« Parfois nous ne choisissons pas nos thĂšmes, mais ceux-ci se prĂ©sentent Ă nous en chemin.» annonce Daniel Eisenberg [1], dans sa thĂšse « CervantĂšs, auteur de Topographie et histoire gĂ©nĂ©rale dâAlger, publiĂ©e par Diego de HaĂ«do ». Il mâĂŽte les mots de la plume. Par consĂ©quent, je me vois forcĂ©e dâexpliquer les circonstances exceptionnelles qui ont fait que cet ouvrage fort mystĂ©rieux, dont jâai lâhonneur de prĂ©senter ici une traduction moderne en français, mâa littĂ©ralement trouvĂ©e. Je ne suis ni historienne ni universitaire, mais en tant quâĂ©crivain, jâai toujours Ă©prouvĂ© le besoin de rassembler beaucoup de documentation historique de toute sorte pour construire mes histoires, considĂ©rant que la rĂ©alitĂ© surpasse en authenticitĂ© la fiction.
Et effectivement, en janvier 1997, un jour spĂ©cialement dĂ©sargentĂ© de ma vie, je me trouvais aux Encantes (marchĂ© aux Puces) de Barcelona, quand les vendeurs se mirent Ă crier : âÂĄAgua, agua, agua!â[2]. Lâun dâentre eux plaça entre mes mains un tas de bimbeloterie, tout en exigeant en Ă©change que je lui donne tout lâargent que je possĂ©dais, câest-Ă -dire pas grand-chose : quarante pĂ©sĂštes (20cts dâeuro). La police municipale avait fait son apparition, Ă lâautre extrĂ©mitĂ© du marchĂ© aux puces, et ils venaient par ici. Nous nous mĂźmes dâaccord rapidement et de cette façon, entre autres merveilles, jâachetais une bague ancienne, si sale quâelle en Ă©tait comme Ă©teinte. Un voyage aux Iles BalĂ©ares redonna de lâĂ©clat au bijou, qui commença ainsi Ă mâĂ©blouir. De retour Ă Barcelone, une expertise rĂ©vĂ©la quâil sâagissait dâune piĂšce du dix-septiĂšme siĂšcle, en or, diamants et aigue-marine, rĂ©alisĂ©e aux BalĂ©ares. Une enquĂȘte personnelle me permit dâestimer quâelle aurait appartenu Ă Don Joan Sureda, ancĂȘtre de lâactuel marquis de Vivot, descendant dâOlivier de Termes, un parfait[3]  cathare et faydit[4] occitan, qui trouva refuge dans la conquĂȘte de MayĂ»rka[5] en compagnie du roi Jaume IÂș([6]) et dont lâemblĂšme et lâarme, une rose, se trouve au revers du chaton de la bague. Don Joan son descendant Ă©tait aussi la figure de proue du monde corsaire majorquin au tournant du dix-septiĂšme siĂšcle, sans doute pour cette raison nâexiste-t-il aucun portrait de lui.
Je dĂ©couvris ainsi le monde de la piraterie en MĂ©diterranĂ©e et me passionnai pour celui-ci, traquant les rares documents jusquâau plus secret des archives espagnols. Je parvins lors de mes consultations jusquâĂ un livre ancien, qui me fascina tant dĂšs la premiĂšre lecture que je me promis de le traduire, sans toutefois supposer que jâavais mis le doigt sur un nexus littĂ©raire dâune Ă©tonnante complexitĂ©.
Car la « Topographie et histoire gĂ©nĂ©rale dâAlger » recĂšle bien des mystĂšres et des merveilles. Lâouvrage commence sur un renseignement stratĂ©gique qui dĂ©finit sa nature guerriĂšre : la latitude de la ville dâAlger, mais il sâagit avant tout de lâun des trĂšs rares tĂ©moignages du monde occidental classique espagnol sur lâAfrique musulmane du 16Ăšme siĂšcle. Lâauteur nous Ă©blouit par la richesse de lâinformation quâil nous offre, par ailleurs ce portrait dâune opulence sans limites alliĂ©e Ă la cruautĂ© quotidienne de lâĂ©poque (le monde catholique nâĂ©tait guĂšre plus tendre quant Ă ses esclaves musulmans[7]) a marquĂ© durablement les esprits au travers des siĂšcles. Lâinsupportable, pathogĂšne, pression de lâInquisition atteignait jusquâau commerce. LâaustĂ©ritĂ© rigoriste Ă laquelle Ă©taient soumis les Espagnols ne leur rendait que plus dĂ©sirable encore cette ville de tous los possibles, un au-delĂ de lâautre cĂŽtĂ© de Gibraltar, Ă portĂ©e de main.
Alger est dĂ©crite comme une ville libre, habitĂ©e dâ « aventuriers qui vivent la vie quâils ont dĂ©cidĂ© de vivre[8]», mais marquĂ©e par la cruautĂ©, typique de ceux qui, rejetĂ©s et malmenĂ©s par lâInquisition dans leurs pays dâorigine, ont Ă©pousĂ© une nouvelle foi et un nouveau mode de vie, plus en accord avec leurs aspirations, notamment la libertĂ© de commerce, de mĆurs et de culte. La liste des produits qui sây Ă©changent (Alger nâĂ©tait pas seulement un royaume pirate, mais aussi jouait son rĂŽle dâimportant centre commercial, Ă la croisĂ©e des richesses africaines et des dĂ©sirs europĂ©ens) ne peut que faire pĂąlir dâenvie les ports espagnols, soumis Ă toutes sortes de tabous et de taxes abusives.
