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“Capitalisme et pulsion de mort”, par Bernard Maris et Gilles Dostaler

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L’idée du livre est de rapprocher la pensée de Freud et celle de Keynes, dans le contexte de la crise actuelle. Un chapitre sur Freud, “Freud et la pulsion de mort”, un chapitre sur Keynes, “Keynes et le désir d’argent”, un chapitre de synthèse, “Freud et Keynes aujourd’hui”. Nos deux auteurs sont persuadés que l’humanité est animée d’une pulsion à se détruire, comme l’illustrerait la crise actuelle, comparée sans ambages à celle de 29. Le tout emballé en 160 pages qui se vendront sans doute comme des petits pains…

L’introduction est d’une rare arrogance, que d’ailleurs ne justifie pas le style. Dès la première page, l’alarme est lancée :

« Mais si nous tendons l’oreille, des bruits de botte sinistres se font entendre en Russie, en Autriche, dans les ex-républiques soviétiques, dans les pays d’Europe même. »

Comme si l’Autriche et la Russie n’étaient pas en Europe… Brillant. Et le rappel sur l’Autriche – avec son bien inoffensif Jörg Haider, mort d’ailleurs dans sa BMW il y a quelques mois suite à un mauvais virage – est tellement outré, tellement exagéré, que ça en devient grotesque. La gauche française aime bien se créer des épouvantails. Les bruits de botte venant d’Autriche, c’est cela, oui. Ils se font peur à bon compte, se rejouent l’Anschluss…

Un peu plus loin, p. 22 et 23 :

« Keynes appartenait à la “bourgeoisie intellectuelle”, croyant au progrès de l’humanité. Elle a peu à voir avec la bourgeoisie contemporaine, prédatrice et cupide, vulgaire, plus stupide sans doute que cynique, qui n’est animée par aucun idéal et se contente de s’autocélébrer. » […]

« L’armateur (suite à une parabole lourdingue sur le Titanic) est notre bourgeoisie, dont la lâcheté suivra, n’en doutons pas, l’aveuglement. »

Facile de taper sur la bourgeoisie, tout le monde sera d’accord et ça ne mange pas de pain. Facile, mais tellement pauvre, il s’agit encore de se trouver un épouvantail commode. Comme si nos deux profs n’appartenaient pas eux aussi à cette bourgeoisie. Bien sûr, eux ne sont ni lâches, ni aveugles, ni cupides, ni prédateurs, ni vulgaires, ni cyniques, ni contents d’eux (…), ni sans aucun idéal… Seule cette bourgeoisie, dont on ne sait pas trop qui ni où elle est, réunit tous ces défauts abominables… On a l’impression de lire un conte pour enfants, avec le méchant ogre, ou un manuel pour les membres du PCUS en 1952, avec les odieux bourgeois, cupides et lâches…

Au moins, Marx savait écrire. Quel lyrisme ! Et savait reconnaître les qualités de ses ennemis, sans se parer lui-même a contrario de toutes les vertus :

« La bourgeoisie, au cours de sa domination de classe à peine séculaire, a créé des forces productives plus nombreuses et plus colossales que ne l’avaient fait toutes les générations passées prises ensemble. La domestication des forces de la nature, les machines, l’application de la chimie à l’industrie et à l’agriculture, la navigation à vapeur, les chemins de fer, les télégraphes électriques, le défrichement de continents entiers, la régularisation des fleuves, des populations entières jaillies du sol – quel siècle antérieur aurait soupçonné que de pareilles forces productives dorment au sein du travail social ? »

Dostaler et Maris font de Keynes une espèce de demi-dieu, prescient, sage, génial… En témoigne la hiérarchie implicite de cette phrase (pages 102-103) :

« La concurrence de Keynes n’est pas celle du “doux” commerce de Montesquieu, auteur pour lequel au demeurant il a la plus grande estime, etc. ».

On est charmé d’apprendre que Keynes estimait Montesquieu, mais on rappellera à nos deux zélotes que le second peut très bien s’en passer et que le premier sera peut-être depuis bien longtemps oublié quand on continuera à lire Montesquieu, ils ne jouent pas dans la même cour. La proximité de Keynes nous fait oublier un fait majeur : il faut davantage de temps pour distinguer la gloire littéraire ou l’apport philosophique, tant d’auteurs qu’on encensait à telle époque ne font plus l’objet que de la critique rongeuse des souris, selon l’aimable expression de Marx.

D’un chapitre à l’autre, Maris et Dostaler lancent des affirmations quelque peu contradictoires. On apprend par exemple que Freud a craint toute sa vie la pauvreté (page 54 sq.) : « C’est que j’ai eu à connaître la pauvreté sans recours et que je la redoute sans cesse. » (lettre à W. Fliess, 21 sept. 1899), tandis que l’ouverture du chapitre suivant nous donne une citation du même allant un peu en sens inverse : « C’est pourquoi la richesse rend si peu heureux ; l’argent n’a pas été un souhait d’enfance ». Bon, on peut concilier les deux sans doute, mais le rapprochement crée un effet de confusion.

