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Train couchettes

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        Ils avaient trouvé leur voiture et leurs couchettes avec peine, dans ce train de nuit bondé des départs en vacances. Enfin le convoi était parti et ils se préparaient pour dormir dans la lumière bleue de la veilleuse et le sourd cliquetis du wagon fonçant dans les ténèbres. Lui était en haut, sa femme à la couchette intermédiaire sous la sienne. Il lui prit la main, une fois qu’ils furent allongés, en signe de bonne nuit. Les autres couchettes étaient toutes occupées et, tandis qu’ils se tournaient et se retournaient sur l’étroite banquette, cherchant le sommeil, leur attention fut attirée, au bout d’un moment, par leur voisin du bas, du côté opposé. Il s’agitait dans son drap, ne pouvant apparemment lui non plus s’endormir. Il faisait chaud dans la nuit d’août, et l’homme était torse nu dans son enveloppe SNCF. Il se découvrit d’un geste énervé et ils virent distinctement le sexe en érection qui pointait hors du drap. Il se saisit de sa verge et commença un mouvement lent de va-et-vient. Au bout d’un moment le gland luisant émit un liquide qui le fit briller dans la faible clarté ; ils virent alors l’homme badigeonner de ce liquide le haut de son sexe, puis, retroussant son prépuce de la paume de la main, se caresser à même la peau fragile, en commençant à haleter légèrement. Il ne se préoccupait pas de ses voisins, qui d’ailleurs dormaient, à l’exception du couple qui observait fasciné, sans bouger, de peur de se trahir et qu’il s’interrompe. La femme regardait le sexe tendu et commençait à se sentir excitée, elle en admirait la taille et la grosseur, supérieures à celui de son époux ; elle avait la gorge sèche et le souffle plus rapide, expérimentant la sensation nouvelle et délicieuse de briser un interdit, sans trop savoir jusqu’où cela la mènerait. Son mari était encore plus excité, si faire se pouvait, et le fait d’observer un autre homme dans son intimité introduisait une note d’homosexualité qui lui noua le ventre et le fit respirer plus vite. Il se pencha vers sa femme et lui montra le voyageur en lui prenant la main et l’agitant dans le mouvement qu’on fait pour branler. Elle se méprit sur le sens de son geste et crut qu’il voulait qu’elle le caresse. Elle tendit alors le bras vers lui, cherchant son sexe qu’il avait effectivement exhibé au bord de la couchette ; elle enserra la virilité de son mari commençant à le caresser, mais ce n’était pas ce qu’il voulait et il la repoussa doucement, lui montrant l’homme deux rangs plus bas qui continuait sa masturbation solitaire, les yeux fermés. Elle comprit que son mari voulait qu’elle aille elle-même caresser cet inconnu et profiter de son érection, de ce sexe offert à qui voulait le flatter. Elle fit non de la tête regardant son mari comme s’il était devenu fou et se rencogna dans sa couchette, voulant oublier toute cette histoire. Mais elle ne pouvait s’empêcher de penser à l’homme, à son sexe, et elle ne put résister au plaisir de le regarder à nouveau. Elle voyait le membre se gonfler à chaque fois qu’il sortait de la main, proche d’une éjaculation libératrice. L’image seule de cette forme, de ce gland surexcité restait dans sa tête quand bien même elle fermait les yeux, et elle se sentit agir bientôt comme une automate privée de volonté. Elle ne pouvait résister à l’envie de le toucher, de satisfaire les deux désirs de ces hommes, celui de l’inconnu, désir tout simple de jouir, et celui de son mari plus pervers de la voir le tromper sous ses yeux en caressant un autre mâle. Elle descendit doucement dans sa fine chemise de nuit et s’agenouilla contre la couchette du bas où l’individu s’activait. Elle posa alors sa main sur