La majeure partie des habitants dâAlger sont des renĂ©gats, dâorigine catholique ou dâascendance juive ou maure, et de toutes les provinces du monde, cependant en majoritĂ© espagnols[9]. On y rencontre aussi des gĂ©nois, vĂ©nitiens, corses, savoyards[10], français, anglais, flamands, allemands, russes, mongols, voire mexicains de la rĂ©cemment dĂ©couverte AmĂ©rique[11], Indiens de lâInde, etc., ou encore grecs, comme les terribles frĂšres Barbe-Rouge, les puissants pirates qui surent utiliser lâempire ottoman pour crĂ©er leur propre royaume en Afrique du nord.
Lâune des activitĂ©s de ces pirates consiste Ă prendre en esclavage le plus de chrĂ©tiens possibles (vingt-cinq mille chrĂ©tiens prisonniers en 1580), de les soumettre et Ă©ventuellement de les convertir, tout en leur ayant fait passer auparavant toutes les humiliations possibles, cruelle revanche sur leur misĂ©rable vie antĂ©rieure en terre chrĂ©tienne. Parfois, les captifs sont des nobles ou des riches et, dans ce cas, une rançon est exigĂ©e, ce qui finira par se transformer en un fructueux nĂ©goce, avec lâintercession, bien Ă©videmment, de lâEglise Catholique, empochant au passage de coquets pourcentages. Mais nâoublions pas que cet ouvrage a Ă©tĂ© Ă©crit par un Espagnol (je traiterai plus loin des mystĂšres entourant son auteur) qui dĂ©clare dans le texte Ă plusieurs reprises son hispanitĂ©.
Le royaume dâEspagne, Ă peine sorti de la ReconquĂȘte (lâinvasion des territoires des rois maures dans la PĂ©ninsule IbĂ©rique) devait par consĂ©quent traiter avec une population indigĂšne constituĂ©e dâun tiers au moins de musulmans et de juifs ainsi quâun autre bon tiers de mĂ©tis. Le pouvoir en place sâĂ©tait orientĂ© trĂšs rapidement, en dĂ©pit des premiers accords[12], plus tolĂ©rants, vers la privation des droits civils, le rançonnage ou lâexpulsion des descendants de non catholiques. Ainsi furent provoquĂ©s de grands dĂ©sordres sociaux, des bouleversements de fortunes ainsi quâune crise de lâagriculture qui mĂšnera le royaume au bord de la famine, un ensemble de circonstances tragiques qui aura pour consĂ©quence la fuite incessante et massive des non catholiques espagnols, possesseurs du savoir technique hĂ©ritĂ© de la prodigieuse civilisation arabo-andalouse.
Les terres musulmanes de lâAfrique du nord, Ă©taient alors plus hospitaliĂšres, mĂȘme pour les juifs, et leur proximitĂ© permettait dâincessants Ă©changes, commerciaux ou guerriers. Ainsi commença ce que certains historiens espagnols nomment aujourdâhui « la derniĂšre des guerres de reconquĂȘte », avec la prise dâOran par Ferdinand dâEspagne en 1509, puis celle de Tunis en 1535 par Charles Quint Ă laquelle succĂ©dera une sorte de âprotectoratâ espagnol jusquâĂ la fin du siĂšcle. En 1573 la Sainte Ligue, menĂ©e par Don Juan dâAutriche[13] remporte la bataille de LĂ©pante, durant laquelle le soldat CervantĂšs perdra lâusage de sa main gauche[14]. La volontĂ© espagnole et catholique de dominer la MĂ©diterranĂ©e fait front Ă la farouche rĂ©sistance de lâislam, incarnĂ©e par la puissance de lâempire ottoman. En 1578, lâempire ottoman reconquiert Tunis aux espagnols. Il sâagit dâune guerre « sale », oĂč tous les coups sont permis, les ottomans attaquant par le biais de leurs vassaux, les pirates dâAlger, et le monde chrĂ©tien se divisant vis-Ă -vis de ceux-ci (François Ier, roi de France, fut lâalliĂ© de Soliman le Magnifique, sultan de Turquie, et de Barbe-Rouge son vassal contre lâEspagne de Charles Quint).
Cependant, lâEspagne, au tournant du 16Ăšme siĂšcle, sâĂ©puisait par ses incessantes conquĂȘtes, se diluait dans cet empire trop grand qui dĂ©fiait les limites de lâimagination. De surcroĂźt, lâEglise Catholique espagnole, non contente dâexercer cette pression morale et sociale sur les non catholiques et leurs descendants, maintenait aussi Ă la force une double pression Ă©conomique. Elle interdisait aux nobles catholiques le commerce, tout en spoliant les descendants de non catholiques Ă la moindre occasion (la possession de certains livres citĂ©s dans cet ouvrage pouvait mener leur possesseur au bĂ»cher et sa famille Ă la ruine absolue), ce qui finit par la transformer en la plus riche institution espagnole, et par consĂ©quent la plus riche du monde chrĂ©tien. Ă ce stade, elle choisit de sâinvestir dans le pouvoir et parvint ainsi Ă vampiriser le faiblissant empire espagnol, cependant encore riche de lâimmensitĂ© de ses nouveaux horizons, en lançant ses successives Inquisitions. Le pays en fut gravement diminuĂ©, avec le concours plus ou moins contraint[15] de Philippe II puis de Philippe III dâEspagne (le roi qui donne licence de publication Ă cet ouvrage), ce qui provoqua encore de plus nombreuses fuites, de descendants de musulmans ou de juifs vers lâAfrique du nord, souvent avec lâaide -intĂ©ressĂ©e- des Marseillais.
