Episode 193
Des méandres dans un long fleuve tranquille
Ça sonnait comme une bonne nouvelle. Ou une mauvaise ; ça dépend de l’humeur. Ou de quel côté tombe la pièce dans le cas d’un pari idiot. La marée remontait. Rassurant. Tout n’était pas déréglé dans le cosmos. A en croire leurs jacasseries, les mouettes aussi s’en réjouissaient. Tant pis pour les prophètes du pire.
Mike Jagger n’avait toujours pas téléphoné à Leslie pour son anniversaire, elle allait s’en remettre, le van bariolé de son amoureux, le surfer australien, était stationné dans les dunes, à l’autre bout de la plage, côté rouleaux.
C’est dans des moments comme celui-ci, inutiles, que j’aime bien broder sur les mystères du temps, les probabilités que l’équipe de rugby d’Ecosse batte les Anglais dans leur prochain match à Twickenham, la mélancolie douce de Line ou au jour où ma tante trouvera le tiercé dans la course du dimanche à l’hippodrome près de chez elle. Je prolonge le dernier concert de Leonard Cohen où, bouleversé, il ne put revenir sur scène répondre aux rappels, en larmes dans sa loge après un somptueux et ultime Alleluia… Je pense à la beauté fatale des filles dans la lumière des soirs d’été. Avenue Kléber, Françoise Sagan et Juliette Gréco sortent du Raphaël (trop tard), Etienne Roda-Gil écrit un nouvel album pour Julien Clerc, la Cavalerie est de sortie (trop tard tant pis)… Je réécris la fin de Pierrot le fou, Belmondo ne se suicide plus, c’était vraiment trop bête (Godard n’était pas aussi malin qu’on a voulu le croire)…. des étoiles réveillent la nuit…
Et la bonne nouvelle ? Quelle nouvelle… Ah oui, il s’est passé tellement de choses depuis…
– Georges, la tendance est toujours au martini dry, n’est-ce pas…
Episode 194
Pleine lune
Vue d’ici, pas de traces de contamination terrienne. Pas pour autant qu’il y fasse bon vivre.
On ne signale aucun port de pêche à la coquille saint-jacques (en saison), pas de night-club (ouvert jusqu’à l’aube), pas davantage de bar de la plage, voire des mouettes, encore fallut qu’il y eût des plages et sur le sujet, rien.
On n’y connaît pas de Miss Météo spécialisée en péripéties climatiques lunaires. Lady Gaga n’y a pas annoncé de concert, pas davantage Eric Clapton… pas de films de Woody Allen ni de coiffeurs pour dames.
J’arrête la liste des équipements et événements qui, quels que soient leurs inconvénients, rendent par moment la vie terrestre agréable.
Il paraît que des astronautes, sollicités pour de nouvelles missions spatiales se seraient désistés ; ils préfèreraient s’engager sur le Tour de France cycliste plutôt que faire le tour de la planète en capsule.
Bref, on s’en fiche que la lune soit habitée ou non ; elle est inhabitable.
– Georges, qu’est-ce qu’on irait faire là-haut…
Episode 195
Presqu’une idylle
Cela devait arriver, on y est : je suis amoureux de la barmaid du Phare, notre night-club attitré.. Ce n’est vraiment pas très malin de tomber amoureux d’une de ces filles inaccessibles par profession ou pour se donner un genre. Comme hôtesses de l’air, mannequins, stars hollywoodiennes, danseuses étoiles et bien sûr barmaids.
Mieux vaut fréquenter une princesse anglaise plus ou moins royale.
Conséquence immédiate : pour être plus près d’elle, plus souvent, je commande deux ou trois consommations supplémentaires inutiles, leur contenu finira dans un bac à fleurs, tant pis.
Inconvénient : les barmaids ne finissent leur travail qu’à la fermeture de l’établissement, alors inutile de tenter de les raccompagner avant, ou après de leur proposer de partager un petit déjeuner ; crevées, elles ne demandent qu’à renter chez elles et se coucher.
Voilà où mène d’être trop sentimental. Une impasse au minimum. Evidemment Line et Caro s’en étaient rendues compte et tentaient, en vain, de préserver ce qui me restait de santé mentale.
Le Phare a fermé.
Devant.
Leslie :
– Alex, est-ce qu’une princesse anglaise presque royale pourrait t’aller ce matin…