Le chapitre sur Keynes manifeste une connaissance érudite du grand économiste et de la période, avec des rappels intéressants – l’auteur (Dostaler, Maris ?) est à son meilleur lorsqu’il traite de l’entre-deux-guerres et des aspects monétaires internationaux (1) -, mais il se perd dans des considérations fumeuses sur l’argent, où se manifeste sa répugnance, avec force citations de Baudelaire et rappels des mythes grecs qui n’ajoutent pas grand-chose sinon une impression de pédantisme. Tout cela est assez ridicule, l’argent est une invention miraculeuse qui a permis la spécialisation, en rompant le troc, en multipliant les échanges, et qui a ainsi sorti peu à peu les groupes humains d’un isolement misérable. Les économistes se doivent de rappeler cette évidence de bon sens, au lieu de se perdre en développements confus ou moralisateurs sur l’argent et l’intérêt, tous deux maudits :

« Invention dangereuse, l’argent porte en germe les pires excès lorsque, d’intermédiaire des échanges, il se transforme en finalité de l’activité humaine. » (page 69)

Quelle remarque originale, quelle pensée profonde : l’argent ne doit pas être la finalité de l’activité humaine. Sans blague… On se croirait au catéchisme. Le rapprochement argent/excrément est aussi très facile, même si ce sont deux grands esprits qui l’ont fait :

« Keynes connaissait les liens que Freud avait établis entre l’érotisme anal et la propension à la thésaurisation, et l’identification inconsciente entre l’argent et l’excrément. Dans la Théorie générale, il fera un rapprochement entre l’argent et immondice », etc. (page 73).

Et encore la naïveté moralisante, page 77 :

« Ils n’ont pas (les hommes d’affaires) les capacités morales et intellectuelles suffisantes pour s’élever au-dessus des pulsions primaires et cherchent l’argent plutôt que l’amour, la beauté et la vérité. »

Ben voyons… C’est bien clair, les business(wo)men sont différents du commun des mortels, seul l’argent compte pour eux, ils ne cherchent pas l’amour, et préfèrent la laideur et le mensonge, s’il y a là moyen de s’enrichir… Que de tels balivernes et propos simplets puissent être ainsi assénés dépasse l’entendement, surtout au milieu d’un fatras pédant et confus de développements psychanalytico-économico-littéraires. Il est vrai que l’auteur tente ici de résumer la pensée de Keynes, qui est cité à la suite, mais le texte de Maynard est bien plus subtil et complexe, sa réduction dans la phrase ci-dessus laisse un sentiment un peu pénible.

Un exemple de ce fatras est le paragraphe suivant, remarquable par son côté abscons, on pourrait le lire à l’envers, changer la place des mots ou des phrases, permuter tant qu’on voudra, il n’aurait pas plus de sens, et pourrait se lire de la même façon. On pense à la prose de M. Jourdain (« Vos yeux beaux d’amour me font, belle Marquise, etc. ».) :

« On peut alors penser que la lutte effrénée contre la mort menée par le capitalisme n’est que le moyen d’accélérer la disparition de l’espèce. La substitution de l’accumulation à la lutte pour la subsistance ne serait qu’une ruse de la raison. En croyant aller plus tard vers le néant, on s’y précipiterait en réalité plus rapidement. »

L’expérience vaut d’être tentée :

« En croyant aller plus tard vers le néant, on s’y précipiterait en réalité plus rapidement. La substitution de l’accumulation à la lutte pour la subsistance ne serait qu’une ruse de la raison. On peut alors penser que la lutte effrénée contre la mort menée par le capitalisme n’est que le moyen d’accélérer la disparition de l’espèce. »

Ou encore :

« On peut alors penser que la lutte effrénée du capitalisme contre la disparition de l’espèce n’est que le moyen d’accélérer la mort. La substitution de la lutte pour la subsistance à l’accumulation ne serait qu’une raison de la ruse. En croyant se précipiter plus rapidement dans le néant, on ne ferait en réalité qu’y aller un peu plus tard. »

Aucun de ces paragraphes n’a de sens commun, pas plus l’original que ses déformations, c’est tout dire. On n’est pas loin, avec ce livre, du canular de Sokal et Bricmont. Sauf qu’ici il est involontaire.

Les auteurs n’hésitent pas non plus devant les contrevérités, comme page 128 :

« L’effondrement des régimes qui se réclamaient du marxisme a été accompagné d’un retour du religieux, dans les pays musulmans mais aussi aux États-Unis ».

C’est simplement faux pour les États-Unis qui enregistrent comme les autres pays occidentaux (quoique avec retard sur l’Europe) un déclin du sentiment religieux, Michael Lind dans une étude récente démolit cette affirmation avec une foule d’arguments et de faits précis :

« Beaucoup d’observateurs, à l’étranger, ont l’impression que les Américains deviennent plus religieux quand les Européens deviendraient plus laïcs. Ce n’est tout simplement pas vrai. Les Américains sont bien plus religieux que les Européens de l’Ouest, mais aux États-Unis, non moins qu’en Europe, la tendance à long terme est à une sécularisation accrue. » (voir suite en annexe).

