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Francophonies océaniennes. (Numéro spécial de la revue Interculturel Francophonies, à paraître en 2017)

Francophonies océaniennes. 

(Numéro spécial de la revue Interculturel Francophonies, à paraître en 2017)

Dans l’immensité d’un Pacifique majoritairement anglophone, quatre entités géopolitiques doivent à l’histoire coloniale l’héritage du français comme la ou l’une de leurs langues officielles: Wallis et Futuna, le Vanuatu, la Nouvelle Calédonie et la Polynésie française. Les trente dernières années du XXe siècle ont vu émerger une forme de renouveau culturel dans ces territoires où les langues autochtones, les rites ancestraux et la culture locale ont été revendiqués. C’est pendant cette période que sont apparus en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie les premiers textes littéraires d’auteurs autochtones écrits en français, centrés sur la question identitaire et les rapports avec les puissances coloniales. Et c’est dans les années 2000 que le même phénomène s’est produit au Vanuatu. Le premier roman francophone, écrit par Marcel Melthérorong, y a été publié en 2007 par les soins de l’Alliance française de Port-Vila.

Le numéro spécial « Francophonies océaniennes » de la revue Interculturel Francophoniesa pour ambition de donner une vue d’ensemble de ces littératures et d’offrir un instrument de travail pour les aborder. Les propositions d’articles visant plutôt une synthèse qu’un aspect de détail seront donc privilégiées. Elles pourront notamment concerner, sans exclusive, les problématiques suivantes, conçues comme des pistes de réflexion et des orientations possibles.

La langue française de ces territoires du Pacifique, « déterritorialisée » (Deleuze et Guattari) et singulière, fait entendre une voix originale en francophonie. « Interlangue » à des degrés divers,  elle est toujours porteuse d’une forme de « xénité » (Harald Weinrich) liée au contexte plurilingue voire diglossique. Rappelons que le français cohabite en Polynésie française avec sept langues océaniennes alors qu’elles sont une trentaine en Nouvelle-Calédonie et que le Vanuatu se caractérise par la plus grande diversité linguistique au monde rapportée au nombre d’habitants, avec environ cent-vingt langues. Sa pratique, parfois audacieuse voire « insolente » est tantôt perçue comme une trahison (Chantal Spitz, Tahiti) tantôt comme un instrument de résistance à la marée anglo-saxonne (Jacques Gédéon, Vanuatu). Il sera intéressant de s’interroger sur l’écho de ces situations linguistiques sensiblement différentes et l’antagonisme entre ces langues dans les œuvres littéraires océaniennes.

 

Bien entendu, un autre axe de réflexion pourra concerner les questions politiques, très présentes dans ces œuvres où l’expression littéraire des écrivains autochtones, parfois très récente, vient rappeler cruellement les rapports de domination, passés et/ou actuels, exercés par les puissances occidentales et leurs relais locaux sur les peuples océaniens, quel que soit leur degré de métissage ou d’assimilation, volontaire ou forcée. C’est pourquoi les stigmates du passé et la réappropriation d’une mémoire collective, à contre-courant de l’histoire officielle, jouent un rôle central dans cette production littéraire. Comme le souligne Stéphanie Vigier, « le passé est toujours à l’œuvre dans le destin des personnages » du récit de fiction océanien qui met en scène « le procès historique et ses effets sur les individus » à travers une « poétique de la trace [1]».

La question des modèles et de l’intertextualité mérite également d’être explorée : qu’est-ce que ces littératures doivent à l’environnement pacifique (Patricia Grace, Albert Wendt) et/ou aux littératures francophones reconnues depuis plus longtemps (Antilles, Maghreb, Canada) ? Enfin, les liens viscéraux entre le corps et le cosmos « l’attachement métaphysique des Océaniens à la terre » (Bruno Saura), sont d’autres thématiques qui pourront être approfondies.

Nous invitons les collègues intéressés à prendre en compte toute la diversité générique de la francophonie océanienne et à ne pas négliger des formes artistiques originales comme le rap pratiqué en Nouvelle Calédonie (Paul Wamo).

