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La France dans le discours de sortie de crise postélectorale en Côte d’Ivoire : le pouvoir de Ouattara à l’épreuve des intérêts étrangers

 Résumé

Cet article s’intéresse aux variations de la représentation discursive de la France dans le discours de sortie de crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Son objectif est d’évaluer le rapport entre la mise en discours de ce pays et la légitimation d’Alassane D. Ouattara comme le chef d’un État souverain. Une analyse critique de ses « messages à la nation » de mars à mai 2011 à partir d’une perspective postcoloniale montre une tentative d’effacement de la France dans les quatre premiers messages et sa réhabilitation dans le dernier. Ce constat s’explique d’emblée par le souci d’apaiser les tensions car une partie d’Ivoiriens accusait la France de soutenir un camp contre l’autre. Mais, du fait du poids de ce pays dans le dénouement de la crise, Alassane D. Ouattara a fini par le citer abondamment au moment où les tensions commençaient à s’estomper. Cette variation, à l’image de l’ambiguïté des relations Afrique – France, est une tactique que l’on croit a priori bénéfique dans le jeu politique. Elle peut cependant s’interpréter comme un déficit de sincérité dans le discours; ce qui n’est pas de nature à capitaliser la confiance dont Alassane D. Ouattara a besoin pour gouverner efficacement.

 Introduction

La France a joué un rôle décisif dans le dénouement de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. A l’issue des affrontements, Alassane D. Ouattara qui en est sorti vainqueur n’a cependant pas manifesté sa reconnaissance à ce pays dans ses premiers « messages à la nation ». C’est à son investiture comme chef de l’État le 21 mai 2011 que la France et son président sont apparus dans son allocution. La tentative d’effacement du pays de Nicolas Sarkozy dans certains « messages à la nation » et sa réhabilitation dans d’autres suggère une interrogation sur les variations de la présence française dans le discours de sortie de crise en Côte d’Ivoire. Les enjeux de cette variation sont liés au principal dessein de ce discours: persuader de ce que Laurent K. Gbagbo a perdu l’élection, convaincre de ce qu’Alassane D. Ouattara est le seul président élu, amener les Ivoiriens à se soumettre à son autorité et à lui apporter le soutien dont il a besoin pour gouverner efficacement le pays. C’est pourquoi la question au cœur de cet article est celle de savoir si la manière dont la France est mise en discours par Alassane D. Ouattara est susceptible de faciliter son acceptation comme chef de l’État et la soumission à son autorité.

Le corpus analysé est formé des « messages à la nation » prononcés par ce dernier entre mars et mai 2011 pour annoncer la sortie de crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Mars est le mois où il s’est solennellement adressé pour la première fois aux Ivoiriens après l’élection présidentielle d’octobre-novembre 2010. Mai est celui de son adoubement comme chef de l’État ivoirien. Au total cinq « messages à la nation» recensés dans cet intervalle de temps constituent le discours examiné. Le premier a été diffusé le 15 mars alors qu’Alassane D. Ouattara vivait encore reclus au Golf Hôtel avec son état major, le deuxième le 07 avril lorsque ses forces armées sont entrées à Abidjan, le troisième le 11 avril quand Laurent K. Gbagbo est arrêté, le quatrième le 06 mai lors de sa prestation de serment, le cinquième le 21 mai à l’occasion de son investiture.

Le continuum discursif ainsi présenté est étudié dans la perspective de la Critical Discourse Analysis (CDA) qui sonde, entre autres, les enjeux de pouvoir dans le discours. Cet article en adopte principalement l’approche historique [Discourse-Historical Approach (DHA)] de Reisigl & Wodak (2009) et, subsidiairement, l’approche sociocognitive [Sociocognitive Approach (SCA)] de van Dijk (2009). Selon la DHA, le discours présent est la suite d’un discours passé et une prémisse d’un discours qui vient. Pour explorer des ruptures ou des permanences dans un discours, la DHA examine les contextes intratextuel, intertextuel, interdiscursif et sociopolitique dans un espace donné. C’est pourquoi d’autres discours, notamment médiatiques, sont sollicités pour mieux comprendre les « messages à la nation» d’Alassane D. Ouattara. La SCA qui complète la DHA inscrit l’analyse dans le triangle « Discours – Cognition – Société ».  Pour van Dijk en effet, toute production discursive s’appuie sur des processus cognitifs pour adapter le discours au contexte afin qu’il soit socialement correct. Les deux approches de la CDA privilégiées ici permettent d’évaluer la pertinence des enjeux de la représentation discursive de la France dans les « messages à la nation » d’Alassane D. Ouattara,  en rapport avec le capital de confiance dont ce dernier a besoin pour gouverner efficacement.