L’affirmation sur la beauté est tout aussi fausse, page 132 : « La beauté ne fait pas partie du plan capitaliste ». Il faut avoir traversé la Russie, la Sibérie et la Mongolie, et voir l’abomination que le socialisme réel a entraînée un peu partout, avec toutes ces industries lourdes rouillant sur pied, toutes ces villes ravagées, toute cette pollution insensée, cette mer asséchée, ces déchets chimiques et radioactifs éparpillés, ses Koursk et Tchernobyl, et ensuite parcourir des pays capitalistes par excellence, comme les États-Unis, ou le Canada, avec l’abondance de sites magnifiques et bien entretenus, de villages léchés, de banlieues remplies de maisons agréables sans séparation autre que des espaces verts, de parcs nationaux, de musées et de villes superbes, avoir vécu en Nouvelle Angleterre, en Californie ou en Virginie, pour comprendre combien cette affirmation est ridicule, le capitalisme connaît bien la beauté, il l’entretient, il la crée, c’est l’absence de capitalisme qui tue définitivement la beauté. Le cas de la France et de sa laideur urbaine n’est guère convaincant en contrepartie, c’est bien dans une économie avec un État interventionniste omniprésent que toutes ces horreurs ont été créées.

Le couplet sur la « guerre propre » et les « frappes chirurgicales » (page 111) est d’une facilité lamentable, démagogique, sur des concepts qu’on peut bien sûr aisément tourner en dérision. Mais est-ce à juste titre ? Qui préférera les bombardements sur Dresde avec leurs dizaines de milliers de morts en une nuit aux guerres du Kosovo, d’Afghanistan ou d’Irak ? Qui ne voit qu’avec les moyens de destruction modernes, les bombardements pourraient être des centaines de milliers de fois plus meurtriers, comme à une époque où on n’hésitait pas à employer la force maximum pour une destruction maximum ? On ne peut que constater l’évolution en la matière, la mauvaise foi consiste à ne pas le voir, et à enfourcher des slogans.

On peut critiquer également l’affirmation classique, pages 20 et 119, selon laquelle les inégalités exploseraient entre les pays :

« Quelques horreurs économiques se profilent à l’horizon. Les écarts se creusent, tant à l’intérieur des pays riches qu’entre les nations. »

« En même temps, l’extension et la pseudo-égalité du marché mondial ont occulté une incroyable explosion des inégalités, à l’intérieur et entre les pays. »

S’il est exact de dire que les inégalités ont augmenté à l’intérieur des pays, il est absolument contraire à la vérité de soutenir que c’est aussi le cas entre les pays, d’autant que les auteurs, autre contradiction, constatent la croissance rapide de l’Asie, et le redémarrage de l’Afrique. Combien de temps de croissance trois fois plus rapide en Asie qu’en Europe ou en Amérique, pour que les tiers-mondistes finissent par reconnaître que tous leurs schémas de « fossé croissant », martelés pendant des décennies, soient reconnus comme faux ? Si la Chine et l’Inde, après la Corée du Sud, Taiwan, Singapour, la Malaisie, la Thaïlande, etc., ont une croissance bien plus élevée depuis plus de vingt ans, c’est bien à une réduction des inégalités entre pays à laquelle on assiste à long terme, une convergence. Et c’est bien tout le phénomène qui est à l’œuvre depuis le début de la révolution industrielle, en 1760, un phénomène de tache d’huile, d’extension progressive à toute la planète du noyau industriel capitaliste initial, un peu comme la révolution néolithique s’est étendue à la presque totalité du monde, depuis son apparition en Anatolie 8000 ans avant le Christ, bien que cela ait pris plus longtemps, étant donné les moyens de communications de l’époque et la faible densité.

Il y a dans tout le livre une hostilité systématique au marché qui ne cesse de transparaître, une espèce de nostalgie d’une époque passée où le marché était tenu en lisière, une époque où le respect des hiérarchies n’était pas contesté par les relations de marché, par exemple, page 118, mais les passages de ce genre abondent :

« Le marché est délétère en ce qu’il est une généralisation de l’égalité et de l’envie entre les hommes. Abolissant les relations de hiérarchie et de vassalité pour les soumettre à la pseudo-égalité de la loi monétaire. … Le marché a déshumanisé les relations humaines, qui ne sont plus de coopération, d’exploitation, de sujétion, d’adoubement ou de fraternité, mais faites d’immoralité et d’inhumanité. »

Ah, qu’on était mieux aux temps mercantilistes et corporatistes, sous Saint Louis ou Louis XIII, quand tout était à sa place, quand les paysans labouraient, les clercs priaient, les seigneurs guerroyaient et les apprentis respectaient les maîtres ouvriers…

