Ouvre ton cahier
Sur les armes miraculeuses
Et hurle ces mots coupables
Coupés à la machette de l’histoire
Décuplés par la gâchette du verbe
Ouvre ton cahier
Révise ton cadastre de fond de cale
Entre les sanglots et les rires décalés
Sans fard les mots prennent le pouvoir
Sang phare pour dire l’innommable
Ouvre ton cahier
Que les chiens se taisent au portulan de la honte
D’avoir tant aboyé de pensées broyées
Mais fais jaillir ces mots niés reniés
Nus inconnus de fleuve connivence
Ouvre ton cahier
Conjugue-moi en rupture le verbe aimer
A l’imparfait d’un roulis sacrilège
Evadé de la tempête du complaisant silence
Coupé du soleil Découpé en morsures
Ouvre ton cahier
Et dis-moi en langue crue et secourue
Sans ces airs de déjà-vu-entendu
La tragédie d’une saison nègre
Par l’intègre dérision du verbe
Ouvre ton cahier
A l’orée de la grande nuit de Gorée
Lorsque les mots inversent leurs peurs
De la pénombre aveuglante du non-dit
A l’incandescence d’un cri salutaire
Ouvre ton cahier
Sur les pages liminaires du poème-torrent
Dis-moi une dernière fois et pour toujours
Ce pays échancré d’impossibles partances
Ancré en toi sur les récifs du partage…