Dans cette analyse, la lecture du positionnement de la France dans le discours ouattariste est prioritairement adossée sur une posture postcoloniale. L’on peut reprocher à cette posture son manichéisme et le fait de rejeter facilement sur l’ex-puissance coloniale la responsabilité des malheurs des peuples jadis colonisés (Njoh-Mouellé 2006, Bayart 2010, Mbele 2010, Chatué 2012). Elle offre, malgré tout, des grilles particulières de compréhension des rapports entre les ex-métropoles dont certains jouissent d’un poids considérable au sein de la « communauté internationale » et les ex-colonies dont beaucoup se retrouvent en Afrique noire. Mbembe (2008) propose de saisir ces rapports à travers le paradigme de la condescendance qui est le pendant de la logique de la race. Ainsi, les dirigeants des puissances qui parlent de l’Afrique noire montrent un mépris pour les Africains (Makhily Gassama 2008, Tobner 2008), tandis que les leaders africains qui parlent de ces puissances leur font allégeance et les magnifient dans la majorité des cas. L’enjeu de ce rapport de domination/subordination à travers des actes de langage est de conforter des positions de pouvoir acquises à travers l’histoire.

Fort de ces orientations méthodologique et théorique, cet article explore d’une part les significations de l’absence explicite de la France dans un premier temps et de sa mise en relief dans un second temps dans le continuum discursif analysé (1). D’autre part, il examine les enjeux de la mise en discours de la France dans les messages de sortie de crise postélectorale en Côte d’Ivoire en les mettant en cohérence avec le contexte global de la présence française en Afrique (2).

 

1. L’absence/présence de la France dans le discours de Ouattara

Pour analyser des enjeux de la représentation de la France dans le discours de sortie de crise postélectorale en Côte d’Ivoire, il faut commencer par montrer comment cette représentation est concrètement opérationnalisée. Aussi cette section décline-t-elle la mise en discours de ce pays comme une réalité dichotomique dans le continuum des « messages à la nation » d’Alassane D. Ouattara. Cette absence/présence se manifeste d’une part par une tentative d’effacement de la France jusqu’à la prestation de serment le 06 mai 2011 et, d’autre part, par des remerciements infinis à l’endroit de ce pays et de ses dirigeants à partir de l’investiture le 21 mai 2011.

 

1.1. Une tentative d’effacement de la France

 Alors que les États-Unis sont évoqués dans son « message à la nation » du 16 mars 2011, Alassane D. Ouattara n’a pas prononcé le nom de la France ou de son président. Dans ceux  du 07 et du 11 avril ainsi que du 06 mai 2011, l’implication française dans la crise ivoirienne a aussi été éludée. L’attention prêtée à ce pays se résume aux expressions telles que « communauté internationale », « amis de la Côte d’Ivoire », « forces impartiales ». Dans l’allocution du 07 avril par exemple, il remercie la « communauté internationale » parce qu’elle « s’est tenue [aux côtés de la Côte d’Ivoire] durant tout le processus de retour à la démocratie dans notre pays et depuis le déclenchement de la crise postélectorale » [Alassane D. Ouattara (ADO), 07/04/2011]. Rien n’est expressément dit de la France.

D’emblée, l’on peut penser que l’impact de ce pays sur le dénouement de la crise postélectorale ivoirienne n’a pas été décisif. Cette impression a été entretenue par des officiels français et onusiens après l’arrestation de Laurent K. Gbagbo. C’est ainsi que François Baroin, porte-parole du gouvernement français, a indiqué que son pays n’était pas immédiatement impliqué dans la « capture » du président déchu (France 24, 12/04/2011). Alain Leroy, directeur du Département des opérations de maintien de la paix à l’ONU, soutenait aussi cette idée. Pour lui, la France avait agi dans le cadre strict de la résolution 1975 qui l’invitait, entre autres, à renforcer les moyens et l’action de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) pour protéger les civils (France 24, 12/04/2011). Dans ses premières interviews à la presse après sa victoire militaire, Alassane D. Ouattara lui-même a semblé conforter cette position. A Jeune Afrique (n°2629, p. 33), il a notamment affirmé : « Je ne dois rien à personne, sauf aux Ivoiriens, qui m’ont élu ».

Lorsqu’on fait pourtant un retour sur les événements, l’on constate que la France a joué un rôle capital dans le dénouement de la crise. Si les forces « impartiales » ont balisé la voie pour l’arrestation de Laurent K. Gbagbo, les dirigeants français ont davantage soutenu les stratégies d’accession au pouvoir d’Alassane D. Ouattara (ici.tf1.fr, 12/04/2011). Les titres de quelques quotidiens français confirment cette implication décisive. Le lendemain de l’assaut final des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) à Abidjan, Libération (liberation.fr, 12/04/2011) avait à sa une « La France sort Gbagbo » alors que Le Figaro (lefigaro.fr, 12/04/2011) se préoccupait d’un « Gbagbo déchu : une victoire » non pas pour Alassane D. Ouattara, mais pour «la France et l’Onu ».