Le pouvoir de lâInquisition en Espagne est sans nul doute Ă lâorigine de lâĂ©pais mystĂšre qui entoure lâauteur de ce livre, car en effet, cet ouvrage, Ă plus dâun titre[16], aurait dĂ» ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une Ćuvre parfaitement hĂ©rĂ©tique, et aurait dĂ» terminer sa carriĂšre sur un bĂ»cher plutĂŽt quâentre vos mains. Mais, tout au contraire, le roi dâEspagne Philippe III interdit dans son Ă©dit royal et licence de publication que « lâon dise du mal ou que lâon censure » cet ouvrage « qui a tant fait parler de lui dans nos royaumes de Castille[17] », sous peine dâune trĂšs lourde amende en maravĂ©dis[18], ce qui reprĂ©sente une disposition absolument exceptionnelle. Il semble par ailleurs invraisemblable que ni Antonio de Herrera, historien de la cour dâEspagne, ni Antonio Cornejo, supĂ©rieur de lâordre bĂ©nĂ©dictin, nâaient rien trouvĂ© dans cet ouvrage qui « soit contraire aux bonnes mĆurs », surtout quand on songe Ă la description des pratiques sexuelles mentionnĂ©es dans ce livre ou encore la description « technique » de la circoncision, et aux rigoureux tabous imposĂ©s sur ces sujets par lâEglise catholique romaine dâEspagne.
On peut alors supposer que la personnalitĂ© de lâauteur dĂ©clarĂ©, Diego de HaĂ«do, abbĂ© de FrĂłmista[19], ait pu le protĂ©ger des foudres inquisitoriales. NĂ©anmoins, selon Daniel Eisenberg, Diego de HaĂ«do nâa jamais Ă©tĂ© en Alger (or il est Ă©vident, de par lâabondance et la prĂ©cision des dĂ©tails, que lâauteur y a sĂ©journĂ© longtemps). Son oncle a en revanche bel et bien existĂ© (lâouvrage est curieusement dĂ©diĂ© Ă lâhomonyme de lâauteur, son oncle) et a Ă©tĂ© archevĂȘque de Palerme. Mais il ne semble avoir existĂ© quâun autre Diego de HaĂ«do, mort en 1909, lequel, curieusement a Ă©tĂ© « panĂ©gyriste » de CervantĂšs, comme le signale le tombeau familial des De HaĂ«do[20], au pays basque espagnol, dans le val de Carranza, une terre difficile dâaccĂšs en Biscaye[21].
Une enquĂȘte approfondie mâa dĂ©voilĂ© que HaĂ«do nâa pas Ă©tĂ© abbĂ© Ă FrĂłmista (source : mairie de FrĂłmista, Galice, Espagne), et que lâordre bĂ©nĂ©dictin nâavait jamais ordonnĂ© dâabbaye dans cette ville (source : monastĂšre de Silos, archive de lâordre bĂ©nĂ©dictin, Espagne). Ainsi, nous avons donc un auteur fantĂŽme qui semble dĂ©fendu jusque par le roi dâEspagne. Par ailleurs, de grossiĂšres fautes de latin apparaissent dans lâĂ©dition originale comme Milites Pretoriti ([22]) (fautes qui ont Ă©tĂ© corrigĂ©es dans les Ă©ditions ultĂ©rieures), invalidant ainsi lâhypothĂšse dâun auteur lettrĂ© catholique, qui nâaurait pu commettre de si grotesques fautes en latin[23]. Nous sommes donc face Ă un auteur qui a pris soin de se dissimuler derriĂšre une fausse identitĂ©, comptant sur des appuis royaux, et fort probablement bĂ©nĂ©dictins (qui maintenaient une sorte de conflit larvĂ© avec dâautres ordres religieux catholiques, comme les dominicains, qui capitalisĂšrent les Inquisitions).
Ce texte ne consiste pas seulement en un regard sĂ©vĂšre, mais aussi admiratif, quant Ă lâadministration et Ă son efficacitĂ©, sur la sociĂ©tĂ© pirate dâAlger. Il comporte aussi de dures critiques vis-Ă -vis de la sociĂ©tĂ© espagnole et chrĂ©tienne et dĂ©nonce amĂšrement des comportements qui ne se donnent quâen terre chrĂ©tienne (le jeu, lâalcoolisme, le manque de discipline des armĂ©es catholiques), ou dâautres, qui se donnent dans toutes les cultures (le manque dâhumanitĂ©) et enfin la corruption, au plus haut niveau, dans le royaume dâEspagne. Soulignons que dans cette Ćuvre, les allusions au Mestre de Montesa[24], citĂ© page 227 ou au Vice-Roi dâEspagne en Sicile, le Duc de Terranova[25], page 225, correspondent Ă de divers dĂ©lits perpĂ©trĂ©s par ces hommes. Câest une forme trĂšs cervantine dâattirer lâattention sur ces cas sans pour autant les dĂ©noncer ouvertement. Nâoublions pas quâĂ lâĂ©poque, les critiques sociales se devaient dâĂȘtre particuliĂšrement dissimulĂ©es (voir « LâĂ©loge de la folie », dâErasmus) pour que leur auteur espĂšre Ă©chapper au bĂ»cher ou Ă une lourde condamnation.
Soulignons aussi les passages sur les jardins dâAlger, oĂč lâauteur ne peut dissimuler lâamour excessif quâil leur porte. Nous savons que CervantĂšs, durant lâune de ses rocambolesques Ă©vasions[26], sâest rĂ©fugiĂ© dans lâun de ces jardins, durant des semaines et en compagnie dâune vingtaine de chrĂ©tiens, plus particuliĂšrement dans le jardin de la femme dâAbd-el-Malik[27], roi de Fez, jardin longuement signalĂ© et amoureusement dĂ©crit[28] dans la âTopographie et histoire gĂ©nĂ©rale dâAlgerâ.
