Le Petit Coiffeur
Grand succès de ce festival 2021, cette nouvelle pièce de Jean-Philippe Daguerre, l’auteur du désormais célébrissime Adieu Monsieur Haffmann (« la pièce aux 4 Molières »). L’auteur a, en quelque sorte, repris une recette qui marche puisqu’il situe Le Petit Coiffeur à nouveau à l’époque de la deuxième guerre mondiale, plus précisément au moment de la Libération, des représailles et des femmes tondues. L’action se déroule, sauf à la fin, dans l’appartement et le salon d’un coiffeur. La maman est coiffeuse pour dames et résistante patentée. Elle est veuve et la maîtresse d’un résistant pur et dur comme elle. Elle a deux fils. L’aîné, Jean, est simple d’esprit. Le second, Pierre, est coiffeur pour hommes et peintre. Sa mère lui procure les modèles féminins dont il a besoin. La dernière d’entre elles, Lise, est institutrice. Son arrivée dans l’univers des coiffeurs sera source de plus de peine que de plaisir.
Ce qui fait le succès de cette pièce, pour laquelle il faut réserver plusieurs jours à l’avance ? Un texte mélodramatique comme attendent les spectateurs âgés (qui font l’essentiel du public du théâtre, rappelons-le) : rire et émotion garantis. J. L. Daguerre a l’art d’enchaîner les surprises et de créer des personnages de femmes mûres pittoresques, l’épouse du gouverneur allemand de la place de Paris dans Monsieur Haffmann, la coiffeuse ici. Un autre personnage retient particulièrement l’attention, celui de Jean, chargé de faire rire et qui s’avère également le plus émouvant.
Puisqu’il ne serait question de résumer l’intrigue, on ne peut que souligner la qualité de l’interprétation, à commencer par les deux comédiens dans les rôles de la coiffeuse (Brigitte Faure, son bagou) et de Jean (Arnaud Dupont, lunaire). Mais leurs partenaires sont au diapason. Quant à la mise en scène, elle est assurée par J.-P. Daguerre qui s’est d’abord fait une réputation dans ce domaine. Le décor, comme dans Monsieur Haffmann, est réaliste.
Jean-Philippe Daguerre, Le Petit Coiffeur (texte et m.e.s). Avec Arnaud Dupont, Brigitte Faure, Romain Lagarde, Charlotte Matzneff, Thibault Pinson.
La Dernière Lettre
Violaine Arsac a déjà connu le succès avec Les Passagers de l’aube, sa première création originale. La Dernière Lettre connaît également un beau succès mérité. Il n’est pas si facile, en effet, de se lancer dans un plaidoyer contre la peine de mort et la « justice réparatrice » sans tomber dans les poncifs. L’un des personnages, avocat arriviste, ne se rangera dans le camp des trois autres, abolitionnistes, que par opportunisme.
Il n’est pas sûr qu’une pièce comme celle-là conduise beaucoup de spectateurs favorables à la peine de mort – si d’aventure il s’en présente dans une salle de théâtre et pour ce spectacle en particulier – à changer de position. Peut-être s’en trouvera-t-il davantage pour estimer pertinent le concept de justice réparatrice. Mais va-t-on au spectacle pour changer d’avis ? Cette question qui taraude tout le théâtre politique n’est pas la plus pertinente pour des spectateurs qui sont là avant tout pour se distraire, pas nécessairement pour rire, pour se « divertir », c’est-à-dire se détourner de leurs soucis ordinaires. Rien de tel pour cela qu’une belle intrigue et si elle pose une question sérieuse, pourquoi pas ?
Un homme a été assassiné. On connaît le coupable, même si sa mère veut à tout prix croire le contraire. Elle croit en tout cas aux vertus de la justice réparatrice, laquelle consiste à mettre en relation victime(s) (ici la femme de l’homme assassiné) et coupable(s) (ici l’assassin incarcéré) dans le but de les aider à retrouver la paix, en pardonnant, dans un cas, en parvenant à un repentir sincère, dans l’autre.
Nous sommes au Texas, un Etat où la peine de mort est toujours en vigueur. Les quatre personnages sont franco-américains, ils s’expriment naturellement en français. Il y donc la mère et la veuve, auxquelles s’adjoignent, côté mère, une avocate qui œuvre bénévolement en faveur de la justice réparatrice, côté veuve, le beau-frère, avocat lui aussi, qui considère que la peine de mort ne doit pas être condamnée dans l’absolu, que là où elle subsiste encore, elle est l’expression d’un choix collectif et pas moins légitime qu’un autre.
La veuve est révoltée, la mère prête à tout entreprendre qui pourrait sauver son fils, à défaut améliorer son sort de prisonnier. Il y a au départ deux camps bien tranchés. Les choses évolueront par la suite et c’est tout l’art de l’auteure que de rendre cette évolution crédible. Nous aurons des surprises, en particulier lorsque la mère se révèlera telle qu’elle est et non l’émissaire de l’association en faveur de la justice réparatrice qu’elle prétendait être.
Aux quatre personnages s’ajoute le prisonnier, en voix off. La prison n’est pas directement montrée mais une force du spectacle tient au décor, tout en barreaux métalliques, évoquant le milieu carcéral.
Violaine Arsac, La Dernière Lettre (texte et m.e.s.). Avec Marie Bunel, Grégory Corre, Noémie de Lattre, Mathilde Moulinat et la voix de Benjamin Penamaria. Décor et costumes Caroline Mexme.