La déterminante influence de la France sur l’issue de la crise postélectorale ivoirienne tient sur deux piliers principaux : militaire et diplomatique. Au plan militaire, la force Licorne avait pour objectif de « faire en sorte que M. Alassane Ouattara, dont nous considérons qu’il est le président légalement élu,  puisse s’installer au pouvoir […] », a révélé le ministre français des Affaires étrangères et européennes, Alain Juppé, devant le Sénat français le 07 avril 2011 (cf. France24, 11/04/2011). L’enquête de Varenne (2012) a davantage montré comment la France a aidé Alassane D. Ouattara à constituer une armée et à la former.  Par la suite, soutient l’enquêteuse dans une interview à Notre Afrik  (n°21, p. 56), « c’est la France et l’ONU qui fournissaient toute la logistique de ‘l’État du Golf’. C’est la France et l’ONU qui assuraient la sécurité de Ouattara, lui permettant de sortir et de revenir à l’hôtel du Golf ». Du point de vue de Varenne, Licorne qui apportait l’essentiel des ressources de l’ONUCI a ainsi tenu les FRCI par la main jusqu’à ce qu’elles accèdent à la résidence présidentielle où elles ont délogé l’ancien chef d’État.

Au plan diplomatique, pendant qu’Abidjan était à feu et à sang entre le 1er et le 11 avril 2011, l’Élysée et le Quai d’Orsay ont usé de tous les moyens pour que celui qui avait les faveurs de la France triomphe. Selon Campens [cf. Jeune Afrique Économie (JAE), n°383, pp. 158 – 159], c’est Nicolas Sarkozy qui a convaincu Barack Obama, le président des États-Unis d’Amérique, de soutenir Alassane D. Ouattara, en rejetant la décision du Conseil Constitutionnel désignant Laurent K. Gbagbo comme chef de l’État.

L’argumentation développée confidentiellement par Paris pour impressionner l’administration américaine est l’idée selon laquelle l’accession au pouvoir en Côte d’Ivoire d’Alassane D. Ouattara, un musulman « moderne » (traduisez : occidentalisé) du nord du pays dont les relations personnelles sont fortes avec divers groupes siocio-culturels à travers le sahel, aiderait à combattre l’intégrisme religieux et le fondamentalisme islamique qui est de plus en plus présent dans le nord du Nigeria et au Sénégal. Et qu’en revanche, accepter la réélection de Laurent Gbagbo serait un motif de colère et un prétexte idéal pour les islamistes qui sont [prêts] à prendre racine et à déstabiliser l’Afrique de l’Ouest (JAE, n°383, p. 159).

Par ailleurs, Alain Juppé a expliqué que c’est la France qui propose au Conseil de sécurité de l’ONU des résolutions concernant la Côte d’Ivoire. Au cours de son audition au Sénat, il n’a pas fait mystère de ce que la France a « essayé de faire pression en permanence pour que l’ONUCI s’engage […] au maximum» (France24, 08/04/2011). Le patron du Quai d’Orsay qui a le premier annoncé la chute « inéluctable » de Laurent K. Gbagbo, a indiqué dès le 07 avril que la reddition de ce dernier était imminente. A l’en croire, la négociation des conditions de la sortie de l’ancien chef d’État devait déboucher sur la signature d’un document reconnaissant qu’Alassane D. Ouattara est le seul président élu de la Côte d’Ivoire. Au cours de la même intervention, il a asserté : « Nous sommes en liaison très étroite avec [M. Ouattara]. Il fera d’ailleurs, je pense, des déclarations en ce sens et nous sommes déjà en train de travailler. » Quelques heures après ces déclarations, Alassane D. Ouattara s’est exprimé et les différents thèmes évoqués par Alain Juppé sont apparus dans son message du 07 avril 2011.

Le fait pour Alassane D. Ouattara de ne pas parler explicitement de la France dans ses quatre premiers messages de sortie de crise alors même que les déclarations des autorités françaises magnifient leur rôle dans son arrivée au pouvoir est une curiosité. Cette mise en arrière-plan trouve une justification dans les rapports entre la France officielle et les Ivoiriens. Alassane D. Ouattara savait en effet que durant tout le « règne » de Laurent K. Gbagbo [2000 – 2010], les Français n’étaient pas véritablement les bienvenus en Côte d’Ivoire. Lors de différentes émeutes, les biens de Français étaient les plus visés parmi ceux des communautés européennes présentes en Côte d’Ivoire (Kouamouo 2005). Les émeutiers prenaient à chaque fois leur revanche sur une puissance que certains médias tendaient à présenter comme étant la source de la guerre en Côte d’Ivoire. Le sentiment de haine s’est renforcé suite au bombardement de l’aviation ivoirienne par l’armée française en 2004 (cf. Africa International n°433, p.11). Cette action avait davantage divisé l’opinion ivoirienne sur l’appréciation du rôle de la France dans la crise.