Par ailleurs certains passages prĂ©sentent un net intĂ©rĂȘt stratĂ©gique, en particulier la description des murailles et forces de dĂ©fenses dâAlger, Ă©crites dans des buts militaires, lâinvasion du royaume par les troupes espagnoles. Il est parfaitement Ă©vident que lâauteur est un homme de guerre, et non de robe. Il est aussi Ă©vident de par la construction de ce texte quâil sâagit dâun littĂ©raire, et de grand talent, pour la vivacitĂ© et « lâauthenticité » des scĂšnes dĂ©crites (je dĂ©battrai plus loin de celle-ci), par sa façon dâorienter nĂŽtre lecture, comme par exemple quand il mesure la muraille dâAlger Ă base de âtir de balisteâ (lâarme dĂ©clarĂ©e hĂ©rĂ©tique des dangereux rebelles protestants de Flandres[29], indiquant ainsi au roi dâEspagne un mĂȘme niveau de dangerositĂ© en Alger). Seul un homme en Espagne Ă cette Ă©poque rĂ©unit toutes ces qualitĂ©s et de surcroĂźt il est restĂ© cinq longues annĂ©es prisonnier en Alger, il sâagit du gĂ©nial Miguel de CervantĂšs. De surcroĂźt, lâauteur de la Topographie et Histoire GĂ©nĂ©rale dâAlger cite des traditions disons ethnico-catholiques espagnoles (« el obispillo » et « la maya ») et les qualifie de « nĂŽtres ». Or, en Espagne, ces traditions et rites particuliers sont trĂšs rĂ©gionalisĂ©s. La rĂ©gion dâorigine de ces traditions citĂ©es dans la « TopographieâŠÂ » est Castilla-La Mancha, câest-Ă -dire la terre dâorigine de CervantĂšs. De Haedo est supposĂ© venir du Pays Basque et lâautre auteur supposĂ©, de Sousa, est du Portugal. Enfin, les nombreuses allusions Ă lâanatomie humaine contenues dans la « TopographieâŠÂ » invalident aussi les thĂ©ories selon lesquelles lâauteur serait un lettrĂ© catholique. Ă cette Ă©poque en Espagne, lâanatomie Ă©tait une science presque frappĂ©e dâanathĂšme, suspectĂ©e dâĂȘtre Ćuvre de convertis (Ă cause de la supĂ©rioritĂ© scientifique des musulmans, encore prĂ©sente dans les mĂ©moires) voire du diable. Le pĂšre de Miguel de CervantĂšs Ă©tait chirurgien.
Les mystĂšres qui entourent cette dĂ©tention sont innombrables, Ă commencer par la propre survie de CervantĂšs. Comment est-il possible quâun esclave manchot[30], invalide, ait pu survivre dans la citĂ© des pirates ? Les esclaves chrĂ©tiens prĂ©fĂ©rĂ©s des pirates Ă©taient soit de robustes gaillards que lâon mettait aux rames, soit des adolescents adoptĂ©s comme mignons, soit encore des nourrices aux seins gorgĂ©s de lait. Les autres Ă©taient traitĂ©s comme du bĂ©tail. Il est vrai que CervantĂšs recevait un traitement de faveur, car les pirates avaient trouvĂ© sur lui les lettres de Don Juan dâAutriche le recommandant pour son courage hĂ©roĂŻque, lors de la bataille de LĂ©pante. Par consĂ©quent, les pirates demandĂšrent une rançon exorbitante, de cinq mille doublons (ce qui rend compte de la corruption associĂ©e Ă ce type de lettre en Espagne) absolument hors de portĂ©e des recours Ă©conomiques de la famille de CervantĂšs, mais son dernier maĂźtre, Hassan Pacha le VĂ©nitien, le laissa partir pour seulement cinq cent doublons, alors que lâattendait un prĂ©cieux destin en tant que cadeau politique pour le Grand Vizir, prĂ©sidant le diwan[31] des Pachas[32] Ă Istanbul. Les coĂ»teux cadeaux Ă cet homme se faisaient toujours avec des vues quant Ă lâobtention dâune charge politique dâimportance. Comment est-il possible quâHassan Pacha ait abandonnĂ© son idĂ©e premiĂšre ? Avait-il une autre conspiration en tĂȘte, qui incluait le tĂ©moignage irrĂ©vocable dâun hĂ©roĂŻque chrĂ©tien captif, de retour sur ses terres ? Encore un mystĂšreâŠ.
