travers lui. A partir de ce travail de recherche laborieux, méticuleux d’un intellectuel qui a beaucoup lu et apprécié F. Fanon, l’auteur porte aussi un regard nouveau sur ce personnage hors du commun.
Le 6 décembre 1961, à l’âge de 36 ans, Fanon décède des suites d’une leucémie à Washington. Il est d’abord inhumé au cimetière des martyrs à Tunis puis son corps fut rapatrié de Tunisie en Algérie indépendante qu’il aurait aimé voir en ces jours de gloire et de liberté. Il repose désormais parmi ses frères en terre algérienne avec son dernier vœu accompli.