Évoquer ce pays dans les messages de sortie de crise n’aurait donc probablement pas apaisé les cœurs. Bien plus, le remercier immédiatement à l’issue des combats armés aurait possiblement radicalisé certaines positions dans les rangs de ceux qui ne souhaitaient pas qu’Alassane D. Ouattara soit président. Vraisemblablement, ce dernier voulait ménager les susceptibilités des Ivoiriens, notamment en évitant de réveiller la revanche de certains d’entre eux contre les Français ou d’apparaître comme un président aux ordres de la France. L’orateur a ainsi ajusté son message à la circonstance. La tactique discursive a consisté, sur le vif, à user d’un langage consensuel dans le dessein de pacifier et stabiliser la situation. L’effet généralement recherché à travers ce genre de tactique discursive c’est la sympathie du public et le renforcement du capital de confiance de ces derniers à l’égard de l’orateur. Mais au regard du rôle joué par la France, sa marginalisation discursive ne pouvait longtemps durer. C’est ainsi que dans la suite du discours de sortie de crise postélectorale, l’ex-métropole a retrouvé une place centrale.

 

1.2. Une France forte dans la suite du discours

Dans le « message à la nation » du 21 mai 2011, le positionnement de la France apparaît clairement. Le jour de son investiture comme chef d’État, la France officielle a été portée aux nues, Nicolas Sarkozy étant aux premières loges lors de la cérémonie de Yamoussoukro. Le principal orateur du jour a alors déclaré :

[…] Honorables invités, Excellences, Mesdames et Messieurs, Je voudrais à présent saluer l’ensemble des Chefs d’État et de Gouvernement […] Vous me permettrez de citer tout particulièrement la France avec laquelle la Côte d’Ivoire a des liens historiques et une vision commune de l’avenir. Monsieur le Président Sarkozy, le peuple ivoirien vous dit un grand merci pour votre engagement dans la résolution de la crise ivoirienne sous mandat des Nations Unies, qui a permis de sauver de nombreuses vies ; nous vous serons toujours reconnaissants. Nous vous encourageons pour tous les efforts que vous faites pour les pays du continent africain dans le cadre du G8 et du G20 […]. (ADO, 21/05/2011)

Cette exposition discursive de la France peut se justifier à la fois par la solennité de la circonstance et le fait que l’accession d’Alassane D. Ouattara à la magistrature suprême était déjà acquise. Il eut en effet été ingrat de sa part de réunir autant de monde et de ne pas faire cas des soutiens obtenus pour être là où il est. Au milieu de tous ces bienfaiteurs, émerge en effet une France qui, mieux que n’importe quel autre « ami de la Côte d’Ivoire », a œuvré de toutes ses forces pour que l’on arrive à l’aboutissement ainsi célébré. L’adverbe « particulièrement » montre une emphase et le privilège qu’a la France parmi les États intervenus dans la crise. Son emploi traduit une reconnaissance appuyée et une gratitude à l’endroit de la France plus importante que celle témoignée aux autres membres de la « communauté internationale ».

L’orateur ne s’est pas contenté de citer la France. Il a aussi cité son président, Nicolas Sarkozy. Pour remercier le président français, Alassane D. Ouattara s’est auto-investi d’un pouvoir que lui aurait donné tout le peuple ivoirien. Il manifestait peut-être un sentiment personnel qu’il espérait être celui de l’ensemble des Ivoiriens. Les remerciements en question sont précédés du qualificatif « grand ». Il en est probablement ainsi du fait de l’immensité du service que Nicolas Sarkozy aurait rendu à la Côte d’Ivoire. Alassane D. Ouattara termine en indiquant que la reconnaissance de la Côte d’Ivoire à la France et à son président est infinie. L’adverbe de fréquence « toujours » exprime cette infinitude car il est lié à une certaine permanence dans le temps. L’on peut donc croire qu’aux yeux du chef de l’État, la Côte d’Ivoire devra ainsi payer une dette éternelle à la France qui, selon lui, a sauvé des vies menacées par Laurent K. Gbagbo. Alassane D. Ouattara n’a-t-il pas déclaré plus tard que « la majorité des Ivoiriens est reconnaissante à la France de les avoir libérés du joug meurtrier de l’ancien pouvoir » ? [Jeune Afrique (JA) n°2629, p. 35].