Quelques auteurs contemporains, tels Georges Camamis ou Emilio Sola, Maria Antonia Garces, affirment que lâauteur de la « TopographieâŠÂ » pourrait ĂȘtre Antonio de Sosa, un Ă©rudit et homme de robe, ami et compagnon dâinfortune de CervantĂšs[33]. Les nombreuses et grossiĂšres erreurs en latin comme Milites Pretoriti ([34]), alors quâil aurait fallu dire Miles Praetorianii (erreurs corrigĂ©es dans les Ă©ditions ultĂ©rieures), ainsi que les rĂ©fĂ©rences Ă lâanatomie, ne permettent de soutenir cette thĂšse. Il est par ailleurs difficilement crĂ©dible que de Sosa, portugais, pu sâexprimer avec autant de brio dans lâespagnol classique du siĂšcle dâOr (de surcroĂźt, Ă ma connaissance, il nâexiste pas dâautre texte qui lui soit attribuĂ© avec certitude). Je ne comprends guĂšre comment les spĂ©cialistes contemporains nâont pas Ă©tĂ© sensibles Ă la beautĂ©, Ă la modernitĂ© et Ă lâhumour noir de ce texte. Un des points dâhonneur de CervantĂšs consistait en sa revendication dâĂȘtre le premier Ă©crivain en castillan âintroduction des âRomans exemplairesâ. Un autre grand mystĂšre me tourmente: pourquoi tant dâenquĂȘteurs et universitaires contemporains (mis Ă part Daniel Eisenberg et Jean Canavaggio) se compromettent au point dâaffirmer que CervantĂšs NâA PAS Ă©crit la âTopographie…â, mais sans arguments concluants, comme si câavait Ă©tĂ© une convention Ă©tablie et irrĂ©vocable, peut-ĂȘtre parce que le propre texte dĂ©voile que son auteur sâest sans doute converti Ă lâIslam, puisquâil signale avoir argumentĂ© avec des marabouts Ă propos de lâislam (p.222, note 8), un privilĂšge qui nâĂ©tait pas Ă la portĂ©e des esclaves chrĂ©tiens en Alger. Dans lâAlger du 16Ăšme siĂšcle, un esclave chrĂ©tien ne pouvait prĂ©tendre Ă une telle familiaritĂ© et seul un musulman pouvait oser sâadresser ainsi Ă un lettrĂ© musulman. Toutefois, il faut reconnaĂźtre que la version sur laquelle travaillent ces universitaires est un ex-libris et date de 1929 durant la dictature de Primo de Rivera. Dans cette version, par exemple, on a âcorrigĂ©â les erreurs de latin, nous privant de ce fait dâun important dĂ©tail.
Enfin, ce sont les indications contenues dans la « Topographie et histoire gĂ©nĂ©rale dâAlgerâŠÂ » (« ⊠Miguel de CervantĂšs, de AlcalĂĄ de Henares ») qui ont permis aux spĂ©cialistes du dix-huitiĂšme siĂšcle de retrouver lâacte de naissance de lâĂ©crivain manchego.
De nombreux dĂ©tails romanesques donnent aussi Ă penser que CervantĂšs est lâauteur de cet ouvrage surprenant, tant la dĂ©dicace, sournoise et pleine dâabsurde, que lâapparition du propre CervantĂšs dans les pages de celui-ci (le traitĂ© comportant ces indications nâest pas inclus dans ce premier ouvrage et fera lâobjet dâune prochaine Ă©dition). Il sâagit lĂ dâun trait typique de cet auteur, qui parle dans « Le traitĂ© dâAlger », dans « Don Quichotte » et dans « Le gaillard espagnol » des exploits dâun certain de Saavedra, qui nâest autre que lui-mĂȘme. Dâun autre cĂŽtĂ©, un humour noir, mordant, celui-lĂ mĂȘme qui caractĂ©rise CervantĂšs, imprĂšgne la âTopographie dâAlgerâ. Il fallait avoir un caractĂšre bien trempĂ© pour rire de ses maĂźtres, comme par exemple, page 62, quand il se rit de la panique des algĂ©riens Ă lâArmada Espagnole (laquelle en rĂ©alitĂ© allait se battre ailleurs, sortant de CĂĄdiz cap sur lâAtlantique et sur le Portugal, le roi Don Sebastian Ă©tant mort sans descendance). Ău lieu du dĂ©sespoir que lâauteur a du sentir voyant sâĂ©loigner ses Ă©ventuels sauveurs, celui-ci nous offre une blague sur les angoisses stupides de ses impitoyables maĂźtres.
Une autre preuve troublante de la duplicité littéraire de CervantÚs se trouve dans Don Quichotte.
Dans le livre deuxiĂšme, il fait affirmer Ă ce personnage que lâauteur de ses aventures nâest autre que⊠Sidi Ahmed Ben Djeli (ou Cid Hamete Ben Jeli). Certains universitaires du Maghreb affirment quâil pourrait sâagir dâun auteur Turc en vogue Ă Alger Ă lâĂ©poque, mais dont les Ă©crits auraient disparu depuis.
Pour ma part, jâen suis venue Ă me demander sâil ne sâagissait pas lĂ dâun nom de renĂ©gat, et peut-ĂȘtre dâun aveu absolument crucial. Car lâauteur de la « TopographieâŠÂ » a visitĂ© sĂ©pultures et mosquĂ©es, dâoĂč il dĂ©crit le salat ou oraison, il a discutĂ© Ăąprement avec des marabouts ou docteurs en loi musulmane. Ce qui signifie que lâauteur a du se convertir Ă la foi musulmane, certainement pour sauver sa vie car il est inconcevable, au regard de lâislam du 16Ăšme, quâun esclave chrĂ©tien puisse adresser la parole Ă un marabout. NĂ©anmoins, Ă cĂŽtĂ© dâune grande prĂ©cision, on trouve des descriptions plutĂŽt fantaisistes, que lâon peut supposer mues par un dĂ©sir de vengeance.
