Tel pourrait être le titre d’une émission de télé consacrée à la découverte d’une ethnie du bout du monde.
Et bien non, le samedi 17 février j’étais invité par les membres de cette population à la cérémonie de célébration du Nouvel An Hmong, qui a lieu une semaine après celle du nouvel an chinois, au mois de février.
Le lieu, Bouillargues, une petite ville située entre Nîmes et Arles, dans la Vistrenque.
Pourquoi dans cette région, parce que de nombreuses familles Hmong s’y sont réfugiées après l’abandon de l’Asie du sud-est par les occidentaux.
C’est pour cette raison qu’ils se dénomment « Hmong du Sud », du sud de la France.
Ces Hmongs, qui avaient fidèlement appuyé les forces françaises et américaines au Viêt-Nam et au Laos, n’auraient pas survécu au sein du nouveau régime.
Ils sont donc venus s’établir aux USA, en Guyane et dans diverses régions de France, dont les alentours de Nîmes. 220 familles résident dans les communes de Garons, Bouillargues et Caissargues. Ils pratiquent avec bonheur la culture maraîchère, en utilisant une culture ancestrale qu’ils ont su moderniser. Partis de rien dans les années 70, ils ont su créer des exploitations prospères, en ayant rapidement pris le virage de la modernité.
Ils ont d’abord loué des terres, puis les ont achetées.
Pour débuter, ils ont appliqué les méthodes ancestrales de culture de leur pays d’origine, et on peut encore voir les femmes travailler dans les champs, munies de leur chapeau conique asiatique en bambou ou rotin, dit « chapeau chinois ».
Rapidement, ils ont construit des serres classiques, puis des photovoltaïques.
Ayant pris le virage de la transition écologique, ils pratiquent un arrosage « millimétré », utilisant des goutte-à-goutte peu consommateurs d’eau, les serres évitant l’évaporation.
Très économes, ils travaillent en famille et ne comptent pas leurs heures.
Il y a longtemps qu’ils ont compris que les entreprises familiales sont les plus rentables.
Et s’ils pratiquent des cultures maraîchères très variées, ils vouent un véritable culte à la courgette, qu’ils considèrent comme le légume le plus rentable, et dont ils font plusieurs récoltes par an.
Inconvénient de cette pratique, une usure rapide des sols.
Le Nouvel An Hmong du Sud
Tous les ans les Hmongs du Sud se réunissent à Bouillargues dans le Gard.
Ils invitent toute la diaspora dont les Hmongs du Centre et du Nord de la France.
On peut lire sur le parking des plaques minéralogiques en provenance de nombreux départements français.
Ils sont entre 3 et 4000 à rejoindre cette belle petite ville, venus de France, de Guyane, d’Allemagne, des Usa, du Canada, d’Australie, d’Argentine, voire du Japon et de Nouvelle -Zélande.
Leur nombre est estimé à 30 000, dont 2000 en Guyane Française.
La majeure partie vit encore en Asie du Sud-Est, principalement en Chine et au Viêt-Nam, mais aussi au Laos, en Thaïlande et en Birmanie.
La fête dure 2 jours, et une vraie foire attend les visiteurs, qui se voient offrir toute une panoplie de produits hmong, vêtements traditionnels colorés pour hommes et femmes, objets culinaires, produits alimentaires asiatiques, ustensiles et jeux divers, etc.
Des jeux sont organisés, notamment le jeu de balle qui consiste à échanger des balles de tennis lancées à la main, entre deux haies parallèles, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Cet échange de balles, qui peut durer longtemps, aurait pour but de faire se rencontrer les jeunes couples.
L’ouverture du Bal
Le Jeu de Balle
J’ai eu l’honneur, comme tous les invités, de participer à cet échange « diplomatique », avec l’épouse du Président des HMongs du Sud, Yang Tcheu.
J’avais eu auparavant le privilège d’ouvrir le bal avec cette dame, dans une sorte de menuet circulaire à vitesse lente…et après avoir fait le discours de bienvenue pour le compte de la commune de Bouillargues.