La reconnaissance enthousiaste d’Alassane D. Ouattara à la France et au président Français le 21 mai 2011 se comprend d’autant plus qu’il n’avait plus peur que le pouvoir lui échappe. La pression qu’il avait au début semblait baisser, son serment ayant été reçu quelques semaines avant, le 06 mai notamment. L’homme était déjà président de la République et pouvait alors remercier un peu plus librement ceux qui ont facilité son accession au pouvoir. Depuis ce jour, le chef de l’État ivoirien n’a jamais cessé de le faire chaque fois qu’une occasion idoine se présente. En visite d’État en France quelques mois après son installation, il a une fois de plus magnifié l’implication de la France dans sa prise de pouvoir en Côte d’Ivoire. Dans son interview à Radio France Internationale (26/01/2012), il a affirmé être « venu remercier » la France parce que si elle n’était pas intervenue, « il y aurait eu en Côte d’Ivoire un génocide pire qu’au Rwanda ». Lors d’une autre visite d’État à Paris deux ans après la première, Alassane D. Ouattara a confié à NewAfrican-Le Magazine de l’Afrique [(AM-LMA) n°32, p. 60] : « Je suis venu aujourd’hui pour une visite de travail, une visite d’amitié. Je viens faire le point de temps en temps avec le président Hollande sur la Côte d’Ivoire mais aussi sur le Mali, l’Afrique de l’Ouest, sur les questions internationales… ».

« Faire le point » est une expression apparemment neutre, dans la mesure où la France se présente comme un partenaire privilégié de la Côte d’Ivoire. Le contexte linguistique et sociopolitique dans lequel l’expression est prononcée suscite toutefois une réinterprétation. Celui qui reçoit (François Hollande) et le lieu où il le fait (Paris) sont des indices exprimant l’idée d’une prééminence. Généralement, celui qui se déplace est en position de demandeur dans le sens où, traditionnellement, un sous-chef vient à la chefferie supérieure de laquelle il tient son pouvoir pour prendre des conseils et recevoir éventuellement des instructions. Il y a dans l’attitude d’Alassane D. Ouattara une sorte de subordination qui s’inscrit dans la durée. Nicolas Sarkozy à qui François Hollande a succédé avait en effet eu le même privilège. L’on peut ainsi penser que la France, particulièrement les présidents français ont, au moins symboliquement, un pouvoir sur la Côte d’Ivoire et les présidents ivoiriens.

Certains analystes à l’instar de Georges Kozolias ont en effet vu derrière l’intervention française dans la crise postélectorale une reprise du contrôle de la Côte d’Ivoire comme à l’époque de l’Afrique occidentale française (France24, 21/05/2011). L’on pourrait ainsi croire a priori qu’Alassane D. Ouattara est un chef d’État sous-tutelle. Mais l’on peut penser aussi à une mise à l’épreuve de l’interdépendance stratégique des forces politiques dans la mesure où aucun candidat à la présidence de la République ne saurait réussir ses conquêtes sans l’aide de partenaires nationaux et étrangers. Quoi qu’il en soit, l’un des discours répandus par les médias c’est qu’Alassane D. Ouattara est un « chef d’État en quête de légitimité » (liberation.fr, 12/04/2011). L’Humanité est d’ailleurs allé un peu plus loin en affirmant qu’« Alassane Ouattara est un instrument de Sarkozy» (humanite.fr, 12/04/2012).

La tentative de cacher le rôle de la France dans les premiers messages d’Alassane D. Ouattara alors même que son intervention est décisive dans le dénouement de la crise peut être perçu comme un déficit de sincérité dans le discours. Ce qui pourrait suggérer ou renforcer l’idée que celui qui venait de renverser Laurent K. Gbagbo est fourbe. En politique, cette perception provoque généralement une crise de confiance entre le leader et le peuple. Au-delà de préoccupations relatives à la soumission ou au boycott de l’autorité du président de la République, qu’est-ce qui pourrait expliquer la persistance de l’opinion selon laquelle Alassane D. Ouattara et la Côte d’Ivoire sont fortement influencés par les présidents français et la France ? Une manière d’envisager une réponse à cette interrogation serait d’analyser les enjeux de l’intervention française en Côte d’Ivoire et, plus généralement, dans les crises en Afrique.

 

2. Les enjeux d’une mise en discours de la France

Derrière tout discours politique, se cachent des enjeux de pouvoir (Blommaert 2005). Ces enjeux, compris comme ce que l’on risque de perdre ou de gagner, guident donc à la construction/perception du discours. Ceux qui structurent l’apparition ou l’effacement de la France dans les « messages à la nation » s’appuient sur l’histoire de l’implication de ce pays dans les crimes en Afrique. Les stratégies et tactiques discursives déployées par Alassane D. Ouattara, en référence aux rapports entre l’ex-métropole et les ex-colonies, sont ainsi liées aux motivations de l’intervention française dans les conflits en Côte d’Ivoire et, plus généralement, en Afrique noire.

 

2.1. Les raisons d’une présence française dans le discours

Selon les discours d’Alassane D. Ouattara et de Nicolas Sarkozy, l’intervention de la France dans la crise ivoirienne est une contribution au développement de la démocratie, condition pour l’épanouissement des peuples. Quelques heures après la cérémonie d’investiture d’Alassane D. Ouattara le 21 mai 2011 à Yamoussoukro, Nicolas Sarkozy, s’adressant à l’armée française et aux Français de Côte d’Ivoire à Port-Bouët, a indiqué que c’aurait été un grand recul démocratique pour l’Afrique de laisser Laurent K. Gbagbo continuer d’occuper le fauteuil présidentiel après avoir perdu l’élection (France24, 21/05/2011). Que l’on soit d’accord ou pas avec cette position, la question de savoir ce qui autorise la France à intervenir pour sauver la démocratie ivoirienne reste lancinante.