On a aussi lâimpression quâil nous parle dâun Coran assez diffĂ©rent de celui que nous connaissons de nos jours, dâun Islam intĂ©grant tant les pratiques magiques comme les prĂ©dictions basĂ©es sur les songes (formellement rĂ©prouvĂ©es par la tradition chiite actuelle). Il est aussi possible que lâIslam pratiquĂ© par les pirates renĂ©gats soit tout aussi mĂ©tissĂ© que leurs propres existences, toujours entre deux univers, entre Europe et Afrique, entre la nĂ©buleuse ottomane et lâespagnole, entre la chrĂ©tientĂ© et lâislam. On comprend ainsi que dans le royaume dâAlger, les renĂ©gats se cherchent des excuses pour pouvoir continuer Ă consommer des produits porcins (selon eux, le porc nâaurait tachĂ© lâhabit du ProphĂšte que dâun seul cĂŽtĂ©, on pouvait donc consommer lâautre cĂŽtĂ© du cochon ; bien que cette idĂ©e ait Ă©tĂ© soulevĂ©e trois siĂšcles plus tĂŽt par AverroĂšs, lâAuteur la voit comme une excuse et critique les mauvais musulmans, les tricheurs). Il semblerait que lâAuteur a aussi vĂ©cu de trĂšs prĂšs des situations familiales, au point de se plaindre amĂšrement du comportement des femmes dâAlger. Dâautre part, il est de notoriĂ©tĂ© publique que CervantĂšs fut un prisonnier remuant, qui rĂ©alisa au moins quatre tentatives dâĂ©vasion. Une seule de celles-ci aurait normalement dĂ» se payer dâune mort atroce, ou de tourments sans fin, la seule Ă©chappatoire possible Ă©tant la conversion Ă lâislam. Or CervantĂšs revint sain et sauf, et entier en Espagne, en septembre 1580, une fois la rançon miraculeusement payĂ©e, au moment oĂč ses maĂźtres algĂ©riens avaient dĂ©cidĂ© de lâenvoyer Ă Constantinople comme « cadeau » pour le Grand Vizir.
Mais le hĂ©ros ne fut pas reçu avec tous les honneurs dans sa terre natale, au point que Daniel Eisenberg sâinterroge dans une autre thĂšse « Pourquoi CervantĂšs est-il rentrĂ© en Espagne ? ». Dans le climat de guerre larvĂ©e mentionnĂ© prĂ©cĂ©demment, une si longue et si anodine dĂ©tention ne pouvait que paraĂźtre suspecte. Un certain Blanco de Paz, dans « Vers une vĂ©ritable histoire du captif Miguel de CervantĂšs » publiĂ© Ă Valladolid, dĂ©nonce que celui-ci aurait fait en Alger des « choses vicieuses, laides et malhonnĂȘtes », ce Ă quoi le grand Ă©crivain rĂ©pondit que lâauteur avait dĂ» ĂȘtre payĂ©, non pas en monnaies dâor, mais dâun pot de saindoux, suggĂ©rant par lĂ avec beaucoup de malice certaines pratiques non alimentaires liĂ©es Ă la graisse. Car nos deux hommes se connaissaient, et de trĂšs prĂšs. Juan Blanco de Paz, moine dominicain dâExtremadura, prisonnier volontaire en Alger (les religieux espagnols se proposaient en versement de la rançon des otages en Alger, oĂč ils jouaient alors un rĂŽle dâagent double) en mĂȘme temps que Miguel de CervantĂšs, dĂ©nonça celui-ci au roi dâAlger, Hassan Pacha le VĂ©nitien. Il avait agi par dĂ©pit, ayant Ă©tĂ© exclu dâune tentative dâĂ©vasion promue par lâĂ©crivain, au titre de mouchard attitrĂ© (le moine dominicain dĂ©nonçait auprĂšs du roi dâEspagne tout comme auprĂšs du bey dâAlger). Cependant CervantĂšs, une fois de plus, parvint Ă sauver sa peau de façon inexpliquĂ©e, et finit par ĂȘtre rapatriĂ© en Espagne.
Blanco de Paz, inexorable, lây attendait de pied ferme, sâĂ©tant arrangĂ© pour intĂ©grer la Commission Inquisitoriale chargĂ©e dâĂ©tudier la dĂ©tention en Alger de Miguel de CervantĂšs. Le religieux poursuivit celui-ci de ses accusations, dont le fondement ne put ĂȘtre prouvĂ©, ce qui en soi est assez curieux. CervantĂšs avait-il jouĂ© un rĂŽle en Alger ou rendu un service suffisamment considĂ©rable pour bĂ©nĂ©ficier de soutiens en Espagne et Ă©chapper ainsi aux griffes de lâInquisition ? LâĂ©tude des services secrets espagnols sous les rĂšgnes de Philippe II et Philippe III devrait nous Ă©claircir Ă ce sujet (voir Emilio Sola).
Cependant, lâobsession et la rancĆur de Blanco de Paz Ă lâencontre de CervantĂšs semblent avoir Ă©tĂ© telles que certains universitaires nâhĂ©sitent pas y Ă voir Avellaneda, lâauteur du Don Quichotte apocryphe (une Ćuvre mĂ©diocre qui fut publiĂ©e entre les deux livres, sous un faux nom et qui forcera CervantĂšs Ă Ă©crire le livre deuxiĂšme), ou encore comme le mage, cet ennemi inconnu et acharnĂ© qui, tout au long de lâĆuvre, poursuit le chevalier Ă la triste figure. Quoiquâil en soit, il est juste de considĂ©rer que CervantĂšs avait durant ces cinq annĂ©es accumulĂ© une gigantesque somme dâinformations sur la ville et fort probablement tenait des contacts au plus haut niveau du gouvernement dâAlger, mais quâil ne pouvait dĂ©voiler publiquement, Ă©tant surveillĂ© de prĂšs par son pire ennemi, alliĂ© de lâInquisition. Dans ses conditions, il est donc parfaitement concevable quâil ait eu recours Ă un prĂȘte-nom, prĂȘtre de surcroĂźt (dont lâappartenance Ă lâordre bĂ©nĂ©dictin ne peut relever dâun hasard), afin de faire publier cette information, qui, par ailleurs, lui fournissait un excellent alibi face Ă lâInquisition, le texte signalant la conduite hĂ©roĂŻque et parfaitement chrĂ©tienne de Miguel de CervantĂšs. Mais ceci amĂšne aussi Ă se questionner sur la vĂ©racitĂ© des faits rapportĂ©s dans la « TopographieâŠÂ », comme le propose lâitalienne Pina Rosa Piras dans son article : « Cervantes : lâinformation dâAlger, entre fiction et documentaire ».
