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“Rougay le mo”, par Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo et Françoise Sylvos

Recueil de textes réunis par Valérie MAGDELAINE-ANDRIANJAFITRIMO et Françoise SYLVOS, Rougay le mo, France, K’A, 2008, ISBN : 978-2-910791-62-9.

 

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Sous un format de voyage, les pages réunionnaises et mauriciennes de ce recueil s’envolent vers et d’un ailleurs multiples. C’est sous le signe de l’hybridité, entre réel et imaginaire, écrit et oralité, français et créole que Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo et Françoise Sylvos ont voulu rassembler ces textes, tous « lieu d’un questionnement sans cesse renouvelé ». Elles ont su faire dialoguer des « auteurs confirmés » avec des « amateurs éclairés » sans chercher à cacher la complexité d’un corpus varié aux approches multiples.

Ces pages offertes par des « Métropolitains vivant à La Réunion (ou retournés en Métropole), Réunionnais, Réunionnais vivant en France, Mauricien vivant à La Réunion » sont une invitation à un concert de langues plurielles introduit par les propos liminaires de Magdelaine-Andrianjafitrimo et Sylvos d’un « PADPORT » sans nécessité de passeport pour le lecteur.

Nul besoin d’être Réunionnais ou Mauriciens pour apprécier ces poèmes, comptes-rendus, fables, dialogues, monologues qui traversent le temps (de 1947 à 2008) et les espaces : de la Rivière Saint-Louis au folklore slave, du pays natal au voyage.

Il faut donc accepter cette « CHUTTT……… LIBRE ! » comme le propose Nikola Raghoonauth, qui est tout sauf silence, mais une voix qui fait écho au passé pour en révéler les nœuds : « Des mots dits tirent sur l’histoire/ Et l’Histoire tire ses maux ».

C’est bien une chute libre et acceptée dans les mots, leur histoire et leurs sonorités à laquelle nous convient également André Robèr et ses piments, ou encore dans le rhum de la mémoire de Françoise Sylvos, les mots trompeurs, mensongers, tout autant que palabreurs, blagueurs et raconteurs se racontent et se rencontrent chez Patrice Treuthardt.

Les formes se libèrent, comme le « Sonnet un peu païen » et quelque peu frivole de Boris Gamaleya, ou encore les liens internet, les unités de gravitation et autres mesures, sans oublier les prévisions météorologiques dessinées qui trouvent leur présence chez André Robèr, ou la peinture avec Stéphane Hoarau.

Les langues se lient pour se délier : elles appellent à l’écrit avec Claire Karm et son « Écris-moi, Léa » qui possède « un petit livre avec de grandes racines », « un livre vivace, un lierre », entre ciel et terre, eau et terre, tendresse et recherche : elles se cherchent en tant que « femme infâme » chez Barbara Robert, entre silence et castration, sanglante et révoltée ; elles parlent de science-fiction, de voix caverneuses et menaçantes, électroniques et domotiques avec Séverine Vidot et ses « BOUF », « Woh », « clic » et « couic » et autres accessoires linguistiques : elles se font créoles chez Mathieu Minatchy ou Sergio Grondin, Vigile Hoareau, Céline Huet et Francky Lauret pour « i viv, i mor pa. I lir, i ékrir kréol ! », rythmées et codées pour lecteur francophone, ou décodées et bilinguées comme avec Carpanin Marimoutou.

Ces paroles se veulent « retour au pays natal » questionné, comme Mikael Kourto, ou détour cinématographique fictif pour Jean Lods « Le Retour (Esquisse d’un possible scénario) », ou encore « Monologue pour un petit d’homme écrit pour le comédien Arno Dormeuil » de Lolita Monga ou « Auto Dofé » chez Jean-Louis Robert, mais surtout rencontrent, dialogues, échanges retournés du détour, de l’humour, de l’amour.

C’est donc sous un nouveau visage que le lecteur pourra se retrouver au fil des pages de ce recueil, y découvrir une littérature tracée et parlée généreusement démasquée. Un recueil simple mais vivant, à lire librement sans suite ni arrière-pensée, sans lourdeur théorique et identitaire, sinon un nouveau souffle venu des Éditions K’A.