Les propositions de communication (entre 20 et 30 lignes) sont à adresser avant le 15 mai 2015 simultanément à Titaua Porcher-Wiart (titaua.porcher@upf.pf) et Andréas Pfersmann (andreas.pfersmann@upf.pf). Les articles sont attendus pour le 30 juin 2016.

 

 

Orientations bibliographiques :

André Sylvie, Le Roman autochtone dans le Pacifique sud : penser la continuité, Paris, L’Harmattan, 2008.

André Sylvie (dir.), Littératures du Pacifique : voix francophones contemporaines, Rimini, Panozzo, 2004.

André Sylvie et Jean Bessière (dirs.), Littératures du Pacifique insulaire : Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande, Océanie, Timor oriental : approches historiques, culturelles et comparatives,Paris, Champion, 2013.

Bogliolo François, Paroles & écritures: anthologie de la littérature néo-calédonienne, éd. du Cagou, 1994.

Bogliolo François, Entre langues et terre, Émergence de la littérature néo-calédonienne, écriture et identité d’une île, 1774-1909, Habilitation à diriger des recherches, Université de Paris III Sorbonne-Nouvelle, 2000.

Chatti Mounira, « Récit de métamorphose. Le point de vue kanak », in : Iris Les Cahiers du Gerf, no. 26 (2004), p. 39-53.

Chatti Mounira, Clinchamps Nicolas, Vigier Stéphanie  (dirs.), Pouvoir(s) et politique(s) en Océanie, actes du 19ème colloque CORAIL, Paris, L’Harmattan, collection « Portes Océanes », 2007.

Faessel Sonia et Michel Perez (dirs.), Littératures d’émergence et mondialisation, Paris, éd. In Press, 2004.

Faessel Sonia (dir.), Jeunes littératures du Pacifique sud : réflexion et création, Nouméa : Groupe de recherche en histoire océanienne contemporaine, Université de Nouvelle-Calédonie ; Suva (Fidji) : Ambassade de France ; Nouméa : Association des écrivains de Nouvelle-Calédonie, 2004.

Fenoglio Miceala, Des Racines et des ailes : La littérature francophone de la Nouvelle-Calédonie. Préface de Anna Paola Mossetto, Paris/ Turin, L’Harmattan, 2004.

Gannier Odile et Sandhya Patel (dirs.) Loxias n°25 (juin 2009) : Littératures du Pacifique.

Hereniko Vilsoni and Rob Wilson, Inside out: literature, cultural politics and identity in the New Pacific, Lanham/ Oxford, Rowman & Littlefield, 1999.

Joubert Jean (dir.), Littératures francophones d’Asie et du Pacifique : anthologie, Paris, Nathan /Agence de la Francophonie, 1997.

Jouve Dominique (dir.), Écrire à la croisée des îles et des langues, Paris, L’Harmattan, 1999.

Lacabanne Sonia, La Nouvelle polynésienne, Dijon, Éd. Universitaires de Dijon, 1994.

Picard Jean-Luc, Ma’ohi tumu et hutu painu : la construction identitaire dans la littérature contemporaine de Polynésie française, Thèse de doctorat, Université de Metz, 2008.

Ramsay Raylene (dir.) Cultural Crossings, Cultural crossings: negotiating identities in francophone and anglophone Pacific literature, Bruxelles /Bern/Berlin/ Peter Lang, 2010.

Ramsay Raylene, The Literatures of the French Pacific : reconfiguring hybridity : the case of Kanaky-New Caledonia, Liverpool, Liverpool University Press, 2014.

Soula Virginie, Histoire littéraire de la Nouvelle Calédonie (1853-2005), Paris, Karthala,  2014.

Sultan Patrick, La Scène littéraire postcoloniale, Paris, éd. du Manuscrit, 2011.

Vigier Stéphanie, La Fiction face au passé. Histoire, mémoire et espace-temps dans la fiction littéraire océanienne contemporaine, Limoges, Pulim, 2011.

 

 


[1] Stéphanie Vigier, La Fiction face au passé. Histoire, mémoire et espace-temps dans la fiction littéraire océanienne contemporaine, Limoges, Pulim, 2011, p. 54-55.