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Des bédéistes africains illustrent la littérature

BIENTÔT EN LIBRAIRIE

 

 

Des bédéistes africains illustrent la littérature

 



Après la publication de la pièce de théâtre de Véronique Nankoo-Barnes Arc-en-ciel la semaine dernière, les amateurs de littérature mauricienne vont pouvoir découvrir la version BD d’une des nouvelles de l’écrivain Umar Timol, dessinée par Jason Kibiswa, ainsi que les planches du dessinateur Pov inspirées par Terre d’ébène d’Albert Londres. Ces planches font partie de l’album collectif Visions d’Afrique qui devrait arriver en librairie d’ici à la mi-février selon son diffuseur, les éditions Le Printemps. Sorti en France chez L’Harmattan, cet ouvrage collectif a été présenté à Paris début décembre dans le cadre de la première édition du salon de la BD africaine.


Visions d’Afrique s’appuie sur trois textes littéraires écrits à des périodes différentes : Un avant-poste du progrès, une nouvelle de l’écrivain britannique Joseph Conrad écrite vers 1899 au même moment qu’Au cœur des ténèbres, Terre d’ébène qu’Albert Londres a publiée à la suite d’un séjour en Afrique en 1927, puis la nouvelle Les yeux des autres qu’Umar Timol a publiée dans la collection Maurice puis dans la revue de littérature francophone Riveneuve Continents fin 2009. Mais ici, ils bénéficient en plus du regard d’auteurs actuels, scénaristes et dessinateurs de BD tous basés en Afrique. En effet, la vocation de cette nouvelle collection de BD dirigée par Christophe Cassiau-Haurie est de faire connaître des auteurs d’Afrique francophone.


Un avant-poste du progrès a été dessiné par Yannick Deubou Sikoué d’après une adaptation scénarisée de Jean-François Chanson. Comptant parmi les écrivains britanniques les plus marquants du XIXe siècle, Joseph Conrad a écrit cette nouvelle dans la même période que son célèbre roman Au cœur des ténèbres, suite à son séjour au Congo belge où il a travaillé à partir de 1890. Ce voyage l’a bouleversé et il en tire ces deux textes présentés par un éditeur comme le ” reflet inversé ” l’un de l’autre. Il y offre une description particulièrement inquiétante de la colonisation, de ses méfaits et de son échec patent. Il y dresse le portrait d’hommes en plein désarroi, qu’ils soient du côté de l’oppresseur ou de l’opprimé.

 

Anticolonial


Le deuxième volet de l’album est consacré à un autre grand réquisitoire anticolonial, avec un extrait de Terre d’ébène. Le journaliste français Albert Londres a écrit ce récit à la suite d’un séjour de quatre mois au Sénégal et au Congo, en 1927. Il y partage son dégoût profond face à l’exploitation des Africains, tel qu’il a pu en être témoin, estimant alors que l’esclavage n’était aboli que sur le papier… Ce texte poignant, qui a fait scandale à l’époque de sa publication mais dont le journaliste a maintenu les termes à la virgule près, a été réédité par les éditions Le serpent à plume. Dans Visions d’Afrique, un de ses extraits est scénarisé par Christophe Ngalle-Edimo et illustré par Pov, le dessinateur malgache installé à Maurice, par ailleurs bien connu pour ses caricatures de presse.
” Ce n’est pas important mais elle a envie, encore, un peu, parfois, du regard de l’autre, qui un instant, la rendra à la vie, à une possible exaltation (…) un regard qui lui accorde une autorisation de s’aimer, de se tolérer, un regard comme une brise fraîche, légère qui sur sa peau vogue, flâne, qui s’exerce à l’éveiller puis à la détruire. “ Cette évocation des Yeux des autres se trouve dans la deuxième partie de la nouvelle d’Umar Timol. Celle-ci relate la tranche de vie d’une femme de plus de soixante ans, originaire d’un pays africain, qui va parfois chercher un peu de chaleur humaine dans le métro parisien. La première partie se situe dans un village d’apparence idyllique où pourtant la même femme, alors au printemps de sa vie, va subir d’insoutenables violences. Ce texte souligne le contraste entre les pensées de cette femme pleine d’avenir et de beauté et la stupide violence des hommes. La violence y est terriblement banale, passant du regard et des paroles malveillantes aux actes irréparables. Pas de scénarisation ici, le dessinateur congolais Jason Kibiswa a choisi des fragments de texte qu’il a illustrés en noir et blanc.