Pour Norodom Kiari, historien, la France ne se sent pas en territoire étranger lorsqu’elle intervient en Côte d’Ivoire. Selon lui, l’establishment français considère toute l’Afrique francophone comme un « prolongement de la France» (conférence AFC Dschang, 17/04/2011). Ce qui justifie le fait qu’elle y intervienne comme elle veut, notamment pour préserver ses intérêts, ceux-là mêmes qui font la grandeur de son économie et son rayonnement politique à travers le monde. Selon les données de l’Agence ecofin (agenceecofin.com, 2012), l’on peut résumer les intérêts français en Côte d’Ivoire en trois points-clés : plus de 13 000 ressortissants, 600 entreprises qui génèrent 50% des recettes fiscales du pays, 25% des investissements directs étrangers, au moins quatre sociétés qui détiennent une position monopolistique : Bouygues, Bolloré, Total, PNB Paribas. Aujourd’hui encore, la Côte d’Ivoire continue d’être vue par certains comme une vitrine de la présence française en Afrique.

Jean-François Bayart conteste tout de même le motif économique comme raison suprême des interventions françaises dans les crises africaines. Au sujet de la Côte d’Ivoire, il indique que « les intérêts économiques français prospéraient en Côte d’Ivoire sous la présidence de Laurent Gbagbo alors que les relations diplomatiques entre les deux pays étaient difficiles, et qu’ils avaient été  assez maltraités sous celle de Henri Konan Bédié, en dépit de l’excellence de ses rapports avec Jacques Chirac » (NA-LMA n°32, p. 26). Ailleurs en Afrique de l’Ouest, au Mali en l’occurrence, il affirme que « […] la France est intervenue parce que sa sécurité nationale était directement mise en jeu par l’offensive des djihadistes sur le sud et par leurs intentions hostiles » (NA-LMA n°32, p. 26). Il privilégie ainsi l’explication de la lutte contre le terrorisme international comme motif essentiel des interventions militaires françaises en Afrique aujourd’hui.

Même s’ils ne sont pas uniquement économiques, la France a des intérêts divers à défendre lorsqu’elle intervient dans les conflits africains. Alassane D. Ouattara a ouvert une brèche sur ces intérêts multiformes en affirmant que les deux pays ont « des liens historiques et une vision commune de l’avenir » (ADO, 21/05/2011). L’on peut ainsi facilement comprendre que dans le discours politique d’un leader ivoirien, ce dernier puisse parler de la France au même titre que la Côte d’Ivoire. Cette possibilité s’accroît à des moments de crise ou de transition au cours desquels l’armée française intervient naturellement. Ainsi, c’est l’absence de la France dans les premiers « messages à la nation » qui est une surprise, pas sa présence dans les suivants. La remercier semble donc normal. La logique des discours politiques de leaders de pays où l’ancienne puissance coloniale continue d’avoir prise sur les affaires intérieures de l’ex-colonie est ainsi structurée autour des espoirs d’un public national et des attentes de partenaires que l’on croit a priori externes. Le sens de l’histoire qui confère à l’ancienne puissance colonisatrice une place sinon impérative, du moins dominatrice dans le discours politique de sortie de crise, mérite toutefois d’être réinterrogé.

Si l’on emprunte à Bayart (2008), l’on peut dire que la place de la France dans le discours de sortie de crise postélectorale est historiquement justifiée en partie par la Traite négrière et la colonisation qui ont institué un type particulier de relations entre les ex-métropoles et les ex-colonies tel que les premières se considèrent toujours comme des sauveuses des seconds. Ainsi, Tobner (2008) constate que les 06 présidents de la Ve République française n’ont jamais véritablement traité les pays africains sous un autre rapport que celui de la domination, de la condescendance voire de l’arrogance. Après la décolonisation, il s’est instauré « une politique de vassalisation » (Tobner 2008 : 455) qui se manifeste, par exemple, par le fait que ces jeunes États continuent d’être défendus par l’armée française et que la métropole continue de faire main basse sur leur économie, notamment en gérant souverainement leur monnaie. Cette vassalisation s’est par la suite doublée d’une « satellisation souterraine des États africains » avec « la mise en place d’une cellule africaine de l’Élysée, instrument occulte de gestion des satellites sous la férule de Jacques Foccart » (Tobner 2008 : 455). C’est le travail de cette cellule africaine de l’Élysée qui renvoie à la représentation mentale de la françafrique chez de nombreux Africains. L’on comprend pourquoi dès que Laurent K. Gbagbo a été arrêté, L’Humanité a titré à sa une, « La Françafrique tient Abidjan » (humanite.fr, 12/04/2011).