Après ces rites protocolaires, les hôtes sont invités à un repas Hmong, traditionnellement succulent. Cette année, il y avait d’abord un buffet doté de hors-d’œuvre chinois, nems, rouleaux, et d’autres produits plus délicieux les uns que les autres…
Après avoir profité de toutes ces bonnes victuailles, nous vîmes arriver, non pas une assiette, mais une soupière pour chacun des convives, contenant un potage au bœuf et au vermicelle chinois, agrémenté d’épice variées où dominait l’anis : un régal !
Le discours de Bienvenue
Un peu d’histoire
Originaires du sud de la chine où on les trouve à la fin de la période antique, ils ont progressivement émigré vers tous les pays de l’Asie du sud-est, Viêt-Nam, Laos, Cambodge, Thaïlande etc.
À l’issue de la guerre civile laotienne conclue par la victoire du régime communiste en mai 1975, un nombre important de Hmong fuit le Laos pour se rendre dans un premier temps dans des camps de réfugiés situés en Thaïlande, avec l’ouverture du camp militaire Namphong pour l’accueil des premiers réfugiés laotiens, dont les Hmong, le 10 mai 1975. Leur nombre est tel qu’en 1976, s’ajoutent les camps de réfugiés supplémentaires de Ban-Vinai, Non-Khai, Poua, Ubone, Outradith et Chiang-Khang.
Entre 1975 et 1978, des avions gros-porteurs récupèrent une partie des réfugiés politiques Hmong, qualifiés de « guérilleros de la liberté victimes d’un génocide » par la presse occidentale et de « traîtres, laquais de l’impérialisme colonial et américain » par les autorités laotiennes. Ils sont répartis dans des pays d’accueil comme les États-Unis, la France (notamment en Guyane) et l’Australie. (Source Wikipedia)
Guerriers Hmong au Laos – Été 1961
Etablis à Garons, les anciens combattants Nenglao et Nzeu, font partie de ceux qui ont fui avec leurs parents l’oppression du parti communiste. Après avoir combattu auprès des Français et des Américains lors des deux guerres d’Indochine, ce peuple originaire du Laos et du Vietnam a été persécuté par le parti communiste en place.
Ce sont des rescapés de guerre :
« Si nous restons là-bas avec les communistes, nous sommes condamnés à mourir. Nous sommes obligés de quitter le pays, c’est pour cela qu’aujourd’hui nous sommes des réfugiés politiques. »
Une stèle commémorative a été érigée à Garons :
Aujourd’hui nous avons une stèle qui est à l’honneur de notre peuple, pour honorer la mémoire de nos grands-parents qui ont vraiment donné de leur vie pour honorer la France. C’est une reconnaissance de l’état qui nous dit que maintenant la France c’est notre pays aussi, nous dit Neng Yang, président de l’association Hmong Archive.
Une intégration réussie
Ces vrais patriotes se sont parfaitement intégrés à la vie française. Discrets, bien élevés, travailleurs, ils participent activement à travers leur métier d’agriculteur à la vie économique française et créent leur part de richesse au profit de la communauté nationale.
Ils savent s’intégrer à la vie politique, et notre ami Yves Yang a été élu conseiller municipal à Bouillargues, où il est en charge de la transition écologique et des problèmes agricoles.
Bons élèves à l’école, la troisième génération dotée d’une formation supérieure et de moyens financiers améliorés, commence à se tourner vers d’autres métiers, notamment l’informatique, pour laquelle ils ont goût et facilité.
Enfants Hmongs à Bouillargues
Et pour en savoir plus sur ce peuple attachant, lisez la bande dessinée « Hmong » de Vicky Lyfoung, parue en 2023 chez Delcourt. Elle y raconte, en parallèle, l’histoire du peuple Hmong et l’histoire de sa famille.
Photos Martine Garnier, Gérard Cantomerle, Association Hmong Archives.