Tout cela est évidemment absurde, toutes ces considérations sur l’immoralité et l’inhumanité qui seraient dues au marché sont fausses. Jamais les relations entre les hommes, dans les sociétés modernes de marché, n’ont été au contraire autant humaines et fraternelles, apaisées et tranquilles (même si bien sûr beaucoup reste à faire, mais c’est l’évolution qui compte, non les mille et un défauts, toujours présents), il suffit de comparer nos sociétés à celle du XIXe siècle, ou encore pire du XVIIIe ou XVIIe, jamais les précautions, les mesures prises et les mentalités n’ont été aussi favorables à la fraternité, jamais le racisme autant condamné ni autant éloigné (cf. l’élection d’Obama, cf. tout le politiquement correct qui empêche, la plupart du temps avec raison, de nous exprimer comme on pouvait encore le faire entre les deux guerres, avec un vocabulaire de haine et d’exclusion), jamais l’État-providence ne nous a autant protégés (SS, RMI, CMU, RSA, etc.), jamais les droits et les libertés n’ont été aussi étendus (qu’on se rappelle le colonialisme d’avant-guerre, la situation des femmes, tenues pour des mineures, etc.), jamais la justice aussi indépendante (malgré le retard dans ce domaine en France). On dirait que la gauche universitaire a oublié l’histoire et ses réalités.

Les auteurs reconnaissent cependant (p. 93) que le capitalisme retarde le conflit :

« Elle (la monnaie) me permet de m’enrichir sans que d’autres s’appauvrissent. C’est même tout le sens de l’économie capitaliste : la taille du gâteau augmente sans cesse, et cet accroissement retarde les moments où de partage brutal, où l’on pille, capture, razzie ce qui appartient aux autres. »

En réalité, ce n’est pas un retard, mais bien une substitution, le capitalisme remplace et évite la violence. Ce n’est rien d’autre que ce que disait l’historien Perkin, à propos de la révolution industrielle, permise par le capitalisme :

« Elle ouvrit la voie aux humains pour achever la maîtrise de leur environnement physique, sans le besoin indispensable de s’exploiter entre eux. » H.J. Perkin, The Origins of Modern English Society 1780-1880,Routledge, 1969

Le capitalisme n’apporte pas la guerre, comme Jaurès (2) l’affirmait, telle la nuée qui amène l’orage, il apporte au contraire la paix. D’abord pour la raison indiquée, la part du gâteau augmente, il n’est plus nécessaire de piller pour s’enrichir, on peut désormais produire, produire plus, grâce au progrès technique. Et aussi, parce que le capitalisme, seul système dans ce cas à ce jour, est compatible avec la démocratie, et que les démocraties ne se font pas la guerre. Le recul des guerres au XXe siècle – il suffit de comparer la première moitié du siècle à la deuxième, il suffit d’observer l’évolution de l’Europe (3) – a accompagné l’extension de la démocratie à travers le globe.

Sur l’Afrique (page 113), toujours les mêmes raccourcis tiers-mondistes périmés, après l’allusion inévitable au discours de Dakar :

« Même l’Afrique, réputée « hors du temps », sans histoire, condamnée à mourir, est en croissance. Sa population explose, comme sa violence, comme le pillage de ses matières premières par d’autres pays, dont la Chine. Ses côtes sont ravagées par les pêcheurs japonais, ses forêts détruites, ses populations soumises à des génocides d’autant plus accablants que l’humanité a la mémoire d’autres génocides, mais elle est enfin dans le jeu du capital ! Son taux de croissance global est là, qui indique qu’au milieu des bidonvilles et d’une pollution effrayante l’accumulation suit son cours. Un indice qui pourrait faire douter de son accrochage au train de l’économie mondiale est la fécondité des femmes. Mais elle commence à diminuer, etc. »

Ce n’est pas l’accumulation du capital, mais l’accumulation des poncifs et des contrevérités, et des contradictions aussi, tout ça dans le même paragraphe…

D’abord on apprend que la population explose, ensuite que la fécondité diminue. Bon. Ensuite que les matières premières sont pillées, comme dans le best-seller des années 1960 du stalinien Pierre Jalée, Le pillage du tiers monde, où l’on apprenait que la seule voie du développement résidait dans la collectivisation des terres et des entreprises et la planification centralisée, comme l’Éthiopie ou la Guinée les ont pratiquées avec le succès qu’on sait… Nos deux admirables observateurs n’ont pas l’air de réaliser que pour des pays pauvres, pour construire des écoles, des hôpitaux, des ports, des routes, des industries, il faut des devises, et donc exporter ses matières premières, c’est tout ce qu’on a au début. Et ne pas les garder dans le sous-sol de peur de se faire « piller »… Le taux de croissance actuel de l’Afrique est lui-même bien sûr un mauvais signe… Alors que pendant toutes les années 1980 et 1990 la stagnation du continent était vue par le même type de brillants analystes comme le signe incontestable de l’exploitation et du pillage…

On apprend aussi que ses populations « sont soumises à des génocides ». On se demande par qui, c’est laissé dans l’ombre… Et quel autre génocide, le mot est au pluriel, en plus du génocide des Tutsis ?

Sur le choc des civilisations et le « narcissisme des petites différences », l’exemple de l’ex-Yougoslavie est des plus mal choisis. Il s’agissait de grosses différences en l’occurrence, la plupart des lignes de faille en Europe passant par les Balkans et expliquant les affrontements. La faille catholiques/orthodoxes, la faille chrétiens/musulmans, ottomans/occidentaux, latin/cyrillique, Slaves/Albanais, etc.