La françafrique, terme employé au départ dans les années 1970 pour magnifier l’excellence des relations entre la France et l’Afrique (Joly 2003), est aujourd’hui assise sur une conception particulière des Africains et de la démocratie en Afrique. L’on peut singulièrement retrouver cette conception chez Jacques Chirac. Lors d’une interview en 1990 sur Europe1, il affirmait :

Les pays d’Afrique ont une caractéristique, c’est d’être divisés, non pas par l’idéologie. Il n’y a pas d’affrontement idéologique entre Africains dans tel ou tel pays, mais des divisions ethniques. Il y a dans ces pays un très grand nombre de tribus qui ont leurs traditions, qui ont leur culture, qui ont leur histoire et qui se sont toujours battues. Le grand effort des dirigeants modernes de ces pays depuis les indépendances, c’est de rassembler ces gens, de les faire s’entendre et de réaliser l’unité nationale et l’effort de redressement […] Dès que vous envisagez la création […] d’un certain nombre de partis […] vous avez immédiatement un parti par tribu et, au lieu d’avoir la démocratie, vous avez l’affrontement et un risque d’anarchie […](Cité par Tobner 2008)

Le discours de Chirac a une fonction de justification des actes que l’État français pose à l’égard des pays africains. Que cette justification soit honnête ou malhonnête, elle participe à la construction d’une certaine attitude des Français vis-à-vis de la politique en Afrique. Dans une logique françafricaine, les dirigeants français trouveraient toujours plus intéressant pour la France d’avoir à la tête de ses anciennes colonies des hommes acquis à sa cause, des hommes avec qui les dirigeants français entretiendraient des relations privilégiées.

Aujourd’hui, de nombreux Africains sont contre cette vision françafricaine puisqu’ils considèrent que l’action de l’Occident a été négative pour le développement de l’Afrique. En conséquence, ils récusent par exemple le rôle de la France dans la provocation des guerres, l’alimentation des conflits ou la résolution des problèmes sur le continent noir (Makhily Gassama 2008). Dans le cas particulier de la Côte d’Ivoire, une conscience anti-française s’est densifiée depuis l’accession de Laurent K. Gbagbo au pouvoir. Les jeunes étaient notamment formés par le discours politique dans les médias et, surtout, dans les espaces de discussion de rue (N’Tchabétien Silué 2012). Les Ivoiriens qui récusent la francafrique accorderaient difficilement leur confiance à un président qui arrive au pouvoir avec l’aide de dirigeants français, même si ce dernier tente de cacher l’intervention française dans son discours. De même, ils ne se soumettraient pas de bon cœur à son autorité. La France et ses dirigeants ne sont pas les seuls à tirer les bénéfices de cette situation. Des dirigeants africains y ont aussi intérêt.

 

2.2. Le discours et l’ambiguïté des relations Afrique-France

Si la France intervient dans les crises en Afrique pour préserver ses intérêts, l’actualité montre que ce sont les dirigeants africains eux-mêmes qui invitent souvent dans leurs discours la « mère patrie » à la moindre étincelle. Lorsque la Côte d’Ivoire a été attaquée en 2002, Laurent K. Gbagbo a sollicité en premier lieu la France pour l’aider à repousser la rébellion en vertu d’accords de défense avec l’ancienne métropole. Le pays de Jacques Chirac a d’abord refusé d’intervenir, arguant qu’il s’agissait d’une affaire entre Ivoiriens (Gbagbo 2006). Quand Alassane D. Ouattara a eu le sentiment que c’est lui qui avait remporté l’élection, il a appelé la France à défendre avec lui sa victoire. Face aux sollicitations des chefs d’Etats ivoiriens, la France a un comportement trouble : elle fait semblant de ne plus s’ingérer alors même qu’elle est visible sur les théâtres d’opérations. Le discours de sortie de crise postélectorale en Côte d’Ivoire suit cette logique : il feint de ne pas trop s’intéresser à l’action de la France en même temps qu’il lui offre une place remarquable dans le cénacle des « amis de la Côte d’Ivoire ».

En conséquence, les Ivoiriens sont à la fois contre la France et pour elle. Contre elle, ils l’accusent d’ingérence dans leurs affaires intérieures. C’est le cas des citoyens qui croient que Laurent K. Gbagbo avait remporté l’élection présidentielle d’octobre-novembre 2010. Afin de contenter ceux-là, Alassane D. Ouattara a presque « anonymé » l’action de la France dans ses quatre premiers « messages à la nation ». Pour elle, ceux que Provenzano (2011) appellerait les « francodoxes » la félicitent pour la lutte contre le terrorisme, la défense des libertés et la promotion de la démocratie. C’est le cas des partisans d’Alassane D. Ouattara pour qui Laurent K. Gbagbo avait perdu et voulait s’accrocher indûment au pouvoir. C’est probablement pour satisfaire ces derniers que le « message à la nation » du 21 mai 2011 porte les marques d’une présence française forte.