Je veux proposer au lecteur du troisiĂšme millĂ©naire de se laisser emporter par ce fabuleux et impitoyable portrait du monde vieux de quatre siĂšcles, tant musulman que chrĂ©tien, et dây discerner les causes de notre actuelle mĂ©sentente, afin de rĂ©cupĂ©rer notre mĂ©moire commune.
Enfin, je dois ajouter que je me suis retrouvĂ©e en prĂ©sence dâun autre mystĂšre, non cataloguĂ© cette fois-ci, mais peut-ĂȘtre plus Ă©mouvant encore : lâexemplaire que jâai utilisĂ© a Ă©tĂ© annotĂ© par une main non catholique, fort probablement musulmane, un Lecteur Anonyme employant un espagnol classique, mĂ©tissĂ© de « langue franche », et vantant les mĂ©rites de cet ouvrage, tout en sâindignant parfois « et vous ne faites pas et ne dites pas la mĂȘme chose, et pire encore, vous autres catholiques ? ! ». Plus loin, Ă une liste de martyrs chrĂ©tiens, il rajoute Ă la main trois noms musulmans, dont deux sont des renĂ©gats et un dernier, Maure, le trio ayant Ă©tĂ© sĂ©vĂšrement puni pour avoir aidĂ© des chrĂ©tiens dont ils ne supportaient pas les souffrances. Voici ce que M. Claude Bourgeois, graphologue, dit de son Ă©criture : « ⊠câest une personne, peut-ĂȘtre dâun certain Ăąge, au caractĂšre entier, individualiste, autonome, personne cultivĂ©e Ă la pensĂ©e fine et critique, vraisemblablement consciente de sa valeur ( orgueil ? ), plutĂŽt rigoriste, intransigeante, impliquĂ©e, sachant dĂ©fendre ses idĂ©es Ă laquelle elle tient, volontiers pointilleuse et combative, peut-ĂȘtre plus ou moins tourmentĂ©e, scrupuleuse, voire obsessionnelle, au jugement personnel et pĂ©remptoire.. ».
La personne qui a annotĂ© cet ouvrage faisait donc sans doute partie de la classe dirigeante en Alger (ce qui signifie aussi que ce livre, Ă sa publication, a rĂ©alisĂ© au cours des siĂšcles un Ă©tonnant et pĂ©rilleux pĂ©riple, depuis lâEspagne jusquâen Alger, oĂč le Lecteur Anonyme lâa annotĂ©, avant de revenir en Espagne, peut-ĂȘtre grĂące Ă un autre voyageur, jusque dans la BibliothĂšque âŠ).
Formentera, Baléares, Espagne, 11 juillet 2011
[1] Professeur de philologie hispanique Ă lâuniversitĂ© de Floride, USA.
[2] Le signal que la Police Municipale est lĂ .
[3] Croyant cathare parvenu au stade ultime de sa quĂȘte spirituelle.
[4] Seigneur occitan dépossédé de ses terres et possessions pour catharisme.
[5] LâĂźle de Majorque Ă©tait alors un royaume musulman, oĂč lâon estime que sâĂ©tait rĂ©fugiĂ©e la cour et la culture de Cordoue, lorsque la ville Ă©tait passĂ©e sous la domination des royaumes de taĂfa. Cette civilisation cultivĂ©e et peu guerriĂšre aurait pactĂ© la reddition de lâĂźle avec Jaume 1Âș(par ailleurs suspectĂ© dâamitiĂ© avec le catharisme) par lâintermĂ©diaire des juifs de BĂ©ziers (fuyant eux aussi lâInquisition contre les cathares)qui lâaccompagnaient, ce qui explique quâensuite dans son nouveau royaume ils aient obtenu les importantes responsabilitĂ©s Ă©conomiques qui furent les leurs.
[6] Jaume 1Âș roi dâAragon, nĂ© Ă Montpellier (France), a Ă©tĂ© suspectĂ© de âamitiĂ©s hĂ©rĂ©tiquesâ avant de se lancer Ă la âconquĂȘteâ de MayĂ»rca. Le prix de sa participation Ă la reconquĂȘte a Ă©tĂ© lâofficialisation par le pape de la langue catalane, alors que dans le mĂȘme temps et dans la mĂȘme bulle papale, lâoccitan et le provençal furent dĂ©clarĂ©es langues hĂ©rĂ©tiques (c-Ă -d on pouvait vous brĂ»ler si vous osiez les parler).
[7] EmployĂ©s tant dans lâindustrie navale que dans lâagriculture ou encore mis aux galĂšres. Par exemple, lâanalyse des chants traditionnels paysans majorquins a permis de dĂ©montrer lâorigine berbĂšre de ceux-ci, signalant donc la prĂ©sence dâesclaves maures dans le monde paysan BalĂ©are et espagnol.
[8] En contraste avec lâexistence marquĂ©e de tabous et dâinterdits du monde catholique, en particulier en Espagne, dĂ» au nombre Ă©levĂ© de convertis.
[9] Toute lâItalie du sud appartenait alors Ă la couronne espagnole.
[10] La Savoie et la Corse nâappartenaient pas alors Ă la France.
[11] Ce dĂ©tail est en soi trĂšs curieux, la politique de lâEspagne au niveau de ses nouvelles colonies Ă©tant de ne jamais ramener dâindigĂšnes Ă la maison, car on les suspectait dâĂȘtre les descendants des tribus juives perdues et quâils Ă©taient dĂ©jĂ suffisamment prĂ©occupĂ©s sur la puretĂ© de leur sang avec leurs convertis.  Comment est donc arrivĂ© cet indigĂšne mexicain en Alger?