la sienne et accompagna un temps le mouvement de va-et-vient. L’homme ouvrit les yeux et vit la femme penchée sur lui. Il retira sa main pour la laisser faire et elle continua la masturbation, enserrant le membre chaud et mouillant son propre sexe sous sa combinaison, excitée du contact de la verge raidie. Elle fit comme elle l’avait vu faire, essayant la même dextérité, recouvrant le gland avec le prépuce, puis s’arrêtant un instant pour le décalotter et frotter entre son pouce et son index pour répartir le liquide jusqu’à l’échancrure, tourbillonnant de ses doigts sur le gland exorbité. Elle le branla ensuite comme il avait fait, sa paume directement sur la peau fragile. L’homme se mit à gémir faiblement. Elle dégagea ses seins du décolleté de sa combinaison, pour qu’il puisse profiter de leur vue, et approcha leur pointe du gland érigé qu’elle frotta ainsi doucement, en même temps qu’elle le tenait toujours de sa main. Au bout d’un moment, placée ainsi à genoux avec le visage à quelques centimètres du sexe, elle eut envie de le prendre dans sa bouche. Elle arrêta la caresse et saisit le sexe dressé qu’elle présenta devant ses lèvres. L’homme la regardait d’un air approbateur et elle se retourna vers son mari qui l’observait, fou d’excitation, et lui fit un signe d’acquiescement. Alors elle commença par embrasser ce sexe offert, à le lécher, à passer sa langue sur le gland et son pourtour comme on lécherait une glace à la fraise. L’homme n’y tenait plus et attendait qu’elle le prenne tout entier, qu’elle l’engloutisse au fond de sa bouche. Elle fit durer longtemps son attente, continuant à l’agacer de ses lèvres, de ses dents et de sa langue, avant de l’absorber enfin au plus profond de sa bouche, montant et descendant sur la hampe et le gland exacerbé. Elle se hissa un peu plus haut et plus verticalement et entreprit de le masturber avec sa gorge, au-delà de la luette, faisant pénétrer le gland seul dans le début de son œsophage, comme elle l’avait vu faire par la fameuse Linda Lovelace dans le film Deep throat. L’homme râlait, elle sentit le sexe se gonfler, et venir tous les signes prémonitoires de l’orgasme. Elle accéléra son mouvement de va-et-vient et bientôt il éclata dans sa bouche, répandant un flot de sperme trop longtemps contenu. Elle l’avait ramené à la hauteur de son palais pour pouvoir respirer et s’appliquait à avaler toute la semence au fur et à mesure que le gland hoquetant de plus en plus faiblement rejetait le liquide chaud. Enfin, se rengorgeant, elle se dessaisit de ce sexe, continuant cependant de l’entourer de ses lèvres avec une gourmandise qui semblait inextinguible.

       Le mari ne les avait pas quittés des yeux tout au long de leur duo érotique ; il s’était masturbé, synchronisant sa jouissance avec celle de l’homme, qu’il devina aux mouvements de gorge de sa femme ingurgitant le sperme. Elle avait conscience d’avoir réalisé la plus belle pipe de sa vie, d’avoir donné à l’inconnu un plaisir inouï, indescriptible, dont son conjoint n’avait jamais connu l’équivalent. Elle jouit intérieurement de la jalousie que celui-ci devait ressentir et, s’étant relevée, elle l’embrassa sur la bouche de ses lèvres encore souillées des traces que l’autre avait laissées. Ce dernier s’était retourné sans plus s’occuper d’elle, et, considérant le service rendu comme tout naturel, il commençait à s’endormir. La femme se coucha à son tour satisfaite du plaisir donné simultanément et si différemment aux deux hommes et s’endormit elle aussi dans un rêve érotique.

       Le lendemain, au jour, ils constatèrent que l’homme était déjà parti discrètement et ils ne le revirent pas lorsqu’ils atteignirent leur destination.

(D’après une émission de Daniel Mermet, La coulée douce, été 1985, sur France-Inter).