En tout état de cause, l’on observe que sans la France, les chefs d’États ivoiriens se sentent faibles. Avec elle, par contre, ils se croient forts. Ainsi, c’est lorsque la France s’est véritablement engagée avec l’ONUCI aux côtés des FRCI qu’Alassane D. Ouattara a pu se convaincre qu’il allait réellement prendre le pouvoir. Il n’a pu parler de manière décisive qu’après l’intervention d’Alain Juppé qui semblait le mettre en confiance. L’on peut ainsi penser que quand bien même la France voudrait ne pas s’occuper de la Côte d’Ivoire, celle-ci continuera à la solliciter. Selon cette dialectique, la France n’aurait rien fait et ses dirigeants n’auraient pas spécialement voulu être cités dans les « messages à la nation » d’Alasane D. Ouattara, que ce dernier aurait forcé leur mise en discours. L’un des problèmes de la Côte d’Ivoire, semble-t-il, c’est le déficit de moyens d’action, notamment militaire. Les organisations sous-régionales ou continentales à l’instar de la Communauté économique pour le développement de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union Africaine (UA) sont incapables de se mettre ensemble pour libérer une force commune qui puisse garantir la paix dans les pays où elle est menacée. Ainsi que le remarque Mamadou Koulibaly, les interventions françaises montrent aux États africains que leurs « armées nationales africaines ne servent pratiquement à rien » (www.rfi.fr, 30/05/2013).

Or, comme on le voit à travers l’histoire, tant que les pays africains n’ont pas les moyens de stabiliser leur gouvernance et de se défendre, ils restent sous tutelle. Cette tutelle principalement assurée par l’ancienne métropole affecte le discours de leaders qu’elle protège. L’homme qu’elle parraine lui est redevable; il en paie le prix d’une manière ou d’une autre. Qu’elle soit forte ou faible, cette redevabilité se négocie. Pour le cas spécifique de la Côte d’Ivoire, elle semble bien forte au regard de ce qui peut apparaître comme des salamalecs discursifs d’Alassane D. Ouattara vis-à-vis des dirigeants français chaque fois qu’une belle occasion se présente. Ces salamalecs lui sont profitables parce qu’ils pourraient servir à perpétuer la considération des dirigeants français à son égard. Il n’est cependant pas sûr que son comportement discursif fédère tous les Ivoiriens pour une soumission à son autorité de président de la République.

 

 

Conclusion

Au total, le rapport de la France à l’Afrique est considérablement ambigu. Sa participation dans la provocation comme dans la résolution de la crise postélectorale ivoirienne illustre cette ambiguïté. Celle-ci n’est pas seulement visible dans les actes (discursifs ou non) que les dirigeants français posent. Elle l’est aussi dans les discours que les leaders africains prononcent. Les « messages à la nation » d’Alassane D. Ouattara en sont une illustration. Ils expriment l’idée d’une France à la fois absente et présente, haïe et aimée, vilipendée et félicitée.

Parallèlement, le discours officiel des dirigeants français depuis Nicolas Sarkozy contribue à diluer une perception de la France tutrice de pays africains. Mais les actions de ce pays sur les théâtres africains, même si celles-ci revêtent un cachet international du fait de leur validation par l’Union Européenne ou l’ONU, semblent conforter l’opinion selon laquelle une France sans l’Afrique perd de son aura international : elle se trouve alors motivée à intervenir en Afrique. Son action étant perçue comme profitant d’abord à elle-même puisque ses dirigeants chercheraient à assouvir un désir de puissance de leur patrie et de rayonnement personnel, celle-ci revêt chez les peuples qui ont subi la colonisation un caractère négatif. D’où la propension à dénier ou à douter de la légitimité de tout président qui arriverait au pouvoir en Afrique avec l’aide de la France, que ce dernier ait effectivement remporté l’élection présidentielle ou non.

L’on assiste-là, in fine, à un tango discursif autant dans le discours de sortie de crise postélectorale en Côte d’Ivoire que dans les discours de dirigeants français au sujet des interventions militaires en Afrique. Dans le premier cas, le discours ouattariste a fait d’abord croire que la France n’a pas joué un rôle important dans le dénouement de la crise. Puis, dans le même continuum discursif, l’on a noté les marques explicites d’une intervention salvatrice de la France.  Dans le second cas, les dirigeants français (Nicolas Sarkozy et François Hollande) ont indiqué qu’ils laissaient les problèmes de l’Afrique aux Africains. Puis, ils ont pris la parole pour justifier des actions contraires sur le terrain. Le discours semble avancer d’un pas pour reculer de deux. Il s’agit là d’un indice probable de manipulation qui, dans le champ politique, discrédite les acteurs qui y sont engagés.

 

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