[12] Accords de Loja.
[13] BĂątard de Charles Quint, avec une bourgeoise allemande, il devint lâamiral de lâArmada espagnole pour le compte du roi Philippe II, son demi-frĂšre, qui lâĂ©carta ainsi du pouvoir royal auquel il aurait pu prĂ©tendre. Il remporta de nombreuses victoires, dont celle de LĂ©pante.
[14] Et à la suite de laquelle il fut fait prisonnier et réduit en esclavage en Alger.
[15] Lâentreprise de chantage Ă lâhĂ©rĂ©tique de lâEglise catholique romaine atteignait aussi la royautĂ©, sans parler des prĂȘts Ă©conomiques consentis par celle-ci pour la conquĂȘte des AmĂ©riques.
[16] Les livres hĂ©rĂ©tiques citĂ©s â Jean de LĂ©on, Description dâAfrique, a menĂ© bien des innocents au bĂ»cher, jusquâau 18Ăšme siĂšcle, notamment Ă Majorque â les descriptions de rituels dâautres religions, les descriptions des pratiques sexuelles, notamment des homosexuelles, etc.
[17] Il est curieux que cette notoriĂ©tĂ© soit aujourdâhui si oubliĂ©e mais il est aussi possible que le succĂšs dĂ©crit ne fut quâune mode de cour, comme en tĂ©moigne le plagiait de VĂ©lez de Guevara, un Ă©crivain mineur de la Cour de Philippe III dâEspagne (voir note 2, page 33).
[18] Le maravĂ©di est et signifie âmonnaie almoravideâ. Il prĂ©sente une forme morisque et une signification chrĂ©tienne. Les maravĂ©dis furent frappĂ©s dans le but de faciliter le commerce avec les musulmans. espagnols. Aux temps de Felipe III, ils Ă©taient encore en usage, spĂ©cialement au sein des classes populaires.
[19] Galice, Espagne.
[20] RetrouvĂ© grĂące aux indications contenues dans la dĂ©dicace de la Topographie⊠il ne fait aucune mention de ce premier de HaĂ«do, supposĂ©ment contemporain de lâarchevĂȘque de Palerme .
[21] RĂ©gion de Bilbao, Euskadi, Espagne.
[22] Garde prĂ©torienne ; lâauteur Ă©tablit ainsi un intĂ©ressant parallĂšle entre lâadministration romaine et turque. Mais cette expression nâest pas latine, au mieux elle signifie âsoldats de lâusurierâ. Pour signifier âmilices prĂ©toriennesâ en latin, il faudrait dire Miles Praetorianii .
[23] CervantĂšs ne connaissait pas le latin et lâauteur de la TopographieâŠ, comme il le reconnaĂźt dans le propre texte, non plus, alors quâautant lâauteur dĂ©clarĂ© comme le suspectĂ© Ă©taient tous deux des lettrĂ©s catholiques, en consĂ©quent trĂšs familiers du latin.
[24] Membre de la famille Borgia, il fut condamnĂ© pour sodomie par lâInquisition et est soupçonnĂ© dâavoir dĂ©tournĂ© beaucoup de biens, ruinant ainsi lâordre de Montesa, un trĂšs vieil ordre militaire de la rĂ©gion dâAlicante, crĂ©Ă© au moment de la dissolution des Templiers, et qui jouissait encore dâune relative indĂ©pendance vis-Ă -vis du pouvoir Ă Madrid.
[25] « Une bataille navale Ă Capri, narrĂ©e par le capitaine Galgo » texte attribuĂ© Ă CervantĂšs, qui dĂ©nonce la contrebande de sucre ordonnĂ©e par le Vice-Roi, dont lâappĂąt du gain le mena au naufrage, Ă lâattaque des pirates, Ă la mort ou dĂ©tention de ses hommes et Ă la prise dâimages saintes catholiques qui furent pendues pour opprobre publique dans les rues dâAlger.
[26] Quatre au total, alors quâune seule Ă©tait normalement chĂątiĂ©e dâune mort atroce, pendaison aux crocs de la muraille, empalement sur la plage, etc.
[27] O Muley Maluch, ainsi nommĂ© dans diffĂ©rentes Ćuvres de CervantĂšs (Les Bains dâAlger, Don Quijote, etc.). Notons que le Lecteur Anonyme a soulignĂ© ce nom dâun diĂšse en marge.
[28] Durant des semaines, rĂ©fugiĂ©s dans la caverne de ce jardin, CervantĂšs ainsi quâune vingtaine de fugitifs, furent approvisionnĂ©s par les jardiniers maures (qui par la suite de ce fait furent condamnĂ©s au bĂ»cher), dans lâespoir dâune galĂšre chrĂ©tienne qui ne viendrait jamais. Dans le second tome (prochaine publication), lâAuteur de la Topographie… nous dit : ââŠde ce qui sâest racontĂ© lĂĄ, on pourrait en faire un romanâŠâ
[29] La prĂ©occupation militaire principale de Philippe III dâEspagne.
[30] Cervantes a perdu lâusage de sa main gauche durant la bataille de LĂ©pante. Alors quâon le rapatriait en Espagne, la galĂšre Sol qui lâemmenait fut abordĂ©e par les pirates dâAlger et il fut fait prisonnier et rĂ©duit en esclavage.
[31] Conseil.
[32] Conseillers personnels du sultan de lâempire ottoman.
[33] Les deux seuls esclaves chrétiens cités nominément dans cet ouvrage.
[34] Garde prĂ©torienne ; lâauteur Ă©tablit ainsi un intĂ©ressant parallĂšle entre lâadministration romaine et la turque. Mais cette expression nâest pas latine, au mieux elle signifie âsoldats de lâusurierâ. Â