Tribunes

La soirée des Oscars: une mégalomanie galopante

J’ai renoué avec une vieille habitude il y a quelques semaines, soit de regarder la « Soirée des Oscars », ce que je n’avais pas fait depuis dix ans.

Il aura été intéressant de voir ça avec le recul qu’offre une pareille intermission.

Quelques détails frappants.

1) Je n’avais jamais réalisé à quel point cette Académie est tout bêtement une industrie et que cette soirée des Oscars est tout bêtement une cérémonie lors de laquelle cette industrie s’auto-congratule. Un peu comme si l’« Académie des Plombiers de Californie » remettait des prix aux membres de sa discipline. Mais avec une convergence des regards absolument extraordinaire !

2) Les membres de cette Académie souffrent de la même mégalomanie galopante que les dirigeants du baseball américain qui ont le culot de faire chaque année des World Series dans lesquelles un seul et unique pays participe (et toujours le même). On nous donne l’impression que l’envergure des gens primés est universelle et planétaire, alors qu’elle n’est que tout bêtement locale : 98% des gens présents et primés étaient blancs et Californiens. On n’a même pas vu le visage des réalisateurs des films étrangers ou documentaires. Tous ceux qui sont éloignés de l’épicentre de cette industrie étaient assis très loin derrière et jouissaient de beaucoup moins de temps d’écran que leurs comparses plus géo-centrés.

3) Cette Académie est manifestement aussi un Boys Club très fermé. L’oscar de la meilleure musique de film a ét remis à Randy Newman. On entendait alors qu’il s’amenait sur scène une voix off nous dire : « Mr Newman en est à sa vingtième nomination et c’est la deuxième fois qu’il gagne ! » Vingtième nomination ! Pour un musicien ! On penserait qu’il y en aurait des tonnes de musiciens sur la planète qui voudraient faire de la musique de film. Or ce sont toujours les mêmes douze Apôtres qui reviennent aux Oscars. Utile : ça donne l’impression qu’ils sont pétris d’une autre pâte que la nôtre. Et que dire du mec du maquillage, ce « génie absolu », ce Einstein du beurrage, qui gagnait sa huitième statuette ! Son congénère, avec qui il a dédoublé son oscar a d’ailleurs osé dire : « Je pensais que ça serait un honneur si je parvenais un jour à perdre contre ce monstre sacré du makeup… mais là, j’ai gagné avec lui… » Bienvenue au Club des Douze, mon Coco !!!

4) Le phénomène du dédoublement des Oscars est aussi digne de considérations. L’oscar du meilleur acteur, actrice, réalisateur, est invariablement remis à une seule personne. Les oscars primant les aspects plus techniques des films sont souvent remis à deux ou trois personnes. Mais quand on arrive aux producteurs, c’est l’avalanche, ils sont cinq à monter sur l’estrade pour recevoir chacun une statuette. On aura compris que, dans cette industrie, vos chances d’être oscarisé augmentent en proportion directe de votre proximité aux tiroirs-caisses des studios.

5) Avoir une « wife » semble être aussi très « in » en Californie, par les temps qui courent… Même si c’est la sixième ( « That grounding element of my Life !!! » )… À l’époque de Bob Hope, ils les gardaient toute leur vie leurs femmes, mais ne les mentionnaient que dans leurs farces : genre « My wife ! She so ugly… she went to the plastic surgeon… and he put a tail on her ! » À remarquer que les femmes qui gagnaient hier remerciaient, quant à elles, rarement leur conjoint…

6) Cette Académie est décidément encore très entichée des vieillards (rarement de vieilles femmes honorées toutefois…). Ce sont invariablement d’anciens bellâtres, supposés alpha mâles, très noceurs en leur temps et devenus aujourd’hui de tremblotantes silhouettes à longues oreilles… Mais cette année, l’Académie s’est surclassée : ils sont allés secouer le cadavérique Kirk Douglass, vieux niais hyper thrombosé qui a eu l’indécence d’improviser, par deux fois, des machouillements quasi inaudibles sur la beauté des jeunes femmes  qui l’entouraient !…Ouf ! fallait pas avoir trop lourdement mangé au souper !

9) Le clou de la soirée aura été une remémoration post-mortem pour Leana Horn, une chanteuse noire des années quarante, qu’ils nous ont montrée jeune, avec un éclairage d’époque, c’est-à-dire complètement « floodée ». Résultat  : elle était, à l’écran, plus BLANCHE que ne l’a jamais été Michael Jackson ! C’était à pouffer de rire… Halle Berry qui la présentait comme une pionnière de la cause black avait la larme à l’œil… Une seule vraie « Négresse » aura réussi cette année a occupé un peu de temps d’écranaux Oscars… une femme bien foncée, pas trop refaite et aux formes superbement amples  : Oprah soi-même !… Mais elle, on expliquera sa présence par le simple fait qu’elle était plus riche que TOUTE la salle !

10) Ajoutons que le plus comique, c’était de voir la caméra lécher, à trois reprises au moins, la grimace hypersatisfaite de Warren Beatty ! Warren Beatty ! Cette LÉGENDE dont le sommet de carrière aura été d’avoir été dumpé par Madonna (qui ne goûtait apparemment pas sa nature « promiscuiteuse » ) ! Warren Beatty !… Beau oui, mais avec presque autant de sex appeal qu’un veston de garde-robe…

À l’époque où je regardais la cérémonie des Oscars jusqu’à la fin, comme je l’ai regardée cette année, on pouvait au moins se rabattre, de temps en temps, sur le sourire narquois de Jack Nicholson… Il ne nous reste désormais que le plaisir de voir passer, durant cette longue soirée, quelques robes… qui sont parfois, il faut bien le dire, absolument magnifiques…