Et encore la même erreur, celle de Malthus sur l’alimentation, de Jevons sur le charbon, du club de Rome sur les matières premières (démenti dans strictement toutes ses prévisions), page 116 :

« La croissance de la Chine et de l’Inde, suivie par celle du Brésil et d’autres pays émergents d’Asie, est difficilement supportable pour le reste du monde. »

Non seulement elle est très supportable, puisque là encore nos auteurs oublient l’évolution des techniques qui rendent d’une part la croissance moins gourmande en matières premières et d’autre part dépendant à terme d’autres produits, encore ignorés (comme le pauvre Jevons avec son charbon qui allait s’épuiser : un siècle et demi après, les réserves abondent…), mais encore elle est bienvenue, puisque cette croissance alimente notre niveau de vie, nos emplois, et notre propre croissance. Il faudrait entendre nos Cassandre si la Chine, l’Inde, le Brésil, etc., se traînaient avec une croissance nulle, une misère noire, des famines… Que n’entendrait-on pas sur le capitalisme responsable de tous ces malheurs, pauvreté, inégalités. En bref, si des pays s’en sortent, c’est la catastrophe, s’ils ne s’en sortent pas, c’est aussi la catastrophe… L’incohérence absolue.

Et les États-Unis, royaume de l’arbitraire, page 117 :

« Les États-Unis interdisent les ainsi les relations commerciales avec certains États qui leur déplaisent, comme Cuba ou l’Iran. »

Sans doute ces États, qui lapident les femmes ou emprisonnent les opposants et les homosexuels, doivent plaire à nos auteurs…

Les clichés gauchistes abondent : les banquiers sont toujours « à la recherche effrénée de profit », on croirait lire du Georges Marchais… Un monde où les banquiers font leur boulot, un boulot indispensable (ne nous servons-nous pas tous des banques, y compris nos duettistes ?), mais risqué, est un monde qui n’existe pas, semble-t-il, non, les banquiers sont forcément à la recherche effrénée de profits… Pas un mot par contre sur l’excès de réglementation politiquement correcte qui a conduit les démocrates à l’époque de Clinton à imposer des prêts risqués à des organismes de crédit, prêts aux pauvres pour leur permettre l’accession au logement. Ce n’est certes pas le marché qui aurait pris ces mesures, à l’origine de la crise des subprimes, mais bien un État interventionniste voulant bien faire.

Autre passage ahurissant (page 52) :

« Et là encore nous touchons à cet aspect essentiel du capitalisme analysé par Keynes et Freud : un moment puéril, immature, inachevé, de l’humanité, une insatiabilité et une insatisfaction infantiles. »

Il est proprement incroyable que deux universitaires réputés tombent dans une telle analyse a-historique. Le capitalisme s’est généralisé depuis les Temps Modernes, quelques siècles, soit un temps très court à l’échelle des civilisations. En ce temps limité, il a été à l’origine de la deuxième révolution économique de l’histoire des sociétés humaines (la première étant la révolution néolithique, l’invention de l’agriculture, il y a dix mille ans), et cette révolution économique, la révolution industrielle, puisqu’il faut l’appeler par son nom, a donné naissance à la plus grande explosion productive jamais vue, sortant une grande partie de l’humanité d’une misère immémoriale, et continuant à le faire, tout en portant la durée de vie à des niveaux insoupçonnés. Sans compter l’avalanche des progrès techniques dont nous jouissons, y compris nos deux analystes. Et bien sûr, tout ça c’est de l’infantilisme… On rêve.
Lire plutôt Gregory Clark, plus sérieux, qui résume ainsi notre histoire en une image. Sans doute le résultat de l’infantilisme, l’immaturité, l’inachèvement…

Tout est mélangé, avec la désastreuse pratique de l’amalgame (p. 49-50) :

« En Russie la haine du bourgeois a cimenté la révolution, comme celle du noble cimenta la Révolution française : “On se demande seulement avec inquiétude ce que les Soviets entreprendront une fois qu’ils auront exterminé leurs bourgeois.” (Freud, Malaise dans la culture, 1930). On connaît maintenant la réponse : ils ont exterminé leurs paysans baptisés “koulaks”, leurs médecins juifs, leurs intellectuels, pour finir par eux-mêmes. L’extermination des juifs d’Europe, qui fut aussi un auto-anéantissement de l’Europe, illustre particulièrement la pulsion de mort. On peut se demander ce que fera le capitalisme, une fois qu’il aura liquidé la nature, les poissons, les eaux ? Qui liquidera-t-il ? La question fait froid dans le dos. »

En en tour de passe-passe absolument admirable, nos deux compères mettent sur le même plan les tueries communistes, la Shoah, et… le capitalisme, prêt lui aussi bien sûr à tous les massacres. Et le malheureux Freud, qui n’y peut mais, est utilisé à la rescousse de ces thèses délirantes…

Le livre n’échappe pas aux coquilles et fautes, avec par exemple une curieuse note 34 (page 74), où de longues considérations sur Keynes se retrouvent accolées à deux citations de Freud, 1931a et 1930b, dont on ne retrouve aucune trace en bibliographie.

