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« La France d’antan » en cartes postales

Les éditions HC (pour Hervé Chopin) se sont fait une spécialité des livres illustrés de cartes postales anciennes consacrés aux villes ou aux provinces françaises. Elles nous offrent maintenant, suivant le même principe, un très copieux ouvrage (448 pages, près de 900 cartes postales) qui présente la France en général au tournant du XXe siècle. La France ou plutôt les France, celle des paysans comme celle des bourgeois, celle des ouvriers et artisans comme celle des religieux et religieuses. La France laborieuse et la France qui s’amuse, celle qui s’exerce au sport ou fréquente les lieux touristiques.

Biarritz - sortie de la messe

C’est l’époque des moissonneuses-batteuses, des machines à vapeur, des chemins de fer et des locomotives fumantes ; c’est aussi le temps du travail le plus humblement manuel, celui où l’on continue en maints endroits à battre le blé avec un fléau, où les bergers landais se déplacent encore sur leurs échasses, celui des scieurs de long, de la marine à voile, des colporteurs et des rémouleurs. Une époque où tout se transforme. À Paris le métro commence à concurrencer les omnibus hippomobiles. Les riches abandonnent leurs calèches et circulent, emmitouflés, dans des automobiles conduites par un « mécanicien ». On se passionne pour le Tour de France cycliste, on assiste aux premiers vols des aéroplanes. Le football (foot-ball, footbaal) apparaît tout juste : encore quelques décennies et il sera le nouvel opium de peuple.

Moissonneuse-batteuse

C’est la « Belle Époque ». Le petit peuple trime et les riches ont la belle vie, seulement préoccupés du cours de leurs actions et de leurs loisirs : la montagne l’hiver, la mer l’été ou, plus sagement, une station thermale, le café-concert. Une classe moyenne est déjà là qui s’efforce de singer les riches, petits rentiers, chefs de bureau, avec panama, faux-col, costume trois pièces, bottines, la montre dans le gousset – et leurs épouses ombrelle, volant et dentelle.

Manufacture de Beauvais

Pour les lecteurs les plus âgés, cette France d’antan est celle de leurs grands parents, pas si éloignée donc, et pourtant à des années-lumière de la France d’aujourd’hui, celle de la pyramide du Louvre, des TGV, des jumbo-jets, des « téléphones intelligents », des robots de plus en plus présents, des écrans omniprésents, la France des traders et des chômeurs, celle où – par un retournement stupéfiant des situations – travail rime avec privilège tandis que l’oisiveté est signe de déclassement. Feuilleter La France d’antan, c’est se replonger dans les mondes de Zola et de Proust, dans un univers de lectures qui soudain prennent figures humaines. Émouvantes retrouvailles… ou dépaysement garanti pour les lecteurs davantage familiers du naturalisme… houllebecquien.

Mer de glace

La France d’antan, texte de Sarah Finger, Paris, HC Éditions, 2015.