Le style est souvent flottant, comme dans cet exemple, page 112 :

« La civilisation n’éteint jamais la pulsion de mort. Elle la refoule, la détourne, la dirige contre la nature, mais elle persiste, toujours plus puissante. Elle pourra un jour arriver à ses fins et venir à bout de la civilisation. »

Comprenne qui pourra… Si on remplace au cours de la lecture le « elle » mis ici en italique, par « cette pulsion », on comprend ce que les auteurs veulent dire, sinon c’est incompréhensible, on en reste à « la civilisation pourra un jour venir à bout de la civilisation »…

Ou encore, page 121 :

« La réaction populaire à ces mesures a forcé les gouvernements à mettre leurs nez dans les affaires bancaires, gouvernance occulte, bonis et parachutes dorés. »

On reste perplexe devant ces mystérieux « bonis ». Les auteurs ont l’air d’ignorer qu’un mot étranger adopté en français adopte de ce fait les règles du français, soit le ‘s’ au pluriel, ainsi doit-on dire des bonus, des scénarios, des forums, des kibboutz, des apparatchiks, et non des boni, des scenarii, des fora, des kibboutzim ou des apparatchiki. Encore s’ils veulent absolument être pédants, devraient-ils écrire « des boni », mais le terme « bonis » est une nouveauté absolue. Pour des gens qui se piquent de manier les concepts les plus complexes de la psychanalyse et de l’économie… Ils nous inventent aussi un peu plus loin (p. 122) « la banque Bahrings »… Évidemment avec un ‘h’, c’est beaucoup mieux, ça prend un petit air scandinave, quoique avec un ä, ce serait encore mieux : « Bährings »…

On peut évidemment dire ce qu’on veut du capitalisme, de sa pulsion de mort, de son instabilité, de ses dérives, etc., mais tant qu’on n’a rien de mieux à proposer, tout cela n’est guère sérieux. Les marxistes avaient au moins une cohérence, c’est qu’ils croyaient en un système meilleur et voulaient l’appliquer : mettre fin au capitalisme en abolissant la propriété privée des moyens de production, mettre fin au marché en instituant la planification centralisée. Mais nos intellectuels de gauche d’aujourd’hui, tels Maris et Dostaler, n’ont rien d’autre à proposer (4)… Après tout, sans doute cela est-il préférable pour eux-mêmes et le reste de l’humanité. Qu’ils se cantonnent dans les critiques sans solution, bon, c’est le cas d’une bonne partie de la gauche et de la frange altermondialiste, c’est stupide, mais c’est certainement moins dangereux que des idées arrêtées sur ce qu’il faut faire… Seule l’extrême gauche, la LCR, LO, le NPA, a des idées précises, mais malheureusement ce sont à peu près les mêmes qu’en 1917…

Les auteurs concluent en se lamentant sur l’absence de grands auteurs d’aujourd’hui :

« Il est à craindre que l’espèce humaine ne disparaisse avant le capitalisme. Où sont aujourd’hui les Condorcet, les Keynes, les Freud qui peuvent nous aider à ouvrir les yeux ? »

Outre qu’il serait assez intéressant de voir le capitalisme continuer après l’espèce humaine (…), on a envie de leur répondre : mais ils sont là, voyons, ce sont Dostaler et Maris, au premier rang de nos esprits visionnaires et éclairés !

On peut simplement espérer qu’ils ne nous concoctent pas une nouvelle fois – pour remplacer le sinistre capitalisme et sa pulsion de mort – un régime animé d’une si grande pulsion de vie et d’amour, de partage, de solidarité et de fraternité, que ceux que les émules de Marx ont mis en place un peu partout au XXe siècle, en URSS, en Chine, en Corée, en Roumanie, en Éthiopie, au Cambodge ou en Guinée… Parce qu’alors là, on préférera modestement le bon vieux capitalisme mortifère. Au moins permet-il l’exercice des libertés, le fonctionnement de la démocratie, la prospérité pour la masse et finalement des révolutions technologiques successives, ce qui après tout n’est pas si mal en comparaison des vastes schémas catastrophiques de nos grands penseurs.

À noter malgré tout quelques points positifs : le livre contient une annexe très intéressante sur le groupe de Bloomsbury, composé notamment de Leonard et Virginia Woolf, Lytton Strachey, E.M. Forster, et naturellement Keynes. Ses liens avec la psychanalyse et Freud y sont développés.

Et une très belle citation de Léonard Woolf sur Freud, le livre est d’ailleurs plus intéressant par les citations (5), les anecdotes, les rappels historiques, que pour la fumeuse tentative de faire comprendre l’économie à travers la psychanalyse, ou l’inverse, le capitalisme par le rapprochement, plus séduisant qu’éclairant, de Freud et Keynes :

« Il n’était pas seulement un génie, mais contrairement à d’autres génies, un homme extraordinairement aimable. […] Il y avait quelque chose en lui comme dans un volcan à moitié éteint, quelque chose de sombre, de refoulé, de réservé. Il m’a donné l’impression que bien peu de gens que j’ai rencontrés m’ont donnée, une impression de grande gentillesse, mais derrière la gentillesse, de grande force. » L. Woolf, Downhill all the Way: An Autobiography of the Years 1919 to 1939, New York: Harcourt, 1967

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(1) Notamment page 72, à propos du retour malheureux de la Grande-Bretagne à l’étalon-or, en 1925, où Churchill s’est montré aussi malavisé qu’il s’est avéré un grand politique en 1938 et pendant la guerre. Keynes s’est bien sûr élevé avec vigueur contre cette décision, où il voyait « une des causes de la Seconde Guerre mondiale, au même titre que les clauses du traité de Versailles imposant à l’Allemagne des paiements de réparation exagérés. » (Dostaler/Maris).

(2) L’erreur de Jaurès tient au fait de ne pas distinguer entre les ravages du nationalisme et de l’impérialisme – véritables causes du conflit de 1914 – et ceux du capitalisme, à une époque où la misère ouvrière effroyable semblait condamner le système, alors justement qu’il s’agit des débuts de l’amélioration de la condition ouvrière. L’impérialisme effréné de la fin du XIXe siècle, la rivalité entre les nations européennes, la montée des nationalismes, sont également des reliquats des époques passées, et non des produits du capitalisme. Car alors il faudrait expliquer pourquoi les guerres existent depuis toujours, bien avant en tout cas la généralisation du capitalisme, comme nous le rappelle Hugo : « Depuis six mille ans, la guerre plaît aux peuples querelleurs, et Dieu perd son temps à faire les étoiles et les fleurs. » Pourquoi six mille ans d’ailleurs, ça doit remonter encore plus haut.

(3) Mais si cela ne suffisait pas, on pourrait se référer aux organismes spécialisés, qui étudient l’évolution des conflits, comme par exemple le Human Security Center.

(4) Sauf à la fin avec les logiciels libres. Dans la conclusion aussi avec cette idée : « Il ne s’agit plus de refonder (le capitalisme), mais de dépasser, de penser autre chose. » Quoi ? On n’en saura rien. Également page 122, où on a un aperçu de cette société idéale : « le passage à un monde meilleur, dans lequel l’amour de l’argent aura disparu. » Comme tout cela sent bon l’homme nouveau, cher à Guevara, et les lendemains qui chantent, chers aux Soviétiques bâtisseurs. Que cette société débarrassée de l’amour de l’argent sera douce à vivre… Mais pas trop tôt, par pitié ! Le XXe siècle nous a un peu vaccinés contre ces brillantes idées.

D’autre part, toutes les citations de Keynes sur l’amour de l’argent (« détestable » page 128), sur les spéculateurs honnis, sont largement ridicules quand on sait le goût du grand économiste pour la spéculation, la Bourse, et le soin qu’il prenait à son enrichissement personnel.

(5) Une autre, de Balzac, vaut également la peine (page 103) : « En proclamant l’égalité de tous, on a promulgué la déclaration des droits de l’envie », Beatrix, 1839.

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On trouvera ici en annexe d’une part un extrait d’un article récent détruisant l’idée reçue d’une emprise croissante du religieux en Amérique, paru dans une grande revue, et d’autre part, loin au contraire du sérieux académique, des interventions d’internautes anonymes, prises sur un blog, au sujet du livre.

 

Annexe 1

Le Débat, nº 151, sept.-oct. 2008, extrait de l’article de Michael Lind intitulé Le mythe du déclin américain :

« Beaucoup d’observateurs, à l’étranger, ont l’impression que les Américains deviennent plus religieux quand les Européens deviendraient plus laïcs. Ce n’est tout simplement pas vrai. Les Américains sont bien plus religieux que les Européens de l’Ouest, mais aux États-Unis, non moins qu’en Europe, la tendance à long terme est à une sécularisation accrue.

Dans une étude de 2001 sur les attitudes religieuses des Américains, des chercheurs de la City University de New York ont découvert que le nombre d’Américains ne professant aucune religion était passé de 8,16 % en 1990 à 14,17 % en 2000. Les Américains sans aucune religion représentent désormais le troisième groupe de croyance des États-Unis, après les catholiques et les baptistes. Par leurs effectifs, autour de 30 millions, ils forment un groupe presque aussi important que celui des baptistes : autour de 34 millions. De plus, suivant cette même étude, le nombre d’Américains qui, même s’ils croient en Dieu, n’appartiennent à aucune organisation religieuse est passé de 46 % en 1990 à une majorité de 54 % en 2000.

Quand on s’intéresse à la pratique religieuse effective plutôt qu’aux vagues croyances spirituelles, l’écart entre les États-Unis et l’Europe se réduit encore. Selon l’enquête du millénium de Gallup sur les idées religieuses, le nombre de Nord-Américains (États-Unis et Canada) qui vont à l’église au moins une fois par semaine est de 47 %, contre une moyenne de 20 % en Europe occidentale. Et, si l’on en croit certains chercheurs, ce chiffre est gonflé parce que beaucoup d’Américains sont gênés d’avouer aux sondeurs qu’ils vont rarement à l’église.

Toujours d’après le sondage Gallup, le nombre de Nord-Américains croyant que la Bible est la « vraie parole de Dieu » est passé de 65 % en 1963 à 27 % seulement en 2001. En même temps, les attitudes envers l’homosexualité, les relations sexuelles hors mariage et la censure sont de plus en plus libérales. La principale exception concerne l’avortement. Les jeunes Américains ont tendance à y être plus hostiles que leurs aînés. Probablement cela tient-il au recours croissant à l’échographie qui permet aux parents de voir leur progéniture dans le ventre de la mère – une pratique qui a peut-être sans le vouloir brouillé la distinction entre fœtus et bébés qu’essayaient d’imposer les partisans d’une législation libérale sur l’avortement.

Si les Américains deviennent moins religieux, d’où vient que le « discours sur Dieu » (God talk) prenne une place croissante dans la vie publique ? La vérité est qu’il ne prend pas de l’ampleur : il a toujours été présent dans la vie publique. Les Présidents libéraux du XXe siècle comme Wilson, Roosevelt, Truman et Johnson se référaient à Dieu, à la Bible et au Christ plus souvent que la plupart des conservateurs de nos jours. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Franklin D. Roosevelt était enclin à employer de manière interchangeable les expressions « civilisation occidentale » et « civilisation chrétienne ». En 1941, au sommet atlantique de Terre-Neuve, Roosevelt et Churchill se joignirent aux soldats britanniques et américains pour chanter : « Onward, Christian Soldiers », « O God Our Help in Ages Past » et « Eternal Father Strong to Save ». Bush et Blair ont bien pu prier ensemble : jamais ils n’auraient chanté des hymnes ensemble en public.

La tendance à la sécularisation à l’européenne n’est nulle part plus avancée que dans les « États bleus » des côtes. Si le Sud américain est beaucoup plus conservateur, il est néanmoins bien plus laïc et libéral qu’il ne l’était voici une ou deux générations. »

Annexe 2

Les blogueurs et forumeurs d’internet disent souvent n’importe quoi. Mais parfois aussi, il y a des propos de bon sens, bien loin de tous ces délires de nos universitaires, par exemple ici, à propos du livre en question :

« Ouaip, un bel exemple de psychanalyse sauvage. Ceux qui s’intéressent à la pensée psy savent ce que ça vaut. Pas plus qu’un kopek de La Havane.

Pour le reste, il est vrai qu’un siècle de comparaison gauchisme-capitalisme ne nous a certainement pas permis de voir clairement où se situait la destrudo et où était le principe de vie avec son progrès, sa croissance, sa fertilité ?

Il y en a un qui est mort et qui se décompose, nourrissant à peine les rares champignons vénéneux genre eumycota caracas ou eumycota havana. Il y en a un autre qui vit, qui croît, qui fructifie… et ils continuent encore à psychanalyser pile-poil à côté. Dingues ces docteurs mabouls ! Charlatans !

Parlant de crise et pour utiliser une métaphore médicale, je préfère celle que nous avait sorti un jour mon prof de philo : « La maladie et ses fièvres sont aussi la manifestation de la vie, l’envie qu’a celle-ci de combattre le virus qui veut sa mort. » J’aime bien et trouve cela plus d’à propos s’agissant du capitalisme et ses crises… » « Sil »

« Bravo, Sil, pour votre analyse sur le capitalisme. C’est quand même ahurissant, le socialisme réel est un système de mort, les millions de victimes du goulag et des famines sont là pour nous le prouver, et ces crétins de gauchistes trouvent encore que c’est le capitalisme qui a une pulsion de mort. On nage en plein délire. Ils ne peuvent se résoudre à l’échec de leur système de tarés, rien à faire ! » « Letel »

« Le flot d’inepties qu’on entend sur la crise est intarissable. En particulier sur Fr Cu. On a droit tous les midi-trente à l’opinion de quelqu’un qui n’est pas économiste. Tous les jours un différent. Manque de pot ça tombe toujours sur des gauchistes ou des délirants.

Un prof de quelque chose l’autre jour avait trouvé que la crise venait de l’instantanéité des transactions économiques. Il a sorti un bouquin sur le sujet. J’aurais voulu savoir si des transactions à la vitesse d’un cheval au galop nous auraient épargné la crise. Peut-être la vitesse des figues molles qu’on jette sur un âne qu’on veut tuer.

Hier il y avait encore un qui vient de sortir un livre qui s’appelle « Apocalypse », je crois. Rien de moins. Mais il disait qu’il fallait prendre le titre dans le sens original : l’avènement d’un nouveau monde. J’aurais appelé ça « Crise », moi, mais bon…

Et ce nouveau monde est nouveau parce qu’il y a rupture avec le « progrès » qui nous meut depuis trois siècles. Pourquoi trois, d’ailleurs…

Je pense au sida vaincu, à l’internet et à des millions d’êtres travaillant comme des bêtes et réussissant à se sortir de la misère en quelques années. Atteignant un niveau de vie comparable au nôtre en Chine, au Brésil et en Inde et dans d’autres pays en développement. S’il ne s’agit pas d’envie de progrès je ne vois pas ce que c’est. » « Mateamargo »